Gaz de schiste : L’Etat propose une alternative plus « toxique »

Redaction

Le gouvernement négocierait avec les habitants d’In Salah une nouvelle technique d’extraction du gaz de schiste. Son nom, la fracturation au fluoropropane. Sur place, les militants écologiques ne veulent pas de cette technique « peu connue » et « 3.000 fois plus toxique que le gaz carbonique », indiquent-ils à Algérie-Focus.

Les nerfs sont à vif place Soumoud. Alors qu’il ne s’est toujours pas exprimé sur le moratoire, formulé par le Collectif national anti-gaz de schiste, le 23 février dernier, le gouvernement tente de négocier avec les militants de In Salah par le biais d’un intermédiaire. Ladjel Segni, professeur de chimie à l’université de Ouargla, opposant au gaz de schiste, au départ, s’est présenté vendredi après-midi « comme l’envoyé du gouvernement » auprès des habitants de In Salah, qui manifestent depuis 110 jours contre le forage de trois puits-pilotes, situés à proximité de leur ville. Motif de sa visite : il est venu leur proposer une nouvelle technique d’extraction du gaz non-conventionnel. Le gouvernement est prêt à avoir recours à la fracturation au fluoropropane à la place de la très controversée fracturation hydraulique, a annoncé Ladjel Segni.

ما عندنا حتى عقــــدة .الأستاذ قال : ما عندنا حتى عقدة ……………………………………………….والطاقة الشمسية هي البديل .

Posted by Cherif Khane on Monday, April 20, 2015

Une alternative toxique

La proposition a jeté un froid sur la place Soumoud, baignée par un soleil de plomb. « On était en état de choc », se souvient l’une des animatrices du Collectif national pour un moratoire sur les gaz de schiste en Algérie, contactée ce mardi par la rédaction. La négociation a très vite été écourtée, les militants présents au rassemblement public rejetant en bloc cette alternative. « Il nous a dit que cette technologie est plus propre parce qu’elle ne suppose pas d’injection d’eau mélangée à des produits chimique pour fissurer la roche. Mais c’est faux ! Les experts sont unanimes, cette technologie est dangereuse, onéreuse et au stade de l’expérimentation », s’indigne l’un des animateurs du mouvement populaire d’In Salah, qui rappelle, à ce propos, que la ministre française de l’Environnement, Ségolène Royal a récemment évoqué le danger potentiel que peut engendrer le développement du fluoropropane. Interpellée à l’Assemblée nationale, le 8 avril, la candidate malheureuse à l’élection présidentielle en 2012 a clairement expliqué que ce mode de fracturation aggraverait le réchauffement climatique puisque le fluoropropane est « 3.000 fois plus toxique que le gaz carbonique (CO2) ».

 


Ségolène Royal : l’extraction du gaz de schiste… par libezap

Peu connu du grand public, le fluoropropane fait parler de lui de l’autre côté de la Méditerranée, depuis début avril. Il s’est invité dans les débats médiatiques après que le quotidien français Le Figaro ait déterré un rapport sur le gaz de schiste, commandé par l’ancien ministre de l’Economie Arnaud Montebourg, fervent partisan de cette ressource non-conventionnelle. Défendue par la société américaine eCorp, la fracturation au fluoropropane n’a pas encore été industrialisée ce qui explique un coût d’utilisation relativement cher. Si elle a l’avantage de ne nécessiter ni des quantités d’eau, ressource rare donc précieuse dans le Sahara, ni d’additifs chimiques, elle présente un inconvénient non négligeable : le proprane est une molécule inflammable, donc potentiellement polluante.

Autre argument avancé contre le fluoropropane : ce gaz, dérivé du propane, reste un danger pour les nappes d’eau souterraine. « Les molécules du gaz fluoropropane sont de taille plus petites par rapport à celles de l’eau, ce qui facilite leur mobilité à travers les espaces annulaires du puits et augmente le risque de la contamination des nappes phréatiques », met en garde une animatrice du Collectif national pour un moratoire sur les gaz de schiste en Algérie, contactée par nos soins. Elle ajoute : « Toute la question est là : Comment préserver les réserves en eau fossile du Sahara, patrimoine du peuple algérien ? »

In Salah, un terrain d’expérimentations

Alors qu’en France, Ségolène Royal a clos le débat sur le gaz de schiste, qualifiant cette énergie non-conventionnelle de « solution inacceptable », les habitants d’In Salah redoutent que leur ville soit transformée en un laboratoire à ciel ouvert, où multinationales et géants pétroliers testent de nouvelles techniques jusque-là inexpérimentées ailleurs. « On ne veut pas faire de In Salah un terrain d’expérimentations. On ne peut pas accepter en Algérie une fracturation qui n’a jamais été faite ailleurs », lance une militante, joint ce mardi par téléphone.

La tentative de négociation du gouvernement d’Abdelamek Sellal suscite beaucoup de méfiance à In Salah. Certains activistes, qui disent ne pas croire à la sincérité de cette démarche, y voient une nouvelle manipulation des autorités publiques. « Je ne crois pas que l’Etat algérien va mettre de côté don accord avec Halliburton pour s’associer avec la seule entreprise au monde qui développe la fracturation au fluoropropane. Ça n’a pas de sens tout ça », confie l’une des animatrices du Collectif national pour un moratoire sur les gaz de schiste en Algérie.

La population d’In Salah est d’autant plus dubitative que le matériel nécessaire à l’hydro-fracturation, discrètement installé au niveau du puits-pilote Ahnet 01-2, la semaine passée, n’a vraisemblablement pas été démonté. Depuis les émeutes de début mars, le site gazier est ultra-protégé, les forces de sécurité algériennes empêchant les manifestants d’observer les activités entreprises par Sontrach et Halliburton. « À In Salah, rien ne se fait dans la transparence. Notre combat n’est pas seulement contre les autorités publiques, on se bat aussi contre les puissantes multinationales », affirme la même source.

Après 110 jours de mobilisation, les anti-schiste d’In Salah ne cèdent pas et renvoient le gouvernement aux revendications formulées dans leur moratoire : l’arrêt immédiat des forages et l’organisation d’un débat public et transparent entre experts du Collectif national pour un moratoire sur les gaz de schiste et ceux de la Sonatrach et du ministère de l’Energie.