Accusé d’avoir cédé aux sirènes du pouvoir, le FFS peut encore compter sur le soutien de sa base militante. Plusieurs centaines de sympathisants ont fait le déplacement jusqu’à la salle Atlas d’Alger, samedi 18 avril, pour défendre l’initiative du consensus national. Reportage.
Dans la tourmente, le parti socialiste algérien se tourne vers ses militants. Samedi 18 avril, le FFS a organisé à la salle Atlas d’Alger son premier meeting populaire pour défendre la conférence du consensus national, au point mort depuis le début de l’année. Au pied de la scène, où les différents cadres du parti se succèdent au micro, les responsables de la communication ne cachent pas leur premier objectif : réaliser une démonstration de force et rassembler le plus grand nombre. Pari réussi. Cela faisait bien longtemps que la salle Atlas n’avait pas été prise d’assaut par un public venu de lui-même assister à un rendez-vous politique. Beaucoup de monde au balcon, des sièges rouges tous occupés et des allées remplies de militants. La première chose qu’il faut retenir de ce meeting populaire, c’est que la base militante du parti a bien répondu présent. Elle reste fidèle au FFS et ne lâche pas la direction collégiale du parti, qui traverse une crise sans précédent.
Démonstration de force
En lançant son appel pour une conférence du consensus national, incluant les formations politiques proches du pouvoir, au moment où les boycotteurs fondaient la Coordination nationale des libertés et pour une transition démocratique (CNLTD), le FFS s’est très vite attiré les foudres d’une partie de l’opposition. Certains sont allés jusqu’à accuser le presidium, qui gère le parti socialiste depuis le retrait de Hocine Aït Ahmed, d’être diligenté par le pouvoir pour torpiller la démarche de la CNLTD. À Alger, capitale qui bruisse de rumeurs, certains croient à un pacte entre le plus ancien parti de l’opposition et le pouvoir. D’autres, estimant que Mohamed Nebbou et ses « camarades » ont tout simplement trahi les idéaux originels du parti socialiste, ne voient plus en le FFS un parti d’opposition.
Le double visage du FLN et du RND
Le FFS est-il encore dans l’opposition ? La question fait sortir de leurs gonds la plupart des sympathisants présents samedi à la salle Atlas. « Ce n’est pas une question, c’est une accusation et elle n’est pas recevable. On est venu pour le prouver aujourd’hui », s’emporte Abderrahmane, un Algérois d’une cinquantaine d’années, assis au milieu de la salle. Plus mesurée, Ouijdane Hamrouche, députée du FFS de Constantine, qui s’apprête à rejoindre les premiers rangs de la salle, espère un sursaut au sein de l’opposition algérienne. « Ils comprendront bientôt la démarche du FFS. Depuis 1963, le FFS a toujours prôné une sortie de crise par le dialogue. C’est ce qu’on a fait à la fin des années 1980, encore en 2007 », répond-elle. Debout à proximité de la scène, Farid Bouaziz, premier secrétaire fédéral de Tizi Ouzou, balaye d’un sourire les accusations de compromission. « Le FFS a 50 ans de vie. Si on avait vraiment voulu un jour faire partie du pouvoir, croyez-moi, ce n’est pas difficile. Mais, ça ne nous intéresse pas. Ce qui nous intéresse, en revanche, c’est comment gérer le pays dans la transparence et instaurer un Etat de droit », défend-il.
Déçus de l’accueil de l’initiative du consensus réservé par une partie de l’opposition, les militants du FFS expriment également une rancœur vis-à-vis du FLN et du RND, les deux principales forces politiques du pouvoir. Si, dans un premier temps, Amar Saadani et Abdelakder Bensalah ont donné leur accord de principe, ils sont revenus dessus, conditionnant leur participation à la conférence du consensus national au respect de lignes rouges, notamment la non-remise en cause de la légitimité des institutions républicaines élues. « Ces deux partis nous ont montré deux visages. Ils disent « oui » et six mois après ils changent d’avis. Ils ne sont pas honnêtes, ce sont des faux-fuyants », déplore Abderrahmane.
Au même moment, devant les milliers de sympathisants assemblés à la salle Atlas, Mohamed Nebbou montre, lui aussi, un autre visage. Jusque-là conciliant avec les partis satellitaires du pouvoir, le premier secrétaire du FFS hausse le ton. « On attendait le feu vert pour un changement concerté, graduel et ordonné. Et ils nous ont fixé une ligne rouge ! Et quelle ligne rouge ! Pas à la sacralité de l’unité nationale et pas l’indivisibilité du territoire […] Non, leur ligne rouge c’est la légitimité présidentielle », s’est indigné Mohamed Nebbou, traitant les partis du cercle présidentiel de « fonctionnaires de la politique au service d’un pouvoir qui a pris en otage tout un pays, son peuple, ses richesses et ses institutions ».
Patience
La défection des partis du pouvoir avait contraint le presidium du FFS à renoncer à organiser la conférence du consensus les 23 et 24 février dernier. Reportée sine die mais pas avortée. Le FFS persiste dans sa lancée. « Le cap sur la reconstruction du consensus national a été donné par le congrès du parti et il n’est pas question pour nous d’y renoncer », a affirmé Mohamed Nebbou, estimant que la « fin de la dictature des clans » est « proche ».
Pour les cadres du parti, l’initiative n’est donc pas mort-née. « Non ! Les consultations se poursuivent. Jusqu’à ce jour, 72 partis politiques et personnalités politiques ont adhéré à notre projet. Sur le terrain, le travail de proximité se poursuit. À Constantine, on a déjà organisé quatre meetings populaires à ce sujet », fait valoir la députée Ouijdane Hamrouche. « L’initiative du consensus a déjà reçu un écho favorable dans le milieu associatif et syndical. Certes, il y a des réticences dans les rangs politiques. Le politique ça demande plus de temps mais le plus important c’est de convaincre d’abord la société civile qui nous aidera à porter ce projet », explique Farid Bouaziz, persuadé que « si l’adhésion autour de la conférence du consensus est forte, les partis de la CNLTD finiront par nous rejoindre ». Après plus de 3h de discours, les milliers de militants sont ressortis en s’armant … de patience.