Mali et Libye : « Ces problèmes peuvent se transformer en problème algérien »

Redaction

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Le début des négociations intermaliennes a encore été reporté mardi 21 octobre. En cause : une déclaration du chef des missions de maintien de la paix de l’ONU jugée “maladroite” par les représentants des mouvements armés. Que peut-on attendre de ce troisième round des négociations intermaliennes ? Le chercheur et spécialiste de l’Afrique subsaharienne Alain Antil a répondu à nos questions.

Comment se sont terminées les précédentes négociations inter maliennes en septembre dernier ?

Les dernières négociations sont restées bloquées sur l’opposition frontale entre les propositions des deux parties : celles des trois mouvements armés (MNLA, MAA et  HCUA) et celles des autorités maliennes.

Les premiers demandent  un Etat fédéré de l’AZAWAD, les secondes plaident pour un nouveau type de régionalisation avec la transformation des trois régions existantes en 5 régions au statut et des prérogatives particulières, comme la capacité d’élire leur président au suffrage universel.

Ces propositions sont elles réellement inconciliables ? Quels sont les points de discorde et les points de consensus ?

Il y a encore pas mal de chemin à faire pour définir un accord qui réunisse les deux parties. En réalité, les deux projets ne sont pas si éloignés mais il y a d’abord une difficulté d’appellation. L’Etat malien veut parler de décentralisation alors que les trois groupes en face parlent de nouvelles entités avec une forte autonomie. La question est de savoir quelle partie pourra tenir tête le plus longtemps à l’autre. Beaucoup d’analystes pensent que les mouvements armés ont plus de cartes à jouer sur ce tableau face à un Etat malien pressé par la communauté internationale.

Bamako peut quand à lui menacer d’élargir la négociation à d’autres groupes, ce à quoi s’oppose fermement la troika MNLA, MAA, HCUA. Ces derniers refusent l’intégration dans les négociations d’autres groupes du Nord-Mali qui sont plus favorables à Bamako, comme le Ganda Koy ou le Ganda Izo qui n’ont pas pris les armes et qui réclament une plus grande présence de l’Etat malien et une réforme des institutions dans le Nord.

Etes vous optismiste sur l’issue de cette troisième session des négociations ?

Je ne suis pas dans les secrets de polichinelle du dialogue intermalien mais il y a une telle pression de la communauté internationale que je pense qu’un accord sera trouvé d’ici la fin de l’année.

Mais pour qu’il soit durable, il faudra que l’Etat malien accepte que les autres groupes qui en font la demande participent à l’accord, malgré la pression des groupes armés. Ce refus de les intégrer aux négociations pose un problème politique car même si un accord est trouvé il ne représentera pas toutes les sensibilités du Nord Mali et créera des frustrations.

Pourquoi justement y a-t-il une telle pression de la communauté internationale ?

Car sans accord, pas de possibilité de lutter contre l’insécurité dans cette zone et pas de reconstruction économique possible. Il faut que les institutions fonctionnent pour qu’une réelle transition soit envisageable. Certes il ne servirait à rien de conclure un accord à la va-vite, mal ficelé, mais les représentants des organisations internationales présents à la table des négociations commencent à s’impatienter car ils se sont beaucoup investis et ne voient pas les résultats. Les pays limitrophes (Burkina-Faso, Niger, Mauritanie) ont eux aussi envie de passer à autre chose.

Si un accord n’est pas trouvé rapidement, les groupes terroristes qui sévissent au Nord Mali ont-ils encore plus de risque de se développer ?

Même si on trouve un accord rapidement, il ne faut pas se faire d’illusion, le problème du terrorisme au Nord Mali va encore continuer pendant des années! Même si les forces maliennes, l’armée française et la Minusma sécurisent les grands axes, des groupes comme le MUJAO et AQMI circulent encore. Sur un territoire aussi vaste, le terrorisme restera une menace pendant encore longtemps. Même s’ils ne sont pas en capacité de gouverner, ces groupes ont un pouvoir de nuisance non-négligeable.

L’Algérie, comme pays d’accueil de ce dialogue, a-t-elle une influence suffisante pour pouvoir jouer un rôle dans ces négociations?

Oui l’Algérie a un rôle à jouer dans le processus car elle est directement concernée par une partie de ces problèmes qui se passent à ses frontières. Même si elle n’a pas la capacité d’imposer son agenda, elle a une influence sur certaines parties de la négociation, comme le HCUA, groupe proche d’Ansar Dine qui a lui même déjà eu à faire aux autorités algériennes.

L’Algérie a la capacité de jouer ce rôle d’arbitre car ce n’est pas la première fois qu’elle accueille ce type de négociations (comme ça avait été le cas en 2006-2009). La diplomatie et le gouvernement algériens ont une connaissance poussé des dossiers subsahariens. L’Algérie s’intéresse à ces espaces car ils relèvent de sa sécurité intérieure, notamment avec une communauté touareg au sud qui a son pendant au Mali et en Libye, d’où la possible transformation des ces problèmes en problème algérien.

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