L’absence du Président Abdelaziz Bouteflika entame aujourd’hui son troisième mois. Le temps est donc venu de faire un bilan de cet Etat qui a momentanément perdu son chef. Quels sont concrètement les problèmes et les enjeux de cette vacance au sommet ?
Le président algérien avait été transféré en France, à l’hôpital militaire parisien du Val de grâce pour des soins le 27 avril dernier, avant d’être amené, le 21 mai, à l’hôpital des Invalides afin de «poursuivre sa convalescence». Depuis, c’est le silence radio. Il aura fallu «patienter» jusqu’au 12 juin pour que la télévision algérienne diffuse des images du Président recevant aux «Invalides» le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, ainsi que le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah.
L’absence d’Abdelaziz Bouteflika commence à devenir longue, même si le Premier ministre, en multipliant les sorties sur le terrain, tente de convaincre la population et les partenaires étrangers que le pays «fonctionne» normalement. Cette situation risque néanmoins de créer quelques problèmes liés au calendrier constitutionnel. En effet, le président de la République est dans l’obligation de signer, dans quelques semaines, la loi de finances complémentaire pour l’année 2013. Du moins, c’est ce que la tradition gouvernementale, notamment sous l’ère Bouteflika, exige. Parce que sur le plan de la réglementation, une loi de finances complémentaire n’est pas un passage obligé. La loi de finances de l’année pourra éventuellement suffire. Mais, comme il y a toujours des réglages à faire, au niveau de la budgétisation, l’Algérie opte, chaque année, pour une loi de finances complémentaire. Et elle est souvent signée avant la fin du mois de juillet.
D’autre part, le président de la République est obligé également d’enclencher le débat autour de la loi de finances 2014 qui devra, tout d’abord, passer par le Conseil des ministres. Là, la présidence a le temps encore, mais cela ne devrait pas non plus dépasser un certain délai, comme l’a d’ailleurs fait remarqué, ce vendredi, le journal arabophone El Khabar.
En tous cas, il est clair que l’absence du Chef de l’Etat depuis maintenant deux mois pose un sérieux problème. Tellement sérieux que plusieurs politiques ont réclamé l’application de l’article 88 de la constitution relatif à la déclaration, par les deux chambres du parlement de l’ «état d’empêchement» du Président de la République. L’article en question permet au Parlement de charger le Président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensallah, dans ce cas précis, d’assurer l’intérim pendant une période ne dépassant pas les 45 jours. Par la suite, Bouteflika pourra reprendre son poste. Dans le cas contraire, si l’état d’empêchement continue, après ce délai, il est procédé à une «déclaration de vacance». En tous cas, au fur et à mesure que cette absence se prolonge, le débat autour de l’application de l’article 88 devient plus persistant. A moins que le pouvoir en place soit prêt à transgresser les lois du pays et laisser les choses en l’état actuel jusqu’au mois d’avril prochain, date de la fin du mandat de Bouteflika.
Elyas Nour