Algérie : L’absence énigmatique de Bouteflika et le silence intriguant des officiels

Redaction

La carence du pouvoir présidentiel se fait plus que jamais sentir. Dans une conjoncture nationale particulièrement difficile, le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika s’est illustré, encore une fois, par son absence. Une absence due à la dégradation de son état de santé, suite à l’AVC dont il a été victime en avril 2013.

C’est l’affaire de l’enlèvement et de la décapitation du touriste français Hervé Gourdel par le groupe djihadiste Jund El Khilafa, filiale algérienne du Daech (Etat islamique), qui a le plus mis en lumière cette vacance présidentielle. Le chef de l’Etat n’a pas présenté publiquement ses condoléances à son homologue et au peuple français. Il ne s’est pas non plus adressé à son peuple, horrifié par la barbarie du groupe terroriste.

Abdelaziz Bouteflika a aussi transgressé les règles protocolaires. Contrairement aux usages, c’est le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui s’est entretenu à cette occasion avec le Président français François Hollande. Au lendemain  du crime odieux revendiqué par le groupe terroriste, François Hollande, en réponse à une question d’un journaliste en marge de la 69è session de l’assemblée générale de l’ONU, à New York, a déclaré, selon des propos de Sofiane Djilali : « Le Président Bouteflika est malade et inapte à parler au téléphone ». Toujours d’après Sofiane Djilali, président du parti Jil Jadid, qui s’exprimait samedi dernier au Forum de Liberté, le Président français a exclu l’éventualité  d’une visite à Alger car « ça ne changera rien, le Président Bouteflika est malade et il ne peut plus rien faire ».

Les doutes sur la santé du chef de l’Etat resurgissent avec d’autant plus de vigueur que la dernière apparition d’Abdelaziz Bouteflika à la télévision publique remonte, selon les médias, au 21 septembre dernier, à l’occasion d’une réunion du Haut Conseil de sécurité. Et les vidéos de l’ENTV, connue pour sa manipulation, sont à prendre avec beaucoup de précaution. Une de ses « énormes manipulations » a a été dévoilée au grand jour par la chaîne française Canal+  dans son « Petit journal » du 29 août dernier. Pour faire croire aux téléspectateurs que Bouteflika était en bonne santé, la télévision publique a truqué  les images montrant le Président s’entretenant avec le leader du parti tunisien Ennahda, Rached Ghannouchi. Pour faire avaler la couleuvre, Canal Algérie a fait un montage en recourant à des images datant de janvier dernier pour les faire passer pour celles d’août.

Cette absence alimente les rumeurs les plus folles. Des tweets de personnes anonymes le donnaient pour mort ces derniers jours. Selon un média électronique algérien, Algérie Express, citant une « source sûre », Abdelaziz Bouteflika a été évacué jeudi dernier vers une clinique à Genève, après un grave malaise contracté la veille. Un conseil des ministres qui devait se tenir mercredi dernier a en effet été annulé in extremis. L’étude de plusieurs avant-projets de loi, dont celui de la loi de finances 2014, a, en conséquence, été ajournée.

En l’absence d’une communication officielle transparente, le citoyen algérien est privé de son droit de savoir où et dans quel état se trouve le chef de l’Etat. Une chose est sûre cependant : Abdelaziz Bouteflika ne remplit plus ses fonctions institutionnelles et protocolaires depuis plusieurs mois déjà.

La carence de la fonction présidentielle fait l’unanimité parmi les acteurs politiques, à l’exception des chefs de parti au pouvoir. Nombre de personnalités et leaders politiques ont d’ailleurs appelé à l’application de l’article 88 de la Constitution qui énonce la déclaration de l’état d’empêchement « lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions ». Ce à quoi ne cessait d’appeler l’infatigable militant des droits de l’homme, Ali Yahia Abdennour, avant même la « réélection » de Bouteflika pour un quatrième mandat en avril dernier. En attendant que l’appel de Me Ali Yahia soit entendu, le citoyen algérien attend également, pour reprendre les propos de Sofiane Djilali, « que l’information vienne de France pour qu’on apprenne ce qui se passe dans ce pays ».

Yacine Omar