C’est une photo qui restera dans les annales de l’histoire politique algérienne. Saïd Sadi, l’ex leader du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), un parti démocrate laïc, serre la main à Ali Djeddi, un des anciens responsables du Front Islamique du Salut (FIS). Une image rarissime en Algérie au regard des luttes fratricides et idéologiques qui ont opposé durant de longues années les islamistes aux démocrates.
Mais en 2014, les deux camps ont, semble-t-il, enterré la hache de guerre. Preuve en est, après la poignée de main, une accolade entre Said Sadi et Ali Djeddi a fini par convaincre les plus dubitatifs : les islamistes les plus conservateurs et les démocrates les plus laïcs décident en Algérie de s’allier pour construire l’avenir de notre pays. Mais ces images, séduisantes pour les uns, offensantes pour les autres (ceux qui refusent tout compromis avec les anciens leaders du FIS pour leur rôle dans la tragique décennie noire), reflètent-elles pour autant une véritable réalité politique ?
De prime abord oui. Oui, parce qu’hier, mardi, lors de la réunion nationale pour les libertés et la transition démocratique, ils étaient tous réunis pour discuter ensemble d’une nouvelle alternative politique au régime actuel, qualifié d' »illégitime ». Pour la première fois, islamistes et démocrates se sont rencontrés sous le même chapiteau pour parler de l’avenir du pays en écartant leurs divergences et leurs divisions. Il y a eu, certes, la plate-forme de Sant‘Egidio ou « Contrat de Rome » comme elle est appelée communément, une réunion des partis politiques de l’opposition algérienne organisée le 13 janvier 1995. Mais cette rencontre était particulièrement liée à la crise des années 90 et n’avait débouché sur aucune mesure concrète. La rencontre de 2014, organisée sur le territoire algérien, revêt, quant à elle, un caractère symbolique.
D’ailleurs, les leaders islamistes ou démocrates n’ont pas caché leur satisfaction et ont affiché, une fois n’est pas coutume, leur optimisme. Ils ont été tous d’accord pour « réagir d’une manière positive vis-à-vis de la transition démocratique telle que proposée par la réunion ». Ils ont tous affirmé leur détermination à « rester en contact permanent avec toutes les composantes de la société dans la perspective de consacrer la démocratie ainsi que les droits et libertés et ce, à travers l’organisation de rencontres thématiques et autres activités politiques ». Ces engagements sont une première en Algérie. Ils illustrent qu’il est possible de dépasser les divergences politiques pour l’intérêt national. Mohcine Belabbas, le président du RCD, n’a pas hésité à faire savoir à ce propos que « le système a sacralisé les divisions au sein de l’opposition qu’il n’a jamais laissée débattre sereinement ».
Ahmed Betatache, premier secrétaire national du FFS, a assuré de son côté qu’il faut « éviter les pratiques et les démarches qui ne suscitent pas de consensus ». Abderrazak Makri, président du parti islamiste le MSP, a reconnu qu’il faut poser « les bases d’un vrai pays de libertés et montrer que le pouvoir ne peut pas faire l’impasse sur l’opposition ». Mais cette lune de miel entre les démocrates et les islamistes va-t-elle durer encore longtemps ? Résistera-t-elle aux aléas de la politique ? Et surtout va-t-elle déboucher sur un changement sérieux en faveur de la démocratisation de l’Algérie ? Seul l’avenir le dira.