Exclusif. Lakdhar Brahimi sur le « génocide algérien » : Erdogan pense à l’Algérie pour des raisons strictement turques

Redaction

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Première partie de l’entretien vidéo avec l’ancien ministre algérien des affaires étrangères et ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, Lakhdar Brahimi. Sujet : La « Polémique Erdogan-Sarkozy » sur le « génocide algérien ». Après l’avis de Lakdhar Brahimi, nous publierons les prochains jours l’interview exclusive (en vidéo) de Bernard Kouchner, ancien chef de la diplomatie française s’exprimant sur ce sujet, entre autres. 

Entretien avec Lakhdar Brahimi, 

Le 22 décembre dernier, l’Assemblée nationale française vote la loi pénalisant la négation du «génocide» arménien de 1915. Le lendemain, la Turquie décide le gel de sa coopération politique et militaire avec la France et menace Paris de nouvelles mesures de rétorsion. Ankara rappelle même son Ambassadeur à Paris pour «consultations», revenu depuis à son poste, en attendant l’examen par le Sénat français de cette même loi le 23 janvier prochain. La polémique enfle entre les deux pays, la crise s’aggrave et le ton monte d’un cran lorsque le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, accuse à son tour la France de «génocide» en Algérie. «On estime que 15% de la population algérienne a été massacrée par les Français à partir de 1945. Il s’agit d’un génocide», lance Erdogan lors d’une conférence. Et d’ajouter sèchement : «Si le président français ne sait pas qu’il y a eu un génocide, il peut demander à son père, Pal Sarkozy, qui a été légionnaire en Algérie dans les années 1940. Je suis sûr qu’il a beaucoup de choses à dire à son fils sur les massacres commis par les Français en Algérie». L’Algérie se retrouve ainsi enlisée malgré elle dans un duel franco-turc sur fond de rivalité régionale et de campagne électorale de part et d’autre. La polémique changera de pays par la suite pour débarquer chez-nous où les réactions aux propos de Erdogan sont mitigées. Entre soutien et refus de l’instrumentalisation du cas algérien, la sortie du Premier ministre turc aura permis de reposer l’épineux débat de la colonisation française vue sous un angle algéro-algérien. «Algérie-Focus.com» est allé demander à l’ex-diplomate algérien et actuel conseiller de la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi, ce qu’il pense des propos de Recep Tayyip Erdogan et des relations algéro-françaises dans un contexte international tendu.

Génocide ou pas génocide ?

«Qu’on regarde un peu ce qui s’est passé (en Algérie durant la période coloniale, Ndlr). Ce qui s’est passé à Darfour, on appelle ça un génocide (…). Qu’on regarde ce qui s’est passé en Algérie, c’est plus ou moins que le Darfour ?». C’est par ces termes que l’ex-diplomate algérien, Lakhdar Brahimi, invite les deux pays voisins, l’Algérie et la France, à faire l’inventaire de leur histoire commune. Autrement dit, M. Brahimi réclame un devoir de mémoire serein et sans ressentiments. C’est à la question de savoir s’il estimait que la France avait commis un génocide en Algérie, tel que l’a qualifié Erdogan, que notre interlocuteur répond qu’il faut d’abord «regarder» ce qui s’est passé en Algérie durant l’ère coloniale pour en décider après. La question n’est en effet pas catégoriquement tranchée du point de vue de M. Brahimi qui estime qu’il existe «une définition* précise du terme génocide».

Interview vidéo fournie par notre partenaire Mouwatin.com

Faire l’inventaire de ce qui s’est passé en Algérie

«Qu’on fasse l’inventaire de ce qui s’est passé. Est-ce que c’est un génocide ? Est-ce que ce sont des crimes de guerre ? Est-ce que ce sont des crimes contre l’humanité ? C’est certainement de très très grands crimes», poursuit notre invité.

Commentant les accusations du Premier ministre turc à l’égard de la France, Lakhdar Brahimi dira : «C’est bien que Erdogan pense à l’Algérie mais il a pensé à l’Algérie pour des raisons strictement turques et intérieures». Il conforte ainsi les déclarations du Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, lorsqu’il invitait Erdogan à «cesser de faire de la colonisation française de l’Algérie un fonds de commerce». Dans un entretien vidéo, Lakhdar Brahimi revient aussi sur l’avenir des relations algéro-françaises. «Je regarde aussi vers mon pays. Il important que les gens chez-nous aient conscience de leur histoire. Les gens qui critiquent maintenant ce qui se passe dans notre pays oublient d’où nous venons», estime le grand diplomate.

Définition d’un génocide

En droit, un génocide est défini comme étant l’extermination physique, intentionnelle, systématique et programmée d’un groupe ou d’une partie d’un groupe en raison de ses origines ethniques, religieuses ou sociales. L’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’assemblée générale des Nations unies, le 9 décembre 1948, affirme :     «Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

 

Répondez au sondage de notre partenaire – Mouwatin.com : La Turquie accuse la France d’un génocide algérien – Etes-vous d’accord ?

 

Rédaction Algérie-Focus

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