Diplomatie/ Y a-t-il un coup de froid entre Alger et Tunis?

Redaction

L’Algérie et la Tunisie sont-elles en train de frôler la crise diplomatique? Officiellement, non. Alger et Tunis s’efforcent à montrer que les relations « privilégiées et historiques » entre les deux « pays frères » son toujours intactes. Une série d’événements et des tractations en coulisses trahissent toutefois ce langage diplomatique et laissent paraître une crise latente qui mine les relations bilatérales. Des discrétions font en effet état de l’implantation prochaine d’une base militaire américaine dans le sud-ouest de la Tunisie, pas loin de la frontière algérienne. Et cela n’est pas fait pour plaire à Alger.

La tension est montée au point d’amener la diplomatie algérienne à provoquer récemment une réunion d’urgence, tenue en catimini au niveau de l’ancien siège du ministères des Affaires étrangères, à quelques encablures du palais présidentiel, à El Mouradia. Selon la chaîne de télévision KBC (El Khabar TV), qui a rapporté l’information, pas moins de sept cadres desdites institutions ont pris part à cette réunion secrète. Il s’agit notamment du ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Ramtane Lamamra, le SG du MAE, des conseillers diplomatiques auprès du président de la République, à l’instar de Benamar Zerhouni, ainsi qu’un très haut gradé de l’Armée, général de son état.

Ces hauts cadres de l’Etat, à en croire KBC, se sont concertés autour de la réaction à adopter vis-à-vis des autorités tunisiennes, suite à la fin de non-recevoir opposée par celle-ci aux réserves algériennes concernant le présumé accord américano-tunisien.

En effet, le chef de la diplomatie algérienne, Ramatane Lamamra, avait effectué, les 13 et 14 juillet courant, une visite éclair à Tunis, au cours de laquelle il a rencontré le président Béji Caïd Essebsi, le chef du gouvernement Habib Essid ainsi que son homologue tunisien Taïeb Baccouche. Il a également transmis un message du président Bouteflika à BCE. Officiellement, cette visite s’inscrivait dans le cadre des « concertations entre les deux pays à la lumière d’une conjoncture spécifique et des défis imposés par le terrorisme, outre le souci d’œuvrer à la consolidation des relations bilatérales et d’intensifier la coordination entre les deux pays frères ». Et bien évidemment, puisque l’occasion s’y prêtait, il était également question de faire le tour de «  »nombre de questions fondamentales d’intérêt commun ». Chez nous, le lexique diplomatique est si riche en expressions vagues destinées au public qui n’en saura point de l’essentiel. C’est le cas de le dire puisque l’on ne sait presque rien du contenu de la missive de Bouteflika à son homologue tunisien.

Mais tout porte à croire que l’objet inavoué de ces échanges et tractations diplomatiques est bel et bien cette crise latente autour de la supposée future base US sur le sol tunisien. D’autres faits à même d’accréditer la thèse du coup de froid diplomatique entre les deux pays sont là. Au début de ce mois de juillet, Abdelaziz Bouteflika avait reçu à Alger, le président du mouvement tunisien Ennahdha, Rached Ghannouchi, en présence de Ramtane Lamamra. Officiellement, la rencontre a porté sur « la situation prévalant dans la région du Maghreb et au Moyen Orient ».  M. Ghannouchi a déclaré aux médias que son entretien avec Bouteflika était une occasion pour « affirmer le principe de consensus et souligner l’impératif d’éviter les conflits et toute ingérence étrangère dans les affaires internes des pays de la région ». Et c’est justement le motif de la non-ingérence dans les affaires internes des pays que les autorités tunisiennes auraient invoqué face aux réserves algériennes transmises par Lamamra lors de sa dernière visite à Tunis, à en croire KBC. Il est donc fort à parier que Rached Ghannouchi, connu pour sa proximité avec Bouteflika, était venu en émissaire pour désamorcer le crise diplomatique qui se profile entre les deux pays.

La très récente provocation de Sarkozy à l’encontre de l’Algérie, depuis Tunis d’ailleurs, serait en grande partie, elle aussi, liée à cette crise latente. En mettant les malheurs de la Tunisie, du moins en partie, sur le dos de son mauvais voisin, une Algérie instable laissait-il entendre, l’ancien président français ne dénonçait-il pas implicitement ces réserves algériennes concernant la base US? Ne prenait-il pas position en faveur des USA à travers la Tunisie et au détriment de l’Algérie? Des hypothèses qui ne sont pas à écarter. Reste maintenant à savoir si l’Algérie parviendra à trouver un terrain d’entente avec son voisin de l’Est, « allié majeur non membre de l’OTAN » depuis quelques temps, qui officiellement nie l’existence d’accord concernant l’implantation d’une base militaire US sur son sol.

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