Depuis 1992, il est celui qui dénonce sans relâche ceux qui « ont falsifié l’histoire de la Révolution » et qui « souillent l’histoire de nos martyrs ». Suite aux dernières déclarations du Ministre des moudjahidines, nous nous sommes entretenus par téléphone avec Benyoucef Mellouk.
En 1992, cet ancien fonctionnaire au service des affaires sociales et du contentieux du Ministère de la Justice fait éclater le scandale des magistrats faussaires, affirmant qu’il détient les dossiers de 520 magistrats faussaires, qui ont utilisé la corruption pour obtenir le statut de moudjahidine. En 1997, Mellouk est condamné à 3 années de prison avec sursis pour « vol et divulgation de dossiers confidentiels ». 7 ans après, l’ancien Ministre de l’Intérieur, Mostefa Mohammedi, et l’ancien Ministre des Moudjahidines, Mohamed Djeghaba, portent plainte contre Mellouk. Certains de leurs proches figuraient à l’époque sur la liste noire diffusée par l’ancien fonctionnaire. En février 2008, Mellouk est condamné à 4 mois de prison ferme par le tribunal de Sidi M’hamed. Mais Mellouk poursuit son combat pour la vérité et dénonce la « mafia politico-judiciaire » qui le harcèle depuis toutes ces années.
Algérie Focus : Quelle est votre réaction aux déclarations du Ministre Tayeb Zitouni, qui a affirmé que la procédure d’identification des moudjahidines ne serait pas rouverte ?
Benyoucef Mellouk : Les déclarations du Ministre prouvent une nouvelle fois que le problème ne sera jamais réglé. Il est pourtant essentiel d’assainir le système des moudjahidine, car le régime actuel manipule le peuple et trahit son histoire.
Algérie Focus : Pourquoi le régime refuse-t-il de se pencher sur cette question des faux moudjahidine ?
B.M. : On est gouverné par un régime de bandits, de corrompus, de voleurs et d’assassins, qui ont assassiné Boudief et ruiné le pays. Au sein de ce système étatique, les faux moudjahidine occupent des postes clés, à toutes les échelles. L’État est donc juge et parti dans ce dossier, et c’est pour ça qu’il refuse de démasquer les faux moudjahidines. Même les authentiques moudjahidine préfèrent se taire, pour ne pas perdre leurs privilèges ! Mais moi je dénonce cette complicité coupable.
Algérie Focus : en 1992, vous avez fait éclater le scandale des magistrats faussaires. Pouvez-vous rappeler les détails de cette affaire ?
B.M. : J’étais inspecteur général des affaires sociales du Ministère des moudjahidine entre 1963 et 1971, puis chef de service des affaires sociales et du contentieux du Ministère de la Justice de 1972 à 1992. C’est là que j’ai fait éclater l’affaire. J’ai dénoncé 520 – notez bien ce chiffre – magistrats qui avaient obtenu le statut de moudjahid de manière irrégulière. J’ai transmis toutes les preuves que j’avais collectées à la presse et à la justice. Mais la justice a fait disparaître ce dossier. Heureusement, j’avais transmis des copies et non les originaux.
Cette affaire touche toutes les institutions de l’État, même ses plus hautes instances : l’armée, la défense, l’intérieur, l’éducation… Parmi les faux moudjahidine, on trouve des anciens caïds, des députés, des personnalités politiques puissantes et même des parents du Président Bouteflika. C’est ça notre président qui met la main sur le Coran ? C’est ça nos magistrats qui mettent la main sur le Coran ?
Ce dossier est une priorité ! C’est l’affaire la plus médiatisée d’Algérie, relayée par des médias étrangers importants comme Le Monde. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il encore de dire la vérité sur ces magistrats faussaires ? Je vais continuer à me battre. Je ne regrette rien, malgré les menaces, malgré la prison. Ces gens là sont capables de tout. On m’a retiré mon passeport, interdit de quitter le territoire, et on m’a privé de tous mes droits, mais je ne regrette rien. Je fais mon devoir de vérité.
Algérie Focus : Pensez-vous malgré tout que le dossier sera un jour rouvert ?
B.M. : Le dossier ne sera jamais rouvert par ce gouvernement. Il doit y avoir un changement politique radical, ce régime doit disparaître. Aujourd’hui, je lance un appel au peuple algérien : il doit réagir, pour écrire sa véritable histoire, la véritable histoire de sa révolution. Une histoire authentique, débarrassée des mensonges. J’en appelle également à la justice internationale, qui doit intervenir pour faire la lumière sur ce qu’il s’est véritablement passé. Et, surtout, je pense que la nouvelle génération, qui peut briser le silence, doit se réveiller une fois pour toutes.