Ghardaïa : ce que proposent les candidats à l’élection présidentielle

Redaction

Les rideaux des magasins baissés, les rues désertes, des policiers qui quadrillent la ville. Ghardaïa, autrefois haut lieu de tourisme saharien, offre une bien triste image ces dernières semaines. Malgré les visites officielles des représentants du gouvernement, jusqu’à l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal, le calme ne revient pas dans la vallée du M’Zab. La dernière vague d’affrontements entre jeunes chaâmbis et berbères a fait trois morts et quelques 200 blessés. Que faire face à cette situation ? A quelques jours du début officiel de la campagne électorale, les six candidats au poste de Président de la République ont répondu à Algérie-Focus.

Louisa Hanoune, candidate du Parti des Travailleurs : « Des activistes étrangers œuvrent sur le terrain pour donner un caractère communautaire à cette crise »

« Louisa Hanoune suit depuis le début ce dossier. Elle a rencontré l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal et s’est entretenu avec le ministre par intérim Youcef Yousfi vendredi au téléphone. Elle les a alertés sur la situation à Ghardaïa en leur rappelant la nécessité que l’Etat intervienne pour mettre fin à cette crise, qui menace la souveraineté nationale de l’Algérie », explique le chargé de communication pour la campagne de Louisa Hanoune, Ramdane Tazidt. « L’Etat doit renforcer la sécurité des biens et des personnes mais une réponse sécuritaire ne suffit pas. Il faut aussi adopter un plan d’urgence pour le développement de cette région », ajoute le député du Parti des Travailleurs (PT), sans entrer dans les détails.

Dans le staff de campagne de Louisa Hanoune, on est convaincu qu’une « main étrangère » tente de déstabiliser le pays en semant le trouble à Ghardaïa. « D’après les élements que nous avons eu des membres de la structure locale du Parti des Travailleurs, des groupes de personnes habillées de masques se déplacent de quartier en quartier pour inciter les jeunes à la violence », affirme Ramdane Tazidt. Il ajoute : « Des ONG et des activistes politiques étrangers œuvrent sur le terrain pour donner un caractère communautaire à cette crise. Ils manipulent les habitants sur place pour transformer le problème socio-économique en un problème communautaire. De notre côté, nous refusons l’approche communautaire et préférons adopter une démarche républicaine ».

Ce n’est pas la première fois que l’Algérie est la cible d’une main étrangère désireuse de déstabiliser le pays, rappelle le responsable de la cellule de communication de la campagne de Louisa Hanoune. « Comme durant les évènements de 2001 en Kabylie, c’est toute la nation algérienne, dans son intégrité, son unité et sa stabilité qui est visée à Ghardaïa. Ce qui se passe là-bas arrange les affaires de tous ceux qui ont intérêt à voir notre pays sombrer à nouveau dans la violence après la décennie noire, tous ceux qui regrettent que l’Algérie n’ait pas été touchée par le Printemps arabe », soutient Ramdane Tazidt, accusant « des centres occultes et mafieux qui cherchent le chaos ».

Un déplacement à Ghardaïa est-il prévu ? Louisa Hanoune devait initialement lancer sa campagne à Ghardaïa mais étant donné la situation sur place et le nombre de victimes la candidate du Parti des Travailleurs a préféré ajourner son déplacement, explique le député du PT. « Nous avons annulé car on ne veut pas être accusé de récupération politique. Le déplacement aurait été vu comme une provocation, un défi lancé à la région », justifie  Ramdane Tazidt. C’est donc finalement d’Annaba que Louisa Hanoune donnera le coup d’envoi officiel de sa troisième campagne consécutive à une élection présidentielle. Le PT n’a toujours pas déterminé à ce jour de date pour un voyage à Ghardaïa mais « Louisa Hanoune est toujours prête à rencontrer les habitants de cette ville », indique enfin Ramdane Tazidt.

Ali Benflis, candidat indépendant : « restaurer le dialogue inter-communautaire »

« La situation sur place est grave. Elle est symptomatique de l’échec de l’établissement d’un dialogue entre les pouvoirs publics et la population. Ils n’ont pas su instaurer les conditions nécessaires pour dégager un consensus entre les différentes parties. Le pouvoir gouverne de façon isolé et sans écouter la population », affirme Lotfi Boumghar, responsable de la communication de l’équipe de campagne d’Ali Benflis. Il indique aussi : « Ali Benflis s’engage, s’il est élu, à se rendre à Ghardaïa et à ne pas quitter les lieux tant qu’une solution n’est pas conclure ».

Le candidat indépendant se rendra à Ghardaïa le 28 mars « pour exposer son programme dans un premier temps. Il insistera aussi sur les vertus du dialogue et de la concertation », souligne Lotfi Boumghar.

Dans les circonstances actuelles et l’insécurité qui règne à Ghardaïa, les comités locaux de soutien à Ali Benflis rencontrent des difficultés à mener normalement la campagne de terrain, indique encore Lotfi Boumghar. « Ali Benflis leur a donné comme instruction d’appeler au retour du calme », dit-il.

Abdelaziz Belaïd, candidat du Front el Moustaqbal : « Un programme de développement de la région est nécessaire »

Pour le candidat du parti el Moustaqbal, les évènement à Ghardaïa sont l’échec de l’Etat. « L’Etat a failli dès le départ à traiter et régler la situation sur place car au lieu de s’adresser directement aux groupes de personnes concernés, il n’a discuté de la question qu’avec les notables de la région », déplore Abdelaziz Belaïd.

Pour lui aussi, le problème est d’ordre social et non communautaire. « La violence à Ghardaïa est directement liée à la montée du chômage chez les jeunes et à la difficulté de se loger. Elle est symptomatique de la crise sociale qui affecte toute la région. Donc l’aspect communautaire de cette question est secondaire », insiste-t-il, regrettant que « l’Etat n’a pas mis en vigueur un réel programme pour le Sud ». Abdelaziz Belaïd propose donc s’il est élu un programme de développement de la région, sans entrer dans les détails.

Se rendra-t-il à Ghardaïa durant sa campagne ? Pas sûr, un déplacement dans la vallée du M’Zab n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas encore prévu dans le programme des 20 jours de campagne du candidat. « Je ne veux pas utiliser ce problème pour partir à la conquête de voix », se justifie Abdelaziz Belaïd, qui ne va pas pour autant faire l’impasse sur le sud du pays, puisqu’il donne rendez-vous aux habitants d’Adrar et de Ourgla d’ici les semaines prochaines.

Moussa Touati, candidat du FNA : « L’échec du système »

Interrogé par Ennahar mardi, Moussa Touati avait répondu que « Ghardaïa n’est pas mon problème ». Joint par nos soins, son directeur de campagne nuance : Il n’a pas voulu dire qu’il ne s’intéressait pas à la région mais que la responsabilité des évènements en cours incombe entièrement à l’Etat ».

Pour Moussa Touati, il ne faut pas appréhender les évènements à Ghardaïa d’un point de vue communautaire. « Le problème est seulement économique et social. Il y a un grand manque d’infrastructure sur place. Les habitants n’aspirent qu’à vivre décemment », affirme son directeur de campagne.