Barack Obama n’est pas un ami, ni un amant : c’est le président des Etats-Unis. Il est temps de cesser d’entretenir avec lui une relation «amoureuse».
Barack Obama est réélu président des Etats-Unis en remportant plus de 270 grands électeurs necessaires. « Quatre ans de plus » a tweeté le président sur son compte personnel.
Rien de surprenant que tant de gens soient sur la défensive, dès que l’on aborde le sujet du président américain, Barack Obama.
Dans de nombreux cas, c’est tout à fait compréhensible. Quand un membre du Congrès des Etats-Unis qualifie le premier président noir du pays de «tar baby» (littéralement «bébé de goudron», personnage du folklore américain synonyme de situation dont il est difficile de s’extirper, mais aussi utilisé péjorativement pour qualifier des personnes à la peau noire, NDT), alors on peut parler de courroux légitime.
Et la même chose est valable quand des journalistes condescendants du Wall Street Journal mettent en doute son intelligence.
Le pire est quand deux hommes noirs très influents attaquent le président, avec une férocité apparemment alimentée par des raisons largement insignifiantes.
Pourtant, pour chaque fanatique, idiot ou diva, qui prêche pour sa paroisse, il existe des sujets de critiques réels et légitimes du président Obama. Petit message à l’intention de ses partisans les plus zélés: calmez-vous! Vous vous investissez trop émotionnellement dans Barack. Ou, comme le dit l’humoriste et animateur de télévision Bill Maher, dans la dernière de l’émission Real Time pour cette saison:
«C’est votre président, pas votre petit ami.»
Obama aussi a le droit d’être critiqué
Je constate que j’évite de plus en plus de parler d’Obama avec certaines personnes, de peur qu’elle ne se mettent à chanter avec des étoiles dans les yeux:
«Don’t mess with my man, I’mma be the one to break it to you!» (Touche pas à mon mec ou je t’en colle une) (les paroles de la chanteuse Nivea).
Les derniers sondages de Gallup montrent que si Obama jouit de 41% d’opinions favorables, chez les Afro-Américains le chiffre s’élève à 85%. Et pourtant, le taux de chômage des noirs est de 15,9%, soit le double des 8,1% des blancs.
A la lumière de ces chiffres, il est troublant que certains se comportent encore comme si cet homme ne méritait pas quelques critiques constructives.
Oui, il y a des raisons politiques expliquant qu’Obama ne puisse s’attaquer directement au taux de chômage des noirs, et non, je ne suggérerai jamais qu’il fasse quoi que ce soit qui validerait une fable de droite rebattue et trompeuse, selon laquelle il n’a accédé à la présidence que pour aider les noirs.
Même si consentir à cet accord de plafonnement de la dette inspiré par l’austérité —qui ne va pas faire grand-chose pour générer de la croissance ou vraiment raboter nos dettes— était une nécessité politique, cela n’en était pas moins un exemple de cas où le président a donné l’impression de ne pas se battre avec assez d’énergie pour ceux qui ont le plus besoin d’aide.
C’est l’essence même de l’argument de Tavis Smiley et du Dr Cornel West dans leur «Poverty Tour» si pathétiquement nommé. Smiley a eu raison de souligner:
«Pour que ce président soit un grand président, et que nous ne le célébrions pas que symboliquement, pour qu’il soit un président transformateur, quelqu’un doit —avec amour et respect, et en s’engageant envers un ensemble de principes communs— aider à le pousser.»
Peu de gens pensent que la critique de Smiley est motivée par l’amour. Pourtant, et je ne vais pas leur jeter la pierre, étant donné qu’il se plaint aussi de ne pas être invité à la Maison-Blanche.
West est tout aussi louche quand il éreinte le président parce qu’il n’a pas réussi à avoir de piston pour obtenir des invitations à l’investiture présidentielle.
Les problèmes personnels et politiques de Smiley et de West avec Obama en font-ils pour autant des Oncle Tom? C’est apparemment l’opinion de Steve Harvey, humoriste et animateur radio.
Ainsi que celle de Tom Joyner, qui a accusé le duo d’avoir contribué à générer l’environnement négatif qui a permis à l’expert Mark Halperin de traiter Obama de «connard» sur MSNBC.
Depuis quand un blanc a-t-il besoin de s’inspirer de noirs pour savoir quand et comment manquer de respect à d’autres noirs?
Arrêter de regarder Obama avec des étoiles dans les yeux
Dans l’idéal, j’aimerais leur retirer leurs micros à tous et donner à des gens comme le député John Conyers (démocrate représentant le Michigan) une plus vaste tribune pour décharger ses frustrations devant l’échec de l’administration Obama à soutenir des programmes spécifiquement adressés à la communauté noire:
«Nous voulons qu’il sache qu’à partir d’aujourd’hui […], on en a marre», a dit Conyers du président. Nous voulons qu’il se range à nos côtés et qu’il nous soutienne, pas qu’il se contente de regarder et d’attendre.»
L’hypersensibilité étalée par certains fans d’Obama —oui Harvey, c’est de vous que je parle— est contre-productive. Une allégeance aveugle montre un manque de perspective et n’aide pas Obama à devenir un meilleur président.
Malgré toutes les réussites d’Obama —car il peut se targuer d’un bon nombre de succès— il ne s’est pas montré à la hauteur sur ce qui importe le plus aux yeux de nombre de ses partisans: l’emploi, la longue guerre en Afghanistan et l’opposition aux Républicains du Congrès. On peut très bien soutenir le président Obama et affirmer tout cela.
Si nous voulons tous que notre ami reste avec nous, il va falloir baisser un peu la garde et écouter ce que les gens ont à dire.
Michael Arceneaux
The Root
Michael Arceneaux est un auteur qui a grandi à Houston et fait ses études à Howard. Il vit à Los Angeles. Vous pouvez lire ses textes sur son site, et le suivre sur Twitter.
Traduit par Bérengère Viennot
Cet article a été initialement publié par notre partenaire Slate Afrique (mise à jour le 7 novembre)