Les hôpitaux publics de la région d’Oran manquent cruellement de poches de sang. Les cliniques privées en ont à foison, mais certaines les facturent à prix d’or aux patients bénéficiaires. C’est en tout cas ce que dénonce un reportage paru ce jeudi dans la Voix de l’Oranie.
Le manque de sang : un problème algérien
A Oran, comme dans le reste de l’Algérie, le manque de poches de sang dans les hôpitaux est un problème récurrent depuis des années. 2008 et 2009 avaient été particulièrement marquées par une baisse des stocks des banques de sang, constatait Le Soir d’Algérie en avril 2009. En 2008, la moyenne était en effet de 10,81 dons pour 1 000 personnes, ce qui était insuffisant pour répondre aux besoins des patients algériens. Dans un article de l’Expression de 2008, le professeur Kezzal Kamel, ancien directeur général de l’Agence nationale du sang, imputait ce manque à des problèmes d’infrastructure et de coordination : «le retard cumulé en matière de politique du sang est dû à l’organisation».
Depuis, quelques campagnes de sensibilisation ont été menées pour inciter les Algériens à donner leur sang et le nombre de donneurs a observé une timide hausse. Il est par exemple passé de 415 000 en 2010 à 450 000 en 2011. Mais cela demeure encore insuffisant. A Oran, les campagnes de sensibilisation ainsi que les réguliers appels d’urgence à la radio pour inciter les habitants de la région à faire don de leur sang témoignent de ce manque. Les causes sont multiples et le déficit de confiance de la part de la population algérienne en fait partie.
Sang et argent
Ce déficit de confiance transparaît d’ailleurs clairement parmi les donneurs qui étaient présents dans le service de transfusion sanguine d’un hôpital public au moment où les journalistes de la Voix de l’Oranie ont réalisé leur reportage. «Personnellement, quand je veux faire don de mon sang, je le fais directement au profit de la personne bénéficiaire et jamais pour l’hôpital. Comme ça, je connais au moins sa destination», a expliqué l’un des donneurs. «A quoi ça sert de donner son sang, alors que nous connaissons d’emblée le sort qui lui est réservé. Quand on va à l’hôpital pour demander du sang, on nous demande de ramener au moins trois donateurs, et ce, même si le malade n’a besoin que d’une seule poche», a renchérit une autre personne présente dans la salle. Une situation que le professeur Benhammadi trouve normale. «Le fait d’exiger des malades de ramener des donneurs de sang est tout à fait normal, cela étant indispensable au renouvellement du stock de la banque de sang, et ce, afin d’assurer la disponibilité du liquide vital dans l’ensemble des établissements de santé et faire ainsi face aux situations d’urgence», estime le chef du centre de transfusion sanguine du CHU d’Oran.
Selon la Voix de l’Oranie, certains craignent également que le sang qu’ils donnent soit revendu à des cliniques privées qui, elles, facturent les poches procurées à leurs patients. Le professeur Benhammadi reconnait la monétarisation du sang dans les cliniques mais dément toute revente de la part des hôpitaux publiques vers les établissements privés : «Ces cliniques, soutient-il, se procurent du sang au niveau du centre de transfusion sanguine au prix de 2.250 Da, en vertu d’une convention liant les deux parties », a-t-il expliqué à la Voix de l’Oranie. «L’argent récolté de ces opérations de vente couvre les frais des analyses biologiques effectuées sur le sang des donneurs et le coût du conditionnement des poches qui doit répondre à des normes médicales strictes», affirme-t-il. Ces frais sont normalement partagés entre la clinique et le patient bénéficiaire, qui doit être par la suite remboursé s’il en fait la demande. Néanmoins, le chef du centre de transfusion sanguine du CHU d’Oran estime que les cliniques privées «commettent une grande faute en portant sur les factures le prix du sang, celui-ci étant acheté par le malade bénéficiaire et est remboursé par la caisse d’assurance sociale».
Dans les cliniques privées de la wilaya d’Oran, «le prix de la poche de sang est effectivement porté sur la facture, oscillant entre 4.000 et 5.000 dinars», précise le journaliste Zemmour Sanaâ dans son article. Or il est nécessaire d’utiliser au moins trois poches par opération ce qui oblige le patient à débourser 12 000 dinars au minimum. D’autant plus que certains malades ne sont pas informés du remboursement possible par la caisse d’assurance sociale. Certains y voient donc une arnaque.
La chargée de communication de la direction de la santé de la wilaya d’Oran a été contactée par La Voix de l’Oranie à ce sujet. Elle a conseillé aux malades pris en charge dans les cliniques privées de faire valoir leurs droits et d’engager au besoin des poursuites judiciaires «contre les établissements privés qui leur facturent le prix du sang».