La Kabylie a été le théâtre d’un grand nombre de kidnappings et d’actes terroristes ces dix dernières années. Au moins 80 cas d’enlèvements ont été enregistrés depuis l’apparition de ce phénomène en 2005, enlèvements visant particulièrement des industriels, des hommes d’affaires et des entrepreneurs. Plusieurs actes terroristes ont également été enregistrés durant la même période, ciblant principalement les forces de sécurité.
Les rapts sont imputés généralement à des groupes spécialisés dans le grand banditisme qui sévissent dans la région, et qui agissent avec le même mode opératoire que les terroristes. Ces groupes de mafieux profitent de l’insécurité qui règne dans cette région montagneuse pour commettre leurs forfaits, parfois avec une facilité déconcertante.
Le phénomène des enlèvements est devenu l’un des commerces les plus florissants pour les ravisseurs, en quelques années seulement. Il leur permet d’engranger d’énormes sommes d’argent grâce aux rançons, sans qu’ils ne soient nullement inquiétés. Ce qui a contraint des dizaines d’investisseurs et industriels à quitter la Kabylie pour s’installer dans d’autres régions du pays, ou tout bonnement à l’étranger. Les habitants de cette région ont plusieurs fois crié leur ras-le-bol face à la situation d’insécurité qui caractérise leur région. Des manifestations de rue ou des rassemblements populaires ont été organisés par la population kabyle.
L’État, de son côté, a souvent promis d’éradiquer ce phénomène, mais ces promesses sont jusqu’à présent restées lettre morte. Les services de sécurité se contentent d’enregistrer les enlèvements signalés, et d’auditionner les personnes enlevées après leur relâchement. L’annonce la plus prometteuse est celle qu’avait faite l’ex-Ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Yazid Zerhouni, au mois de juillet 2008. Celui-ci avait promis de créer une unité anti-kidnappings en Kabylie. Cette unité devait être composée, d’après l’ex-ministre, des éléments de la police et de la gendarmerie nationales. Une annonce qui n’a jamais été concrétisée, comme les autres promesses des autorités algériennes dans ce domaine. L’État algérien n’a pas été capable de mettre un terme à ce phénomène, ou au moins le réduire. Bien au contraire, les cas de kidnappings persistent et le nombre de victimes ne cesse d’augmenter.
Le plus paradoxal est que tout cela se déroule dans une région où les forces de sécurité sont présentes en nombre. Une présence qui se limite à son aspect formel, et dont l’inutilité a été démontrée à plusieurs reprises. En particulier, beaucoup de citoyens se posent des questions sur l’utilité des nombreux campements militaires et barrages sécuritaires installés sur toutes les routes et villages de Tizi Ouzou.
L’impressionnant maillage sécuritaire qui entoure la wilaya de Tizi Ouzou n’a pas suffi pour rétablir la sécurité. Des actes de groupuscules terroristes sont signalés fréquemment dans cette région. Des actions qui ciblent notamment des éléments des forces de sécurité, dont le but est de susciter des coups d’éclat médiatiques. Les groupuscules terroristes qui écument les maquis de Kabylie n’ont pas la capacité de nuisance qu’ils avaient pendant les années noires du terrorisme en Algérie, mais ils réussissent quand même à causer des dégâts considérables pour les forces sécuritaires et empêchent, par la même occasion, toute la région de développer ses activités économiques.
Cette insécurité et ce phénomène des enlèvements n’a, pourtant, pas suscité la même fermeté de nos autorités qui ont vite envoyé plus de 1500 soldats, selon des sources locales concordantes, pour retrouver l’otage français. Aucun dispositif aussi important n’a été mis en place pour retrouver des otages algériens détenus par des bandes mafieuses ou terroristes. La vie de Hervé Gourdel aurait-elle plus de valeur que celle de plusieurs centaines de citoyens algériens ? La question est en réalité plus complexe. Les militaires algériens feront tout pour retrouver l’otage français sain et sauf afin de sauver l’image de l’Algérie à l’étranger. Mais demain seront-ils aussi engagés à retrouver leurs concitoyens algériens si, par malheur, ce fléau des enlèvements persiste encore en Kabylie ? Telle est la question…
Arezki IBERSIENE