Corruption/ Chakib Khelil doit accepter d’être jugé en Algérie

Redaction

C’est l’un des épisodes les plus énigmatiques de la décennie. L’histoire de Chakib Khelil, cet ancien ministre de l’Energi,e qui continue à déchaîner les passions, n’a toujours pas livré ses secrets. Corrompu pour les uns, victime d’un complot pour les autres, Chakib Khelil est au coeur d’un scandale qui dure depuis des années. Mais, pour l’heure, aucune instance judiciaire sérieuse ne l’a pris en charge. 

Chakib Khelil a volé qui, quoi et quand ? A ces questions limpides, on nous répond par des accusations excessivement vagues. L’ancien ministre est cité dans des versements de pot-de-vins de plus de 190 millions d’euros. Or, il semblerait que ces commissions ont été versées à une société de consulting, Pearl Partners, domiciliée à Hong Kong, où Farid Bedjaoui, le fameux intermédiaire qui négociait avec des compagnies internationales comme l’italienne l’ENI, est actionnaire. Chakib Khelil a-t-il favorisé Farid Bejdaoui ? A-t-il touché du bakchich ? Aucun preuve tangible n’a été fournie jusqu’à cette l’heure. Ceci dit, un procès en Italie est en cours au tribunal de Milan, et les enquêtes se poursuivent à propos d’un réseau international de corruption, utilisé par les dirigeants de l’italien Saipem afin d’obtenir de juteux contrats dans le secteur pétrolier.

A Milan également, le nom de Chakib Khelil figure uniquement sur une liste de suspects. C’est plutôt l’homme d’affaires Farid Bejdaoui qui est accusé par les enquêteurs italiens de jouer un rôle troublant dans les contrats d’une valeur totale de 8 milliards d’euros obtenus par Saipem auprès de Sonatrach, ces dix dernières années. Roberto Pisano et Giuseppe Staiano, les deux avocats italiens de Farid Bedjaoui, s’efforcent à démontrer que les pièces à conviction ne constituent pas des preuves probantes pour condamner leur client. La bataille judiciaire se poursuit. A Alger, le scandale Sonatrach est traité superficiellement par une justice déconnectée des réalités et incapable d’enquêter.

 Le 12 août 2013,  un mandat d’arrêt international a été lancé à l’encontre de l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil et sa famille. Mais ce mandat n’avait abouti à aucune procédure d’extradition, puisqu’il a été invalidé par Interpol pour la simple raison qu’il était en contradiction avec les dispositions du code pénal algérien, dans la mesure où Belkacem Zoghmati, le procureur de la Cour d’Alger, récemment limogé par Abdelaziz Bouteflika, n’avait pas respecté les articles 573 et 574 du code de procédure pénale, selon lesquels lorsqu’un membre du gouvernement, un magistrat de la Cour suprême, un wali, un président de cour ou un procureur général près une cour, est susceptible d’être inculpé d’un crime ou d’un délit commis dans l’exercice ou par l’exercice de ses fonctions, le procureur de la République saisi de l’affaire, doit transmettre le dossier, par voie hiérarchique, au procureur général près la Cour suprême.

Cette faute fatale  a jeté le discrédit sur la procédure enclenchée contre Chakib Khelil. A partir de ce moment, de nombreux observateurs ont commencé à douter d’un scénario de guerre de clans au sommet de l’Etat, dans la mesure où l’ex-ministre de l’Energie faisait partie des lieutenants les plus importants du Président. Deux ans plus tard, Amar Saâdani, le secrétaire général du FLN, défraie la chronique en criant haut et fort que Chakib Khelil est « innocent ». Il accuse même des colonels du DRS d’avoir orchestré sa chute. Un véritable pavé dans la marre.

Pendant ce temps, Chakib Khelil observe un silence intrigant depuis Washington. Sa dernière apparition à l’ambassade d’Algérie, le 1er novembre, est pourtant un signal fort : l’homme est de retour. Plusieurs sources concordantes proches du sérail confirment que la Présidence veut récupérer celui qu’elle qualifie « d’éminence grise ». Amar Saâdani a donné donc le coup d’envoi à une véritable campagne de communication pour réhabiliter l’homme déchu.

Toutefois, l’ancien ministre ne fait rien pour se défendre. Il ne dit rien aux Algériens. Et ces derniers demeurent désemparés face à ce tintamarre médiatique. Pourquoi un homme innocent ne monte pas au créneau pour fournir à l’opinion publique les preuves de son innocence ? Et qui a volé dans le scandale Sonatrach ? Chakib Khelil a le devoir moral de revenir dans son pays pour rendre compte à ses concitoyens.

Aujourd’hui, avec le départ du général Toufik, l’ex-patron du DRS, l’excuse d »un « règlement de compte » ou d’une guerre de clans ne tient pas la route. Même le Procureur de la Cour d’Alger a été démis de ses fonctions. Rien n’empêche Chakib Khelil de revenir au pays et de s’expliquer. Sauf s’il compte s’appuyer uniquement sur les compétences de son nouvel avocat, Amar Saâdani. Mais, ça ne serait vraiment pas crédible…

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