Noureddine Yazid Zerhouni s’est métamorphosé, trois jour durant, à l’occasion du colloque international « Regards croisés sur Apulée », organisé par le Haut commissariat à l’amazighité (HCA), du 30 mai au 1er juin 2015 à Souk Ahras.
En effet, l’ex-ministre de l’Intérieur s’est transformé en un « petit » élève très sage en assistant très attentivement à pratiquement toutes les communications données par la pléiade de spécialistes, nationaux et étrangers, autour de l’auteur de ‘L’âne d’or ou les métamorphoses’. Installé confortablement sur son fauteuil au premier rang de la salle des conférences Tahri Miloud de la ville de l’antique Thagaste, M. Zerhouni s’est mis dans une posture d’un haut officier des services de renseignement très strict. Peu bavard avec les officiels assis à ses côtés, il a déployé ses oreilles d’ancien pilier de la fameuse ‘SM’, ne voulant laisser aucun mot échapper à son champ auditif.
Qu’est-ce qui a suscité cet intérêt inhabituel chez l’ex-vice Premier ministre qui a passé près d’un quart de siècle au sein des services secrets algériens, au MALG d’abord durant la guerre de libération, à partir de la deuxième moitié des années 1950, puis à la Sécurité militaire (SM) durant les quelques vingt années post-indépendance? Est-ce l’objet du colloque qui n’est autre que la réappropriation d’Afulay l’amazigh, un génie de la littérature jusque-là occulté dans sa terre natale et souvent présenté par les occidentaux comme romain ou grecque? « Je suis là pour apprendre. On apprend toujours », répond le septuagénaire à une question d’un journaliste.
Cette soif de savoir et cette curiosité intellectuelle n’ont toutefois pas été traduites par des actes. M. Zerhouni n’interviendra jamais dans les nombreux débats suivant chaque séance de communication. Une présence tant silencieuse que douteuse qui n’a pas manqué de susciter l’ire d’une bonne partie du public, venue essentiellement de Kabylie.
Cette bande de « voyous », pour reprendre le terme utilisé par le ministre de l’Intérieur d’alors pour qualifier les jeunes manifestants du Printemps noir de 2001, le fera signifier, à sa manière, à l’auteur de cette phrase assassine. En fin de la deuxième journée du colloque, dimanche 31 mai, une visite au site archéologique de Khemissa, l’antique Thubursicum Numidarum, à une quarantaine de kilomètre de la ville de Souk Ahras, est programmée. Pour s’y rendre, M. Zerhouni s’engouffre dans un bus dans lequel avaient pris place des journalistes conviés à couvrir l’événement et autres invités originaires de Kabylie. Erreur stratégique de la part d’un ancien élément aguerri des services! Au cours du trajet séparant les deux villes, ces trublions vont lui faire subir un véritable supplice. Ils lui rappellent le douloureux épisode du Printemps noir et du combat identitaire amazigh en général, à travers deux chanteurs engagés kabyles, et pas des moindres. Oulahlou et Matoub Lounès en l’occurrence. « On a mis les chansons d’Oulahlou et de Matoub et on s’est mis à les entonner en choeur. Il y avait une ambiance folle qui rappelait celle de 2001, notamment au passage de la célèbre chanson ‘Pouvoir assassin’ d’Oulahlou », témoignent des occupants du bus. « Zerhouni était hors de lui. Son visage, sur lequel se lisait une colère intense, s’est assombrii. Il n’avait rien compris à cette rébellion face à laquelle il ne pouvait rien faire », affirment des témoins oculaires.
L’ex-ministre de l’Intérieur n’a évidemment pas digéré ce châtiment. D’ailleurs, au retour, il ne fera pas le trajet dans le même bus. Il rentrera à Souk Ahras de manière très protocolaire dans un véhicule personnel. Mieux, le lendemain, après avoir assisté avec la même discipline aux communications de la matinée, il boudera la très symbolique cérémonie de clôture au théâtre romain de l’antique Madaure, lieu de naissance et d’instruction primaire d’Afulay.
Cette fois, c’est à une autre figure du régime de subir le même châtiment, quoique de moindre durée. L’ex-ministre et cadre du FLN, Boudjemâa Haichour en l’occurrence. A la fin de la cérémonie, l’animateur lance à l’adresse du pbulic, très nombreux, « Assa, Azekka, tamazight tella tella (aujourd’hui et demain, tamazight existera, NDLR) ». L’emblématique slogan du combat identitaire amazigh est repris en choeur par l’assistance, plus particulièrement par un groupe d’enfants de M’daourouch. Une scène qui n’a apparemment pas été du goût du membre fondateur de la Fondation Ben Badis, resté de marbre.