Entretien/ Abdelaziz Ziari à Algérie-Focus: « Réclamer des présidentielles anticipées n’a aucun sens »

Redaction

Abdelaziz Ziari, ex-président de l’APN et ancien ministre de la Santé, du Travail ou de la Jeunesse et des Sports, est un cacique du FLN. Dans cet entretien exclusif, il livre ses positions sur les l’actualité politique du pays: la révision de la constitution, la santé du président et l’avenir de l’opposition. 

Algérie Focus: Il y a une révision de la constitution qui s’annonce, vraisemblablement avant la fin de l’année, que pensez-vous de ce projet ?

Abdelaziz Ziari: C’est à la fois une promesse électorale et une attente. Le souhait de tous  est que la promesse réponde à l’attente. Il serait indispensable que les médias organisent des débats autour de cette question au lieu d’attendre le document. Une fois que le document portant révision de la constitution est rendu public c’est déjà trop tard. Parce qu’il y a des documents qui peuvent être discutés dans la classe politique, entre ceux qui s’opposent et soutiennent

 Vous interpellez la classe politique pour un débat autour de la révision de la constitution, alors les partis ont déjà formulé leurs propositions en la matière.

 Il ne faut pas noyer le débat. On ne peut pas discuter de la constitution avec l’association des pécheurs et celle des musiciens. Je parle d’une véritable concertation et débat politique sur des points bien définis. Quant j’ai appelé à ce débat, je parlais de débats qu’organiseraient les masses médias sur des points fondamentaux qui vont constituer le corpus de cette constitution. D’ailleurs, il y a des questionnements : jusqu’où doit aller cette révision de la constitution ? S’agit-il d’une nouvelle constitution ? S’agit-il d’un réaménagement cosmétique qui n’aura aucun intérêt ? S’agit-il d’une réforme profonde qui touchera à l’équilibre des pouvoirs ?

Si tout le monde dans l’opposition passe son temps à dire que le président est malade, qu’il est ci qu’il est ça, ce discours la discrédite. C’est ce qui fait que l’opposition n’est plus audible. Elle n’est plus audible car au lieu d’ouvrir les dossiers importants elle ne tient compte que d’un tel ou d’un tel et des anecdotes de tous les jours. L’un des dossiers les plus importants est celui de la décentralisation. Je suis favorable à une décentralisation, donner des pouvoirs étendus aux élu locaux et aux assemblées locales

 Pensez que la révision de la constitution est un impératif ? Et constitue-t-elle une priorité ?

A mon avis, oui. Parce qu’il faut changer le mode de gouvernance pour aller à un système ou les pouvoirs sont plus équilibrés

Pour aboutir à quoi ?

Pour aboutir a une plus grande démocratisation dans la prise de décision. Que la prise de décision soit le fruit d’un consensus, de la recherche d’une majorité qui s’élabore au fur et à mesure

Comment ça devrait-il se traduire concrètement ?

Donner à la majorité parlementaire la mission de former le gouvernement. Voir quelles sont les limites  de l’empiétement de l’exécutif sur l’action du parlement, sur l’indépendance de la justice, la décentralisation jusqu’ou elle va, la fiscalité locale qui est un élément clé de la décentralisation dont on parle depuis des années.

Que pensez-vous de la revendication d’une commission indépendante de surveillance des élections ?

C’est un impératif, sinon le reste est biaisé. Il faut qu’il y ait de l’assurance que les résultats électoraux soient transparents. Nous avons besoin d’avoir une commission électorale indépendante. On n’a rien inventé, c’est ce qui se fait ailleurs et permet d’avoir des résultats incontestables.

Etes-vous favorable à une période de transition ?

Je ne comprends même pas le sens de cette période de transition. Si nous mettons en place les réformes constitutionnelles requises, ce n’est pas une période de transition dont nous avons besoin, c’est une période d’adaptation à un nouveau mode de gouvernance. Mais pourquoi une transition ? Je n’adhère pas à cette transition parce que je m’interroge : une transition de quoi vers quoi ?

Etes-vous favorable à des présidentielles anticipées ?

Jamais de la vie! Réclamer des présidentielles anticipées n’a aucun sens. On vient de faire des élections présidentielles, le chef de l’Etat est toujours là et il est dans la situation dans laquelle il se trouvait au moment ou il a été élu président. Donc, il n’y a aucun argument pour des présidentielles anticipées, sauf si le président lui-même le décide Mais franchement, cette histoire de mettre en avant la revendication de la présidentielle anticipée aboutit à un dialogue de sourds. Qu’est ce que c’est que cette idée de demander des présidentielles anticipées ? Pour quelles raisons on se mettrait à exprimer une telle revendication. Le problème n’est pas là. Le problème est de savoir comment on va gérer dans l’avenir

L’argument de ceux qui revendiquent des présidentielles anticipées est l’incapacité du président à gérer le pays compte tenu de son état de santé

L’état de santé du président est le même que quand il s’est présenté au quatrième mandat. Sur le plan fonctionnel le président va mieux après une rééducation efficace. Et ce n’est pas un argument. Et c’est pour cela que l’opposition devient de moins en moins audible

Le FLN a organisé son comité central le 4 octobre dernier et a désigné son nouveau bureau politique. Comment avez-vous vécu cet événement ?

J’ai vécu tout cela de manière tout à fait  indifférente. Je me suis mis en congé de ce parti. Je veux que les partis deviennent de véritables institutions politiques dans lesquels se fait et s’élabore la décision politique.

Vous avez pris un congé du FLN, est ce à dire que vous vous retirez y compris de la contestation ?

Je ne fais plus partie de la contestation parce que je trouve la contestation au FLN aussi inefficace que l’opposition algérienne actuelle.