Chère Houda, ne soyez pas leur faire-valoir ! Par Abdou Semmar

Redaction

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Chère Houda Imane Faraoun, je ne vous connais pas. Je trouve, tout de même, votre parcours très intéressant. Je salue vos réussites académiques et votre excellence universitaire. Je suis fier que vous soyez professeure à l’université de Tlemcen. Physicienne, spécialisée dans les métaux et leurs alliages, notre pays a certainement besoin de votre science. Votre jeunesse, votre âge de 36 ans,  nourrit mon espoir et me permet de rêver d’une autre Algérie. Une Algérie où notre génération peut enfin avoir son mot à dire dans la gestion de notre Etat. Ceci dit, je vous écrit pour vous dire en toute sincérité, votre nomination à la tête du ministère de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication ne m’enthousiasme nullement.

 

Oui, je ne suis pas enthousiaste parce que je crains fort que vous deveniez  leur faire-valoir ! Oui, le faire-valoir d’un régime politique aux abois, en panne d’idées et de projet de rénovation nationale. Le faire-valoir d’un régime qui vous offre ce poste pour donner l’illusion qu’il s’ouvre aux jeunes Algériens. Mais, en réalité, en dépit de votre nomination, sur le terrain, au quotidien, le régime algérien poursuit sa guerre insidieuse contre les jeunes de notre pays. De l’accès au logement  jusqu’au recrutement dans les institutions étatiques et les prestigieuses grandes entreprises publiques, nous les jeunes algériens subissons la discrimination, la loi du népotisme et les mesures les plus ségrégationnistes. La répression continue de s’abattre, comme c’est le cas avec nos compatriotes de Laghouat, jetés en prison pour avoir réclamé du travail lors d’un rassemblement pacifique.

Chère Houda, vous le savez mieux que moi,  ils sont très nombreux nos jeunes qui ont quitté notre pays depuis le début des années 2000 pour consacrer leur intelligence, leur énergie à l’édification d’autres pays déjà développés et où leur dignité est respectée.

Votre âge, votre parcours, votre CV contrastent terriblement avec ceux des autres ministres composant ce gouvernement auquel vous appartenez désormais.  Comment peut-on croire à cette volonté d’ouverture que votre nomination semble suggérerr alors qu’Abdelkader Khomri, un homme de 62 ans, conserve toujours son poste de ministre de la Jeunesse ? Quel langage allez-vous utiliser pour parler à cet homme issu d’une autre Algérie qui ne ressemble en rien à la nôtre, celle de 2015 ? Monsieur Khomri hérite une nouvelle fois du portefeuille des Sports après l’avoir occupé… 22 ans plus tôtd. Quelles sont les valeurs qui vont vous rassembler avec un Amar Ghoul qui collectionne les années au gouvernement, avec des bilans catastrophiques et des scandales de corruption en cascade ?

Force est de constater qu’un fossé immense vous sépare des autres membres du gouvernement. Que partagez-vous avec Abdelmalek Sellal, le blagueur, qui a tenté de rassurer les Algériens au sujet de l’exploration et exploitation du gaz de schiste, en s’appuyant sur les couches pour bébés ? Croyez-vous qu’il est capable de comprendre vos ambitions, vos intentions et la finesse de vos analyses ?

Mais vous êtes-vous déjà posé ces questions ? Je ne suis pas un donneur de leçons. Je ne suis pas un esprit chagrin qui veut noircir davantage le tableau sombre de notre pays. Je ne cherche guère à vous décourager où à vous démoraliser. Je vous rappelle juste à votre devoir. Celui de nous traiter en adultes conscients. Celui de ne pas nous mentir comme les autres ministres. Je suis encore une fois fier de vos compétences, votre élégance et votre beauté. Je suis heureux que mon pays soit représenté par une jeune femme comme vous. Toutefois, je ne suis pas dupe. Vos autres jeunes compatriotes ne sont pas dupes non plus. Notre pays n’a pas besoin de symbolique. Notre pays  n’a pas besoin de discours emphatiques. Notre pays a besoin d’un projet concret, sérieux et moderne. Ne les laissez pas vous transformer en potiche pour leurrer les Algérienss. Tirez les leçons des expériences de Khalida Toumi et de Nadia Labidi.

Elles ont servi un régime qui a instrumentalisé  leur qualité femmes, leur modernité et leur position sociale. Qu’ont-elles pu apporter à l’Algérie en s’inscrivant dans la démarche de ce système politique ? Presque rien, pour user d’un euphémisme! «Le pouvoir est l’aphrodisiaque suprême», disait le rusé Henry Kissinger. Ne vous enivrez pas trop. Restez lucide. L’ampleur de la tâche qui vous attend est énorme.  En 2015, nous n’avons que 76 000 sites web algériens. La Contribution  des TIC à notre PIB ne dépasse pas les 4 % ! A peine 20 % de nos PME sont connectées à Internet. Nous importons presque cinq milliards de dollars de matériels et de services des TIC de l’étranger. Ces chiffres sont honteux. Honteux pour un pays aussi gigantesque que l’Algérie.  Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire. Soyez une ministre, une vraie pour relever le challenge. Sinon, l’histoire retiendra que vous avez été le faire-valoir de l’un des régimes les plus médiocres de la planète…