Chercheur et diplômé en droit et en histoire des universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Paris 2 Panthéon-Assas, Massensen Cherbi poursuit actuellement des études doctorales dans ces deux disciplines. Ses thèmes de recherche sont centrés sur l’Afrique du Nord. Il à son actif plusieurs communications faites dans de nombreuses écoles supérieures en France comme l’École des hautes études en sciences sociales (ou EHESS) et la Sorbonne. Il a animé également des tables-rondes à l’Hôtel de ville de Paris et publie régulièrement des articles dans les colonnes de la presse française afin d’y décrypter l’actualité algérienne et maghrébine. Dans cet entretien accordé à Algérie-Focus, il analyse les récentes évolutions politiques et économiques en Algérie et leur impact sur la société algérienne. Il nous parle aussi de son livre universitaire intitulé Algérie qui vient de paraître aux éditions De Boeck Supérieur (Albin Michel), dans la collection Monde arabe-Monde musulman dirigée par Mathieu Guidère, islamologue, professeur à l’Université de Toulouse 2.
Propos recueillis par Abdou Semmar
Algérie Focus: En tant que chercheur en droit et en histoire, quel est votre regard sur l’évolution actuelle de l’Algérie qui connaît de nombreux bouleversements politiques et économiques ? Selon vous, l’Algérie, fermée et sécuritocratique, pourra-t-elle devenir un pays ouvert, démocratique et tourné vers le développement ?
Massensen Cherbi: Force est de constater que malgré un retour relatif à la sécurité depuis une quinzaine d’années, rien n’est allé dans le sens ni d’une ouverture économique ni d’une ouverture politique du pays. C’est ainsi qu’après avoir engrangé près de 600 milliards de dollars entre 2000 et 2012, l’économie algérienne reste toujours aussi dépendante des hydrocarbures, tout comme elle reste, en comparaison de la Tunisie et du Maroc, le pays le moins attractif en matière d’investissements étrangers, et même le moins incitatif en matière d’investissements nationaux comme le démontrent les différents blocages opposés à l’industriel Issad Rebrab. Notons cependant que la chute du prix des hydrocarbures depuis un an pourrait s’avérer une chance pour le pays, tout comme après le contre-choc pétrolier de 1986 elle avait conduit à l’ouverture démocratique et économique de l’Algérie. Dans l’absolu, le quasi-monopole du secteur des hydrocarbures sur les exportations algériennes n’est pas une fatalité, comme le prouve l’exemple indonésien évoqué par le politologue Mohammed Hachemaoui, alors que la démocratie n’est pas incompatible avec l’Algérie, ce que démontre l’exemple actuel du voisin tunisien, de même que l’ancrage ancien d’une certaine forme de démocratie endogène avec les tajma‘at-s/djamâ‘a-s – ou assemblées communautaires –, ainsi que le rappelait déjà Ferhat Abbas dans son indépendance confisquée en 1984. Reste donc à savoir si le régime en place pourrait s’ouvrir grâce à un Gorbatchev algérien, ou s’il va au contraire exploser avec des conséquences qui pourraient, au regard du passé du pays et du voisinage libyen, s’avérer très violentes, tant ce régime n’a cessé de déconsidérer et de diviser toute opposition crédible à même de lui succéder.
Vous venez de publier un livre intitulé Algérie, aux éditions De Boeck Supérieur. Il s’agit d’une introduction universitaire sur le pays en 144 pages. Qu’est-ce que vous y apportez de nouveau sur l’Algérie ? Qu’y avez-vous tenté de prouver ?
Ce livre offre tout d’abord une synthèse pédagogique sur le pays en direction de ceux qui voudraient le découvrir ou le redécouvrir. On y trouve ainsi quantité de références universitaires de base, ainsi qu’un grand nombre d’auteurs clés à même de permettre au lecteur d’approfondir tous les sujets abordés dans les cinq chapitres du livre : Histoire/Géographie, Population, Politique, Economie et Culture/Société. Les richesses historiques et culturelles de l’Algérie y sont tout particulièrement mises en lumière, démontrant ainsi que le pays n’était pas une terra nullius avant 1830, lors de la colonisation française, c’est-à-dire un territoire dépourvu d’organisations politiques et de traditions endogènes. Plusieurs définitions clés sont présentées dans le livre afin de favoriser une meilleure compréhension du pays comme la ‘asabiyyad’Ibn Khaldûn, les élections à la Naegelen ou le dutch disease.
Parmi les originalités de ce manuel, j’ai beaucoup insisté sur les bouleversements violents et les ruptures profondes connus par la société algérienne durant l’époque coloniale et après l’indépendance, afin d’expliquer certains problèmes de l’Algérie actuelle qui singularisent très nettement le pays par rapport à ses voisins maghrébins, notamment en abordant la question du « déracinement » traitée par les sociologues Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad dans un ouvrage incontournable du même nom paru en 1964. J’ai, par ailleurs, expliqué l’absence de « printemps » algérien en 2011 par l’avortement en janvier 1992 de l’ouverture démocratique débutée en 1989, la Décennie noire des années 1990, la redistribution clientélaire du revenu des hydrocarbures depuis les années 2000, ainsi qu’une relative liberté d’expression héritée des réformes qui ont suivi octobre 1988. Alors que les trois premières causes suscitées ont clairement participé à désintéresser les Algériens de la politique, la dernière est paradoxalement allée elle aussi dans ce sens, puisque si les Algériens expriment régulièrement leurs revendications par des grèves ou des manifestations, c’est presque toujours sur des sujets particuliers (augmentation des salaires, redistribution de logements, gaz de schiste…), alors que les mouvements qui contestent plus spécifiquement le régime sont inaudibles, pas seulement parce qu’ils sont étouffés par les forces de l’ordre, mais aussi parce qu’il existe une réelle dépolitisation de la société algérienne. Le livre revient également sur plusieurs sujets assez méconnus comme celui de l’arabisation du pays. C’est ainsi que le slogan repris par plusieurs politiques : « Nous sommes des Amazighs arabisés par l’islam » est historiquement faux et simpliste, puisque les Indonésiens et les Turcs, bien qu’islamisés, n’ont pas été arabisés, alors qu’au XIIe siècle les Almohades avaient fait du berbère une langue institutionnelle et sacrée au Maghreb, jusqu’à lui donner une sorte de préséance sur l’arabe selon le médiéviste Mehdi Ghouirgate, et qu’encore au XVIe siècle le sultan de Tlemcen pouvait s’exprimer en tamazight d’après le linguiste René Basset. Cette question est donc beaucoup plus complexe qu’elle n’y paraît au premier abord.
Vous avez affirmé qu' »on ne parle généralement de ce pays que lorsqu’un attentat y a été perpétré ou qu’un terroriste en est originaire ». Pourquoi selon vous, l’Algérie fait l’objet d’autant de clichés négatifs et réducteurs ?
Plusieurs raisons peuvent expliquer cette image désastreuse qui colle tant à l’Algérie. Notons qu’à la différence du Maroc, le pays n’entretient pas de véritable politique de soft power à même de promouvoir sa richesse culturelle à l’étranger, celle-ci étant d’ailleurs bien souvent méconnue des Algériens eux-mêmes. Cela pourrait s’expliquer par le syndrome hollandais dont souffre le pays en raison des forts revenus qu’il tire de l’exploitation des hydrocarbures, mais force est de constater que les pays du Golfe avec les mêmes richesses ont réussi à promouvoir leur image au-delà de leurs frontières. Il faut alors rappeler le passif de pays fermé hérité des premières décennies « socialistes » de l’indépendance et inconnu des pays du Golfe. Le pays reste d’ailleurs toujours fermé, puisqu’il n’y a pratiquement pas de tourisme en Algérie, excepté pour les affaires, et qu’il n’y a même pas, à la différence notable du Maroc, de véritable politique vis-à-vis de la diaspora, celle-ci étant presque totalement ignorée par les autorités algériennes. Evoquons aussi un certain ressentiment dans quelques milieux vieillissant de l’Hexagone restés nostalgiques de l’Algérie française, lesquels voient dans chaque tragédie qui secoue le pays un alibi pour réitérer leurs prises de position passées, alors qu’ils sont paradoxalement beaucoup plus indulgents vis-à-vis d’autres pays de la région dans des cas, pourtant, similaires. Enfin, on ne peut passer sous silence une certaine incompétence des gouvernants locaux. Ces derniers souffrent, par ailleurs, d’un manque de légitimité politique, alors que l’impunité dont ils jouissent, malgré leurs frasques, ne cessent d’être toujours plus connue du grand public, ce qui ne participe évidemment pas à améliorer l’image du pays.
Dans votre livre, vous avez, semble-t-il, établi une relation entre la mise en place du régime militaire algérien et l’assassinat du politique Abane Ramdane en 1957. Quelle est la relation exacte entre ces deux traumatismes de l’histoire algérienne ?
L’assassinat d’Abane Ramdane a effectivement marqué un tournant dans la Guerre d’Algérie en consacrant l’échec du Congrès de la Soummam à imposer la primauté du politique sur le militaire. Il y eut d’abord la montée en puissance de Krim Belkacem, Lakhdar Ben Tobbal et Abdelhafid Boussouf, à l’origine de la mort d’Abane Ramdane, puis, à la défaveur des « 3 B », la montée en puissance de l’Etat-major général (EMG) du colonel Boumédiène contre le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA). Ce que je veux dire par là, c’est que l’Algérie n’a jamais été gouvernée comme dans les pays de l’Est par un parti unique ou hégémonique, en l’occurrence le Front de libération nationale (FLN), mais par une caste de militaires qui s’est servie de ce parti comme d’un paravent afin de gouverner le pays. Comme tout le monde le sait, ça n’a jamais été au sein du comité central du FLN qu’ont été prises les grandes décisions de l’Algérie indépendante. On se souvient d’ailleurs de l’effacement de l’ex-parti unique dans les années 1990, ce qui n’a pas changé d’un iota la nature profonde du régime. Quant à Abdelaziz Bouteflika, s’il est en effet arrivé en 1999 à la présidence du pays en tant que civil et qu’à cette fonction il a vu progressivement disparaître ou démissionner les principaux généraux qui l’avaient intronisé, le cas récent du général Mohamed Mediène étant le plus emblématique, il faut néanmoins rappeler que ce civil doit toute sa carrière au colonel Boumédiène et qu’il s’inscrit à ce titre dans la continuité, malgré des guerres de clans intestines, du régime militaire qui s’est mis en place au courant de l’été 1962.
– Vous avez aussi abordé les oppositions entre l’islam traditionnel, maraboutique et confrérique, et l’islam réformiste. Comment analysez-vous concrètement ces oppositions ?
Ces oppositions sont apparues au début du XXe siècle en Algérie avec l’avènement depuis le Moyen-Orient de l’islâh – la réforme – et son opposition aux « innovations blâmables » de l’islam traditionnel maghrébin. C’est ainsi qu’assez rapidement après la fondation de l’Association des Oulémas en 1931, le courant maraboutique et confrérique qui y était représenté en a été exclu, suscitant à cette occasion de fortes dissensions au sein de la société algérienne. Si les zaouïas avaient joué un rôle majeur dans la résistance à la domination ottomane et à la colonisation française – pensez à l’insurrection de 1871 et au rôle joué par la Rahmâniya à cette époque –, l’islam maraboutique et confrérique fut néanmoins accusé d’avoir été instrumentalisé ensuite par les autorités coloniales. C’est ainsi qu’après l’indépendance, cet islam fut fustigé par le nouveau régime en place, alors que l’islam réformiste était promu, malgré la mise à l’écart des Oulémas, tardivement agrégés au mouvement nationaliste et opposés au « socialisme » des années 1960/1970. Cependant, avec l’avènement de l’islamisme politique dans les années 1980, après une période de relative sécularisation de la société algérienne, depuis « réenchantée du monde », le président Chadli fit marche arrière en 1991 avec la création de l’Association nationale des zaouïas, réhabilitant en quelque sorte l’islam traditionnel afin de contrer les islamistes. Cette politique a été considérablement accrue sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika en permettant à ce dernier de s’assurer, par le biais d’un islam confrérique désormais promu, des réseaux de clientélisme, phénomène étudié par Mohammed Hachemaoui.
Vous avez abordé l’histoire de l’Algérie dans plusieurs de vos chapitres. Mais, les jeunes algériens ne semblent pas avoir une grande connaissance de l’histoire millénaire de leur pays. A quoi cela est-il dû selon vous ?
Il faut tout d’abord rappeler qu’il existait déjà dans la société algérienne et maghrébine traditionnelle une rupture très forte entre le passé antique et le passé islamique. La première période avait ainsi été totalement oubliée, faisant dire à l’historien Yves Modéran que les connaisseurs de l’Antiquité nord-africaine ressentent un « choc brutal » à la lecture des textes médiévaux sur le Maghreb, et ce alors même qu’en comparaison les Perses, bien qu’islamisés, avaient conservé une certaine mémoire de leur passé antique durant la période musulmane. Il est ensuite nécessaire d’évoquer la crise au sein du nationalisme algérien de 1948-1949 où s’est posée la question de savoir si l’Algérie était arabo-islamique, selon la définition de Messali Hadj, ou si elle était algérienne. Comme vous le savez, la seconde option issue d’une motion de Rachid Ali Yahia n’a pas été retenue et les tenants de l’Algérie algérienne ont été écartés du mouvement « nationaliste », voire assassinés. Cet épisode est essentiel pour comprendre une certaine schizophrénie identitaire dans l’Algérie post-indépendante. En effet, nonobstant l’oubli ou la minoration du passé antique du pays, le fait de retenir essentiellement le passé « arabo-islamique » dans la définition de la nation algérienne a conduit à des absurdités historiques. Il faut ainsi avoir en tête que la domination arabe des Omeyyades sur le Maghreb-central n’a duré qu’à peine un demi-siècle, alors que la région a été gouvernée par des dynasties berbères pendant près de six siècles, sans compter trois siècles de présence ottomane.
Si des évolutions récentes ont été signalées dans la thèse de l’historienne Lydia Aït Saadi, notamment depuis l’introduction de l’amazighité dans la Constitution, force est cependant de constater qu’elles restent très largement insuffisantes. Ainsi dans l’éducation nationale où la littérature algérienne, ou relative au pays, est minorée – qui connaît par exemple en Algérie l’histoire de Massinissa et de Sophonisbe ? –, alors qu’elle est étudiée et célébrée ailleurs dans le monde. Prenez encore les études de droit, alors qu’en Europe on enseigne aux étudiants des matières qui leur permettent d’appréhender, à titre de culture générale, quel était le droit appliqué autrefois dans leurs pays, rien de tel en Algérie. C’est ainsi que le droit coutumier, qui était majoritairement appliqué dans les régions rurales du pays avant 1830, est à peine évoqué, si ce n’est totalement ignoré au profit de la seule charia, alors que l’on dispose à ce sujet d’une documentation considérable pour l’Algérie et le Maroc. Pensons aussi au cas du patrimoine matériel de l’Algérie, les vieilles médinas souffrent en effet d’un manque d’entretien manifeste, alors que le prix exorbitant de la nouvelle grande mosquée « bling-bling » d’Alger, actuellement en cours d’édification, suffirait à lui seul à toutes les restaurer en réhabilitant par là même ces architectures vernaculaires dont les Algériens sont aujourd’hui privés. Quant à l’histoire de l’Algérie depuis le coup de force de l’été 1962, son enseignement est évidemment un sujet tabou en raison de ce qu’il pointerait les origines et le défaut de légitimité du pouvoir en place.
– Naguère, l’Algérie était un pays pluriel culturellement et ouvert à l’autre. Ne ressentez-vous pas qu’aujourd’hui elle est devenue un pays renfermé sur lui-même et malade de l’intolérance religieuse ? Quel est votre regard sur cette question ?
L’Algérie n’est pas un pays renfermé sur lui-même, culturellement parlant, puisque bien souvent les Algériens s’ignorent eux-mêmes, jusqu’à devenir des étrangers dans leur propre pays. On peut même dire que l’Algérie est « fermée » et non pas « renfermée » sur elle-même, puisqu’elle est presque uniquement ouverte sur le Moyen-Orient ou l’Europe. Prenez la question linguistique : l’école algérienne n’enseigne pratiquement pas les langues du pays. Pour le tamazight, le linguiste Salem Chaker notait qu’en 2013 son enseignement ne touchait que 3% des élèves algériens, alors que vous connaissez le tabou et les tensions qui entourent l’enseignement de la derja, c’est-à-dire de l’arabe algérien et maghrébin. Cette absence des langues algériennes à l’école favorise chez l’élève l’apprentissage de la haine de soi. Celui-ci intègre en effet depuis son plus jeune âge que les langues parlées dans son pays sont méprisables, puisqu’elles ne sont pas dignes d’être enseignées, tout comme la culture algérienne et nord-africaine qu’elles véhiculent. Un Algérois deviendra ainsi, par le biais de l’école, plus proche culturellement d’un Irakien ou d’un Soudanais que de sa grand-mère kabyle, chénouie ou mozabite, si ce n’est des Banû Mazghanna du Moyen-Age ou de Buluggîn fils de Zîrî, le fondateur de Dzayer au Xe siècle qui ne parlait probablement que le berbère d’après le médiéviste Lucien Golvin. Quant au tabou qui entoure l’usage de la langue française, le livre souligne qu’avant 1830 les Algériens avaient déjà intégré dans leurs langues l’usage de mots occidentaux issus de la lingua franca. Tout cela pour dire qu’une identité ne peut pas être figée, surtout sur des fondements historiquement inexacts, mais qu’elle est nécessairement vivante et qu’elle peut-être plurielle sans être conflictuelle, loin des idéologies sources d’identités meurtrières, pour reprendre un titre fameux d’Amin Maalouf. Prenez l’exemple de la wilaya de Tizi-Ouzou. Celle-ci enregistre chaque année les meilleurs taux de réussite au baccalauréat, dont les épreuves se déroulent en arabe classique, alors qu’il s’agit de la wilaya la plus berbérophone du pays, en même temps que la plus militante quant à la question de tamazight, ainsi que celle où la langue française, ce « butin de guerre » selon l’expression bien connue de l’écrivain Kateb Yacine, est sans doute aujourd’hui la mieux maîtrisée du pays. A titre de comparaison, on aura beaucoup de mal à comprendre pourquoi un Etat majoritairement musulman comme le Pakistan n’a aucun complexe vis-à-vis de ses langues nationales ou de l’anglais, alors que l’Algérie en aurait un vis-à-vis du berbère, de la derja et du français. Notons enfin que c’est la derja qui est la langue officielle de Malte, tout comme le tamazight possède ce statut aux côtés de l’arabe au Maroc.
En ce qui concerne la religion, le livre rappelle que l’émir Abd el-Kader avait sauvé à l’aide des Maghrébins de Damas, les chrétiens syriens d’un massacre certain en 1860, alors que durant la Deuxième Guerre mondiale le groupe kabyle des Francs-tireurs et partisans diffusait en France un tract en berbère appelant à sauver les populations juives : Am arrach-negh,Comme nos enfants. L’enseignement de l’islam reste cependant problématique, notamment quand on se souvient que l’islamologue Mohammed Arkoun avait été expulsé d’une conférence sur la pensée islamique organisée dans son propre pays par un religieux étranger et qu’aujourd’hui ce penseur, connu partout dans le monde, est un illustre inconnu pour la plupart de ses compatriotes d’origine, alors que le moindre cheikh moyen-oriental est en Algérie une célébrité incontournable. Afin de mieux appréhender le fait islamique, l’enfant de Taourirt-Mimoun recommandait d’intégrer les approches historiques et anthropologiques dans son enseignement. Par ailleurs, si le christianisme a précédé l’islam en Afrique du Nord, il est intéressant de remarquer la grande ignorance des Algériens vis-à-vis de cette religion, historiquement celle de leurs ancêtres, et notamment de son auteur le plus fameux, Saint Augustin, un fils du pays qui est lu et étudié dans le monde entier, excepté en Algérie, alors qu’a contrario les plus grands islamologues sont souvent des Européens de culture chrétienne.