Le professeur des Universités Expert International, Dr Abderrahmane MEBTOUL, fait une analyse sur les règles de l’organisation mondiale du commerce OMC et les impacts que cela produit sur l’économie algérienne.
Etant précédé par des rencontres bilatérales entre le 22 et 28 mars 2012, une rencontre informelle avec le groupe de travail chargé du dossier d’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) est prévue le 30 mars 2012 à Genève, afin de préparer le 11ème round des négociations multilatérales prévu en juin. Mais beaucoup de travail attend l’Algérie si elle veut adhérer à l’Organisation mondiale du Commerce. Les négociations piétinent depuis le 3 juin 1987. L’Algérie veut-elle véritablement adhérer à l’OMC ? Or, les pays membres accaparent plus de 95 % du commerce mondial et la majorité des pays de l’OPEP dont le niveau de production est bien plus élevé que celui de l’Algérie, les derniers en date étant l’Arabie Saoudite et la Russie, sont membres de cette organisation. L’objet de cette contribution est d’analyser le fondement de cette organisation et l’impact d’une éventuelle adhésion sur l’économie algérienne, selon une vision dynamique et non statique rentière, pouvant être gagnant à moyen et long terme tout en perdant à court terme.
L’OMC, cadre international de régulation du commerce mondial
C’est un cadre de négociation qui permet, entre autres, aux Etats membres de trouver des solutions aux problèmes commerciaux qui les opposent. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’occupe des règles régissant le commerce entre les pays à l’échelle mondiale. L’objectif primordial de ce système est de contribuer à favoriser autant que possible la liberté des échanges, tout en évitant les effets secondaires indésirables. Aux termes des Accords de l’OMC, les pays ne peuvent pas, en principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux. Ce principe est dénommé traitement de la nation la plus favorisée (NPF). Son importance est telle qu’il constitue le premier article de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), qui régit le commerce des marchandises. Il est aussi une clause prioritaire de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) (article 2), et de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) (article 4), même s’il est énoncé en des termes légèrement différents d’un accord à l’autre. Quelques exceptions sont autorisées. Dans le domaine des services, les pays peuvent, dans des circonstances limitées, recourir à la discrimination. Cependant, les exemptions ne sont autorisées dans les accords que sous réserve de conditions rigoureuses. D’une manière générale, la clause NPF signifie que, toutes les fois qu’un pays réduit un obstacle tarifaire ou ouvre un marché, il doit le faire pour les mêmes biens ou services provenant de tous ses partenaires commerciaux. Les produits importés et les produits de fabrication locale doivent être traités de manière égale, du moins une fois que le produit importé a été admis sur le marché. Il doit en aller de même pour les services, les marques de commerce, les droits d’auteur et les brevets étrangers et nationaux. Le système commercial devrait être exempt de discrimination. L’un des moyens les plus évidents d’encourager les échanges est de réduire les obstacles au commerce comme par exemple : les droits de douane et les mesures telles que les interdictions à l’importation ou les contingents qui consistent à appliquer sélectivement des restrictions quantitatives. L’objectif central pour les experts de l’OMC est de promouvoir une concurrence loyale, encore qu’il faille tenir compte de quelques exceptions. Les règles relatives à la non-discrimination – traitement NPF et traitement national – ont pour objet de garantir des conditions commerciales loyales, de même que celles qui concernent le dumping (exportation à des prix inférieurs au coût pour obtenir une part de marché) et les subventions.
Selon les documents officiels de l’OMC, plusieurs éléments militent en faveur d’un commerce mondial ouvert. Du point de vue économique, la justification d’un système commercial ouvert est fondée sur l’évolution du commerce international et de la croissance économique depuis la Seconde Guerre mondiale. « Les droits de douane sur les produits industriels ont fortement fléchi et sont en moyenne inférieurs à 5 pour cent dans les pays industrialisés. Au cours des 25 premières années qui ont suivi la guerre, la croissance de l’économie mondiale était de 5 pour cent par an en moyenne, ce taux élevé étant en partie imputable à la réduction des obstacles au commerce. La croissance du commerce mondial a été encore plus rapide, avec un taux moyen d’environ 8 % ». Du point de vue commercial, l’OMC considère que seules des politiques commerciales libérales garantissent la circulation sans restriction des biens et des services, accroissent la concurrence, encouragent l’innovation et engendrent le succès. Elles amplifient le bénéfice que l’on peut retirer de la production la meilleure, la mieux conçue et effectuée au meilleur prix. Le succès dans le commerce, cependant, n’est pas un phénomène statique. Telle entreprise parfaitement compétitive pour un produit peut le devenir moins qu’une autre lorsque le marché évolue ou lorsque des techniques nouvelles permettent de fabriquer un produit moins cher et meilleur. Du point de vue des restrictions à l’importation, pour l’OMC, la tentation de refuser le défi que représentent des importations compétitives est toujours présente. « Et les gouvernements des pays riches sont davantage susceptibles de céder à l’appel de la sirène du protectionnisme, dans le but d’en retirer un avantage politique à court terme, en accordant des subventions, en imposant des formalités administratives complexes et en se retranchant derrière des objectifs généraux légitimes, tels que la préservation de l’environnement. Pour es experts d l’OMC, la protection conduit à terme à des productions inefficaces offrant aux consommateurs des produits dépassés et peu attrayants ».
Ces analyses sont globalement reprises par la Communauté européenne. Une étude menée en 2008, par des experts de Bruxelles, arrive à la conclusion que le coût de protection alourdit la facture européenne de plus de 500 millions d’euros. Et que le volume des marchandises a été multiplié par six depuis la naissance du GATT ; aussi la libéralisation tarifaire entraînerait un gain estimé à plus de 1.200 milliards de dollars. Même les pays en voie de développement devraient profiter de cette dynamique puisque leur part dans le commerce mondial ayant considérablement crue mais inégalement par rapport de pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil et le Mexique qui arrivent parmi les dix premiers exportateurs de biens et services. Qu’en est-il des pays en voie de développement et du programme de Doha ?
Il y a lieu de préciser que les principales résolutions de la quatrième Conférence ministérielle, tenue à Doha, en novembre 2001, a examiné les problèmes que rencontrent les pays en développement pour mettre en œuvre les Accords actuels de l’OMC, c’est-à-dire les accords issus des négociations du Cycle d’Uruguay. La décision sur la mise en œuvre a porté sur les points suivants que nous résumons très sommairement : exception au titre de la balance des paiements : clarification des conditions moins rigoureuses énoncées dans le GATT. Cela est applicable aux pays en développement s’ils restreignent leurs importations pour protéger l’équilibre de leur balance des paiements. Puis un engagements en matière d’accès aux marchés : clarification des conditions à remplir pour pouvoir négocier ou être consulté sur la répartition des contingents agriculture. Et le développement rural et sécurité alimentaire pour les pays en développement ; des délais plus longs sont accordés aux pays en développement pour leur permettre de s’adapter aux nouvelles mesures SPS des autres pays. Ensuite il y a l’assistance technique aux pays les moins avancés et examen de l’assistance technique en général dont le transfert de technologie aux pays les moins avancés. Les modalités d’application d’une disposition spéciale concernant les pays en développement, qui reconnaît que les pays développés doivent prendre spécialement en considération la situation des pays en développement lorsqu’ils envisagent d’appliquer des mesures antidumping ; la prorogation du délai imparti aux pays en développement pour mettre en œuvre l’Accord ; l’élaboration d’une méthode pour déterminer quels pays en développement satisfont au critère selon lequel leur PNB par habitant doit être inférieur à 1 000 dollars EU pour qu’ils puissent accorder des subventions subordonnées à l’exportation. De nouvelles règles autorisant les pays en développement à accorder des subventions dans le cadre de programmes qui visent « des objectifs légitimes en matière de développement », sans que cela donne lieu à une action en matière de droits compensateurs ; et enfin, l’examen des dispositions concernant les enquêtes en matière de droits compensateurs.
Les incidences sur l’économie algérienne
Les principes du libre-échange sont identiques à ceux que l’on retrouve avec les accords d’association de l’Union européenne que l’Algérie est tenue d’appliquer depuis le 1 septembre 2005. Nous distinguerons les incidences générales des incidences sur les services énergétiques. En ce qui concerne les incidences générales, de ce qui précède, nous permet de mettre en relief les principes directeurs suivants : l’interdiction du recours à la « dualité des prix » pour les ressources naturelles, en particulier le pétrole (prix internes plus bas que ceux à l’exportation) ; l’élimination générale des restrictions quantitatives au commerce (à l’import et à l’export) ; obligation de mettre en place les normes de qualité pour protéger la santé tant des hommes que des animaux (règles sanitaires et phytosanitaires). L’obligation d’observer les règles de protection de l’environnement ; et enfin, récemment, l’OMC a introduit les aspects des capitaux et surtout la propriété intellectuelle dont la protection est une condition essentielle de l’investissement direct étranger et du développement de la sphère réelle, les pays membres s’engageant à combattre le piratage, (renvoyant à la construction de l’Etat de droit et, donc, à l’intégration de la sphère informelle).
Les conséquences de tels accords sont : le démantèlement des droits de douanes et taxes pour les produits industriels et manufacturés sur une période de transition ; les relations de partenariat entre les deux parties seront basées sur l’initiative privée. Tous les monopoles d’Etat à caractère commercial sont ajustés progressivement pour qu’à la fin de la cinquième année après l’entrée en vigueur de l’accord, il n’existe plus de discrimination en ce qui concerne les conditions d’approvisionnement et de commercialisation des marchandises entre les ressortissants des Etats membres. La coopération économique devra tenir compte de la composante essentielle qu’est la préservation de l’environnement et des équilibres écologiques. En ce qui concerne les incidences sur les services énergétiques, l’Algérie se doit d’être attentive à la nouvelle stratégie gazière qui semble se dessiner tant au niveau européen qu’au niveau mondial et donc intégrer l’ensemble des paramètres et variables qui traceront la future carte énergétique du monde.
Les accords dont il est question plus haut devraient faire passer les industries algériennes du statut d’industries protégées à des industries totalement ouvertes à la concurrence internationale. Ces accords prévoient à l’horizon 2017 la suppression totale des obstacles tarifaires et non tarifaires, avec d’énormes défis aux entreprises industrielles de notre pays. Si ces accords ne peuvent avoir que peu d’impacts sur le marché des hydrocarbures en amont, déjà inséré dans une logique mondiale (pétrole), il en va autrement de tous les produits pétroliers à l’aval qui vont être soumis à la concurrence européenne et internationale. Ainsi, la dualité des prix mesure par laquelle un gouvernement maintient des prix internes à des niveaux plus bas que ceux qui auraient été déterminés par les forces du marché et les restrictions à l’exportation. Autre incidence, l’ouverture à la concurrence du marché des services énergétiques qui concernent toutes les activités et l’urgence d’intégrer la sphère informelle domaine en Algérie. Enfin, l’environnement considéré comme un bien collectif, l’Algérie doit s’engager à mettre en œuvre les différentes recommandations contenues dans les chartes sur l’énergie.
L’ouverture des frontières et la spécialisation accrue suscitée par la mondialisation s’imposent de nos jours à tous les pays, l’Algérie comprise. Tout en soulignant l’importance de l’intégration du Maghreb au sein de l’espace euro-méditerranéen, pont entre l’Europe et l’Afrique, comme facteur d’adaptation à la nouvelle configuration géostratégique mondiale. Dans ce contexte, l’Algérie ne peut pas rester en marge de ce processus. L’ensemble de ces contraintes, imposées tant par l’Accord d’association avec l’Europe que de l’OMC peut arrimer l’économie algérienne à l’économie mondiale et jouer le rôle d’entraînement du développement économique et du progrès social. Ce qui suppose des réformes au niveau intérieur tant politique, social qu’économique par l’accélération de la réforme globale. Concrètement cela passe par la mise en place d’une véritable économie de marché concurrentielle à finalité sociale, l’Algérie étant toujours dans cette interminable transition depuis 1986, ni une économie administrée, ni une économie de marché, d’où les difficultés de régulation. Cela doit être sous-tendu par une bonne gouvernance et un Etat de droit, qui peut ne pas recouper dans une première phase, l’instauration de la démocratie. Cela montre l’urgence d’une production et exportation hors hydrocarbures, une action pour plus de cohésion sociale évitant cette concentration injuste de la répartition de la rente renvoyant à une lutte concrète contre cette corruption qui s’est socialisée. Une autre politique salariale inexistante à ce jour est urgente afin de favoriser le travail, le savoir fondement de la dynamique de l’entreprise supposant des réaménagements dans les structures du pouvoir existant un lien dialectique entre la logique rentière et l’extension de la sphère informelle spéculative. C’est la condition d’atténuation du chômage et de la pauvreté et donc des tensions sociales afin de mettre fin à ce paradoxe d’aisance financière.
Dr Abderrahmane MEBTOUL