Entretien/ Youcef Aouchiche, chargé de la communication au FFS: «Le gouvernement navigue à vue»

Redaction

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Youcef Aouchiche, le chargé de communication au FFS, s’exprime sur les questions brûlante qui secouent la scène nationale. Il donne sa vision et celle de son parti sur les douloureux évènements de Ghardaïa et analyse leurs tenants et aboutissants. Il revient également sur la situation économique du pays jugée catastrophique et pointe du doigt l’absence de stratégie de développement au niveau du pouvoir. Entretien.

 
Dix personnes ont été condamnées à la prison ferme dans l’affaire de Ghardaia. Comment réagissez-vous à ces condamnations?
 
La crise de Ghardaïa est très complexe pour la réduire, aujourd’hui, à quelques arrestations ou à quelques condamnations. Vouloir évacuer cette crise, sans tenir compte de tous les éléments qui entourent ces événements, serait l’erreur à ne pas commettre, car c’est cette fuite en avant et ce bricolage dans le traitement de cette crise qui ont  conduit à la dégradation de la situation dans cette région du pays.
Cela dit, au FFS, nous militons pour que toute la lumière soit faite sur les événements tragiques qui ont endeuillé cette wilaya et que les responsables de ces événements répondent de leurs actes devant la justice; je dis bien une justice impartiale, ce qui est rarement le cas en Algérie.
Depuis des années, le FFS suit l’évolution de la situation dans cette région du pays; plusieurs délégations du parti se sont rendues dans cette wilaya. Par ailleurs, après les derniers événements, la direction nationale du parti a décidé d’envoyer une délégation à Ghardaia pour mieux comprendre la situation. A cet effet, des contacts ont été pris avec les représentants de toutes  les composantes de  la population de la wilaya (notables, élus locaux, représentants de la société civile, etc).
Quelle évaluation faites-vous de la gestion des événements de Ghardïa par le gouvernement?
 
C’est un échec sur toute la ligne. La dégradation de la situation à Ghardaia, comme on l’a déjà souligné, incombe en premier lieu au pouvoir qui n’a pas su, pas pu ou pas voulu régler ce conflit. Depuis des années,  le FFS n’a cessé d’alerter et de proposer des solutions aux différentes crises qui secouent cette région. Hélas, nous nous sommes, à chaque fois, heurtés au refus et à l’indifférence des pouvoirs publics. Malheureusement, c’est toujours la population qui paie le prix de cette gestion. 
Depuis le début de ce conflit en décembre 2013, 42 personnes ont été tuées et des centaines  de blessés recensés, sans oublier les pertes matérielles et le climat de peur et de psychose qui règne dans cette région. Par les différentes mesures qu’il a pris, le pouvoir a réduit le conflit à une question exclusivement sécuritaire, alors qu’une démarche globale et une approche politique  s’imposent pour trouver une solution politique, pacifique, juste et durable à cette crise qui n’a fait que trop duré et qui risque d’avoir des répercussions et des prolongements dans tout le pays. La gestion sécuritaire ne peut pas constituer, à elle seule, la solution, même si elle doit faire partie du processus de résolution de ce conflit, vu que le retour du calme et de la sécurité dans la région est plus qu’une urgence.
 
L’Algérie fait face à une situation économique des plus critiques. Qu’est ce qui empêche le gouvernement de prendre les mesures adéquates pour mettre fin à la dépendance de notre économie vis à vis des hydrocarbures?
 
Il faut poser la question aux concernés. Ce que je peux vous dire par contre, c’est que tous les indicateurs sont au rouge ; tout nous montre que le gouvernement n’a aucune stratégie de développement économique. Pis, il continue de naviguer à vue. La situation du pays, aujourd’hui, en est la résultante. Au niveau du FFS, nous avons tiré, depuis des années, la sonnette d’alarme sur la gestion opaque et désastreuse des richesses du pays et sur la nécessité de diversifier notre économie.
 C’est dans ce cadre que nous avons organisé une Convention nationale sur l’énergie les 31 octobre et 1er novembre 2013. Une rencontre à laquelle ont pris part aussi bien des représentants des partis, de la société civile, des experts et des représentants du ministère de l’Energie et de la Sonatrach. A cette occasion, les questions de la diversification et du développement économique ainsi qu’une gestion transparente et rationnelle des énergies est recommandée par les experts. Pour le pouvoir, la diversification de l’économie nationale se résume aux slogans et aux discours populistes. Aucune mesure concrète n’a été prise dans ce sens.  
 
En cas d’élections présidentielles anticipées, le FFS proposera-t-il un candidat?
Chaque chose en son temps. Pour nous au FFS, la priorité, actuellement, est de reconstruire un consensus national. Nous y travaillons et nous pensons que c’est la seule solution à la crise multidimensionnelle à laquelle le pays est confronté. Nous l’avons déjà dit, ce n’est pas uniquement le chef de l’Etat qui est malade mais tout le pays.
A partir de là, il serait illusoire de croire ou tenter de faire croire aux Algériens qu’une élection  présidentielle anticipée  réglera les problèmes du pays. Il serait également illusoire de croire que la mise en place d’une « commission électorale indépendante » réglerait le problème de la gouvernance en Algérie. Comme il serait illusoire de croire qu’une révision de la constitution peut  changer les choses.
 
Pensez vous qu’un successeur à Bouteflika est déjà désigné?
Dans la situation actuelle, il y a  plusieurs questions qui intéressent les Algériens et le pays. Les Algériens, à l’exception du microcosme politique et médiatique algérois, n’ont ni le cœur ni le temps de s’adonner aux devinettes et aux rumeurs sur  le successeur de Bouteflika. Toutes ces rumeurs ne sont qu’une diversion pour faire perdre de vue les véritables  enjeux qui engagent, véritablement, l’avenir du pays. Pour nous au FFS, il y a beaucoup plus important.
 Je me contente de vous dire que le FFS ne s’inscrit ni dans l’alternance clanique ni dans la continuité du système. Nous militons depuis plus de 50 ans pour un changement radical, pacifique et démocratique du système politique. Ce changement ne peut venir que d’un consensus national entre les différents acteurs: pouvoir, partis politiques, société civile…, car  les autres voies s’avèrent très périlleuses et il peut y avoir des conséquences désastreuses sur l’Algérie, son unité, son intégrité territoriale et sa cohésion sociale.
 
Quel commentaire faites-vous sur la sortie d’Ouyahia critiquant Sellal? Est ce que cela veut dire que la bataille pour la prochaine présidentielle aura lieu entre ces deux responsables?
 
Nous ne rentrons pas dans ces considérations qui n’apportent rien au débat politique. Ahmed Ouyahia est responsable d’un parti qui a des ministres au gouvernent. Donc, assume lui aussi l’échec de l’action de l’Exécutif. La vraie bataille pour nous au FFS c’est celle d’arriver à un changement pacifique et démocratique du régime.
Entretien réalisé par Omar Soltani