La publication de la photo de la rencontre entre Manuel Valls et Abdelaziz Bouteflika, sur le compte Twitter du premier ministre français, a suscité un choc et effroi dans le pays. Plusieurs personnalités politiques de premier plan, à l’instar de Louisa Hanoune, Ahmed Ouyahia ou Amar Ghoul, ont violemment attaqué Manuel Valls en l’accusant d’avoir attenté à l’honneur du président de la République.
A croire ces dirigeants, Manuel Valls a publié sciemment cette photo pour nuire à l’institution de la Présidence de la République, « une institution sacrée » d’après Abdelmalek Sellal. Mais cette accusation est-elle fondée ? Non, loin s’en faut. Il s’agit en fait d’une lecture fantaisiste faite par des politiques qui semblent ignorer les principes élémentaires du protocole diplomatique.
En effet, Manuel Valls n’a nullement comploté contre l’Algérie ni voulu nuire à son Président. Pourquoi ? Pour la simple raison que la Présidence algérienne savait pertinemment que l’audience qu’accordera Bouteflika au chef du gouvernement français allait être filmée et immortalisée par un photographe accrédité par les services du protocole de la Présidence de la République. Comment cela se passe-t-il ? Matignon, siège officiel du premier ministère français, avait préalablement adressé une note à la présidence algérienne pour lui demander d’accréditer un photographe de l’AFP, Eric Feferberg en l’occurence, et une équipe de cameramans de France 2. Cette accréditation a été accordée par les services du protocole du palais d’El-Mouradia. Les représentants des deux médias français ont donc pu pénétrer à la résidence d’Etat de Zéralda pour prendre les images de l’entrevue de Manuel Valls avec Abdelaziz Bouteflika.
Une fois à l’intérieur de la salle d’audience de la résidence, Eric Feferberg et les cameramans de France 2 ont disposé de tout le temps nécessaire pour prendre les images qui allaient plus tard bouleverser l’Algérie. Lors de la prise de ces images, les services du protocole de la Présidence de la République n’ont aucunement intervenu pour empêcher le travail des représentants des deux médias français. Ces derniers sont ressortis le plus normalement du monde de la salle d’audience pour attendre Manuel Valls qui avait animé, à la fin de son entrevue, un point de presse. A la fin de tout ce cérémonial, l’AFP a diffusé sur son fil toutes les images qui retracent les péripéties de cette fameuse entrevue entre Abdelaziz Bouteflika et le Manuel Valls. Les images de l’AFP, comme celle de France 2 ont été gratuitement mises à la disposition des médias français accrédités par Matignon. Les tristes images d’Abdelaziz Bouteflika circulaient donc dans les rédactions des médias français.
Mais pourquoi le premier ministre français a diffusé une photo sur son compte Twitter ? C’est aussi un geste ordinaire qui entre dans les usages du protocole diplomatique. Le service de communication de Manuel Valls est composé d’une trentaine de personnes. A chacun de ses déplacements à l’étranger, son compte Twitter est alimenté par les photos de ses visites et rencontres avec les dignitaires des pays visités. Abonné au fil d’informations de l’AFP, Matignon a récupéré les fameuses photos pour en choisir une et la diffuser sur Twitter. C’est dire enfin que Manuel Valls n’est pas tout à l’origine de cette photo sinistre qui a secoué toute l’Algérie. Il n’a fait que sélectionner une photo parmi tant d’autres prises par l’AFP. Les services de la Présidence algérienne étaient au courant dés le départ que ces photos allaient être prises et diffusées. Ils n’ont nullement demandé à Matignon de ne pas dépêcher des journalistes à cette audience accordée à la résidence d’Etat de Zéralda. Où est donc le complot ourdi que dénoncent nos dirigeants ?