2014 : la date qui tue le temps Par Kamel Daoud

Redaction

Le sujet de la semaine ? Une date : 2014. A cause de cette date on construit vite et n’importe comment, on lance des projets pour pouvoir les réceptionner juste avant, on déballe du linge sale, on gonfle les statistiques. Curieuse campagne électorale en Algérie où la course ne se fait pas entre concurrents et candidats mais contre la montre, pour le régime.

C’en est devenu une obsession : finir les chantiers avant 2014, pour que Bouteflika puisse les livrer en prenant une photo à coté et en disant au peuple : voilà ce que je fais pour vous. Il n’y a pas de vision de relance économique, pas de stratégique de conquête des marchés régionaux, pas de politique de PME/PMI, pas de plan d’urbanisation et d’administration de territoire, mais seulement une course contre la date qui braque presque tous les ministres dans la position du coureur. Presque tous les ministres ont compris qu’il fallait « offrir » quelque chose à inaugurer à l’actuel Président pour qu’il puisse se présenter sous un meilleur jour dans deux ans et avec ses fameuse enveloppes spéciales que ne contrôle ni parlement, ni personne d’autres. Curieux usage et us, on ne fait pas campagne électoral en disant ce que « je vais faire pour le pays et pour vous », mais ce «j’ai fait pour vous». Du coup, déjà la concurrence est faussée : les autres candidats vont venir promettre, le candidat désigné va venir dire ce qu’il a déjà fait.

A la fin, en Algérie, on réduit toujours le pluralisme à la fonction binaire : vous votez pour ce système ou contre lui. Et le Système vous dit « vous votez pour ce que j’ai fait ou pour ceux qui n’ont encore rien réalisé ni donné »

Et à la fin, cette date paralyse le pays, le tétanise et le réduit à un compte à rebours pendant que l’on parle d’autres choses. Sauf que c’est plus grave encore. Pour ceux qui le remarquent, la question du choix du Président en Algérie ramène toujours à la date de 1962 et sa crise. Que l’on soit en 2014 ou en 3014, cela revient à résoudre la question « algérienne » entre le GPRA, l’armée des frontières, la zone autonome d’Alger, un Benbella de façade et un Boumediene embusqué. Toujours, encore et encore. On l’a vécu après Boumediene, pendant Chadli, avec Boudiaf, Zeroual et avec l’actuel. On est toujours au moment Zéro car ce moment n’a pas été résolu, et cette équation n’a pas changé. D’où cette impression de remake que laisse la question des Présidentielles algériennes. La nouveauté étant non pas le choix d’un président mais dans la manière dont il va quitter la Présidence : mort, debout, tué, malade, en vrac ou tout frais payé.

En attendant, la date de 2014 précipite le pays dans la culture des « Injazates » qui sont le contraire d’une relance de l’économie. Relancer c’est créer, pérenniser, enrichir et développer. Les « Injazates » sont du populisme, c’est construire, livrer et sourire en s’applaudissant à côté. Relancer, c’est créer de l’emploi et de la richesse. Les Injazates, c’est créer des clients et des indigènes. C’est pour cela que pour 2014, on accélère les « Injazates », même bâclées et avec le coût politique et financier que l’on va savoir un jour. C’est le plus drame de l’Algérie : les dates y servent à tuer le temps.