Les bataillons militaires de la wilaya de Batna, secondés par des unités spéciales de la gendarmerie nationale, continuent de passer au peigne fin les monts jouxtant Oued Chaâba, théâtre, dans la nuit de samedi à dimanche, d’un attentat terroriste au mortier, revendiqué par Aqmi sur les réseaux sociaux. Cet attentat survient une dizaine de jours après l‘accrochage entre des militaires et des terroristes affiliés à Al Qaida au Maghreb Islamique à Aïn Defla.
L’Algérie doit-elle craindre un essor d’Aqmi, en perte de vitesse depuis 2013, et une surenchère de son ennemi de sang, Daech ? Algérie-Focus a posé la question à Akram Kharief, fondateur de « Secret Difa3 », site web spécialisé dans la défense et la sécurité au Maghreb. D’après lui, la force de frappe des différents mouvements terroristes algériens n’est pas suffisamment importante pour mettre en échec l’armée nationale. Entretien.
Propos recueillis par Djamila OULD KHETTAB
Algérie-Focus : Le groupe terroriste a usé de cocktails Molotov et de mortier artisanal. Cela signifie-t-il qu’il est moins armé donc moins dangereux ?
Akram Kharief : Oui c’est certainement le fait d’un petit groupe terroriste, qui a cherché à plus se faire de la publicité que mettre en échec l’armée, car, sinon, il s’en serait directement pris à la caserne militaire centrale.
L’attaque semble toutefois avoir été préparée puisqu’ils ont coupé le courant électrique avant de donner l’assaut…
Ce n’est pas sûr qu’il ont volontairement coupé l’électricité avant de tirer sur la caserne. D’ailleurs, s’ils avaient été si bien préparés, ils ne se seraient pas exposés à ce point au danger en tirant depuis les deux massifs montagneux environnant du mortier et des cocktails Molotov.
Le ratissage est toujours en cours dans la wilaya de Batna, l’Armée nationale populaire (ANP) n’a toujours pas mis la main sur l’un des membres de ce groupe terroriste. L’armée algérienne a-t-elle été mise en échec par ce groupuscule ?
Non elle n’a été mise en échec. D’abord parce que l’armée n’a pas été touchée. J’ai contacté les différents services hospitaliers dans la région, ils m’ont répondu qu’il n’y avait eu aucun militaire admis dimanche. Et la cellule de communication de l’armée revendique n’avoir subi aucune perte et aucun blessé. Les sources médiatiques parlent de quatre blessés légers, ce qui est dérisoire.
Précisons également que le terrain est favorable aux terroristes. Connaissant la topographie, il leur a certainement été très facile de se disperser dans les massifs montagneux, notamment celui de Belzma, et de faire le mort.
Donc malgré les moyens employés et le renfort d’hélicoptères, l’armée a peu de chance de retrouver la piste des terroristes…
Effectivement. La région de Batna et des Aurès n’est pas épargnée par le terrorisme depuis plusieurs années, c’est bien connu. L’armée recherche en vain des terroristes depuis des années, mais les énormes étendues boisées desservent les forces armées.
L’attaque sur la caserne militaire de Batna a été revendiquée par Aqmi (Al Qaida au Maghreb Islamique), tout comme celle à Aïn Defla. Assiste-t-on à une surenchère entre Aqmi et les groupuscules algériens affiliés à Daech ?
Il y a bien une guerre médiatique entre les différents groupes terroristes algériens. C’est la raison pour laquelle l’attentat à Oued Chaâba a été rapidement revendiqué sur les réseaux sociaux. Toutefois, tous ces mouvements terroristes compensent sur Internet leur non maîtrise du terrain. Ils n’occupent plus aujourd’hui que des régions isolées et montagneuses du pays. Ils n’ont clairement pas la capacité de se confronter à l’Etat algérien ou l‘armée algérienne.
D’ailleurs, les terroristes en Algérie sont de moins en moins nombreux. Une partie des terroristes du nord de l’Algérie a effectivement quitté le pays pour la Libye ou la Tunisie où il est relativement plus facile de réaliser des actions. Je ne pense donc pas que le pouvoir de nuisance des terroristes en Algérie soit significatif, peu importe le changement d’appellation des mouvements. D’autant plus que ceux qui prétendent faire partie de Daech sont issus des rangs d’Aqmi. La mouvance terroriste en Algérie est donc divisée ce qui, en réalité, l’affaiblit.
Les groupes terroristes s’en sont jusque-là pris à des cibles militaires. Peut-on craindre, dans une logique d’escalade, qu’ils s’attaquent à la population civile ?
Il y a une psychose populaire et médiatique en Algérie, alimentée par les troubles à nos frontières et au Moyen-Orient. Les informations contradictoire concernant le bilan humain de l’opération terroriste à Batna, allant de quatre blessés à quatorze selon les sources médiatiques, en attestent. Mais le rythme des attaques terroristes n’a en fait pas augmenté. Il n’y a pas plus d’attentats aujourd’hui qu’il y a deux ans. Les attentats sont, en revanche, plus régulièrement couverts par les médias nationaux. Les terroristes capitalisent cette psychose, néanmoins, sur le terrain, ils sont en position défensive face à l’armée nationale.