Ce jeudi d’il y a de dix jour, une ville (Oran), deux histoires. D’abord celle de la visite du directeur de la police à Oran. La visite a servi à boucler et paralyser totalement la ville, un policier tout le demi-mètre et une parade que la ville réserve généralement aux Présidents de la république pas aux patrons de sa police.
Le cérémonial était exagéré et posait, en sous-entendu, la question de la hiérarchie des institutions : ailleurs, rares sont les pays au monde qui cèdent à ces rites de la puissance musculaire et à ces protocoles de démonstration. Les institutions ont chacune son étage. Et lorsqu’on en arrive à considérer le patron d’une police avec autant d’excès, c’est la notion d’Etat qui retombe dans le primaire : dans ce cas, la déférence est réservée au détenteur de la force, pas à celui de la légitimité.
Dans les villages, un maire est traité comme un assistant, un commissaire de police ou un chef de brigade de gendarmerie, est vu comme le détenteur de la puissance. Et cela remonte jusqu’au sommet de l’Etat : le déplacement d’un dirigeant de la DGSN est considéré comme une affaire d’Etat, celui de son ministre de tutelle comme une routine. Ce trouble de l’ordre et des symboliques se retrouve aussi dans les wilayas, dans l’ordre désordonné des protocoles que les années 90 ont réorganisé en fonction du détenteur de l’arme et du fusil : préséance donnée aux corps de sécurité, délégués de sécurité, représentants de corps de sécurité. L’état d’urgence est levé, mais les hiérarchies restent guerrières et alimentaires.
Dans la haie d’honneur qui attend Bouteflika quand il se déplace dans le pays, on retrouve toujours en premier le Général commandant de la région militaire et, au bout de la chaîne alimentaire, très loin dans l’ordre et la décroissance, l’élu, le maire. Cela explique pourquoi un simple directeur de police a fermé la seconde ville de l’Algérie pour un simple déplacement de routine.
La seconde histoire ? Toujours avec des policiers dedans. Selon la version la plus admise, un homme vient de Béchar, de loin, pour chercher les traces d’un frère arrêté, dans le commissariat d’Oran, ce même jeudi. Il a une altercation avec un policier (toute la police était occupée à plaire au DGSN), il est arrêté, présenté pour outrage et sa garde à vue est prolongée. Il en tire la conclusion que ce monde est injuste, ses policiers, son Etat, sa justice, son destin, son sens et son indépendance. L’homme se jettera alors du 4ème étage du Palais de la justice et mourra en bas.
Deux histoires policières donc. La seconde est encore sous enquête. Pour la première, pas besoin : les années 90 en sont coupables, le manque de sens de l’institution ou, plus profondément, la question mal réglée de la primauté du civil sur le militaire depuis l’assassinat de Abane Ramdane.
La conclusion de ces deux histoires de polices ? Pour le mort, cela prouve que l’on peut s’immoler par la gravité. Pour la seconde, cela prouve que la légèreté peut avoir un sens politique grave.
Tout cela pour éviter de parler des dernières élections. Car il n’y a rien à y dire. Sauf redire. Tant qu’un DGSN peut bloquer une ville entière, un maire ne pourra pas y faire plus que les trottoirs. Et un citoyen ne pourra que s’y écraser, tombant de haut.