Léopold Sédar Sanghor et Mario Vargas Llosa s’y sont essayé avant lui. Le premier est devenu le premier président du Sénégal et resta à son poste 20 ans entre 1960 et 1980. Le second, prix Nobel de littérature, à la tête de la coalition libérale le Front Démocratique, est battu au second de l’élection présidentielle péruvienne 1990. Quel destin attend Yasmina Khadra, l’auteur algérien le plus lu et traduit à l’étranger, candidat à l’élection présidentielle algérienne ?
C’est à la surprise générale que Yasmina Khadra déclare, au cours du Forum Liberté, le 2 novembre dernier, sa candidature à l’élection présidentielle, marchant ainsi sur les pas d’illustres écrivains, qui, avant lui, ont prétendu à la magistrature suprême. Après avoir décroché l’uniforme militaire, Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohammed Moulessehoul, veut cette fois poser la plume et se consacrer à la vie politique de son pays.
Le grand public découvre ce jeune venu dans le monde littéraire en 1997, alors que l’ex-officier de l’armée algérienne, originaire de la wilaya de Béchar, publie sous pseudonyme (les deux prénoms de son épouse) son premier roman Morituri. Il enchaîne les succès libraires, les lecteurs s’arrachent ses romans. La flamboyance de son verbe et la philosophie développée dans ses histoires séduisent au-delà des frontières. Yasmina Khadra acquiert une renommée internationale après la publication de sa trilogie sur le dialogue entre l’Occident et l’Orient : Les hirondelles de Kaboul, L’Attentat et Les Sirènes de Bagdad. Il s’interroge dans ses récits sur les ressorts de la barbarie : comment en vient-on à torturer un homme ou une femme ? Une question qui n’est pas anodine pour un ancien colonel de l’armée algérienne.
« 99% de ne pas être élu »
Directeur du Centre culturel algérien jusqu’à l’annonce de sa candidature, Yasmina Khadra fait partie des rares écrivains qui peuvent compter sur un lectorat fidèle. La fidélité de ses lecteurs algériens se traduira-t-elle dans les urnes, le 17 avril prochain ? Khadra ne se fait pas beaucoup d’illusion. « Mon but est simple : faire changer les choses en Algérie. J’ai 99 % de chance de ne pas être élu, mais je veux jouer cet espoir », a-t-il expliqué au Forum de Liberté. Comme beaucoup de ses concurrents, l’écrivain se veut le candidat du changement. Yasmina Khadra veut partir en priorité à la conquête du lectorat féminin et jeune. « Un pays qui se contente d’une rente (pétrolière) sans pour autant se préoccuper des générations de demain est en danger mortel », dénonce-t-il. Mais, encore faut-il que l’auteur de « Ce que le jour doit à la nuit » parvienne à recueillir les 60.000 signatures d’électeurs requises à travers au moins 25 wilayas pour valider sa candidature.
Depuis novembre et sa surprenante déclaration, le romancier n’a pas encore mis la machine en route. Pas de programme électoral ni de comité de soutien, Yasmina Khadra se fait discret. Si l’aventure présidentielle de Yasmina Khadra venait à tourner (très) court, l’homme de lettre sait déjà qu’il sera très occupé en avril prochain puisqu’il publiera aux éditions Julliard Qu’attendent les singes ? Ce roman raconte l’histoire d’une commissaire de police qui va lutter, seule contre tous, pour démasquer l’auteur d’un crime abominable qui s’avère être un rboba, un homme de l’ombre immensément riche et puissant. C’est sûr, Yasmina Khadra a le sens du timing.