Les Califes d’hier et ceux d’aujourd’hui

Redaction

Gouvernement Sellal avant après

La rumeur qui fait état d’une possible augmentation du prix de la pomme de terre suscite l’angoisse dans beaucoup de foyers. Celle qui  concerne une possible augmentation de la taxe sur les produits de luxe provoque le même phénomène mais pas dans les mêmes univers. Dans les deux cas on parle de colère, à ceci près qu’entre les deux, il y a un problème d’échelle et une question de décence.

Deux mondes complètement différents coexistent sans jamais se rencontrer. Peut-être la paix sociale est-elle à ce prix et qu’il faille remercier le ciel de rendre improbable la rencontre des paysans des Aurès et des riverains du Club des pins, depuis l’indépendance. On ne sait qui devra rendre compte à l’autre tant les cartes ont été brouillées et les rôles inversés. Les premiers attendent toujours l’électricité, les seconds piaffent de voir arriver la 4G.  Question de niveau encore une fois, dans un pays où la promesse de justice et d’égalité avait servi de viatique aux meilleurs de ses fils partis se fracasser contre le colonialisme.

Triste décor aujourd’hui où les sirènes des limousines vont trop vite pour laisser voir la misère et où la sono des palais étouffe les complaintes de la basse-casbah. Nos chefs ne savent plus qu’ils font dans la démesure. Nos riches oublient que leur fortune est trop fraîche pour être honnête et les gestionnaires de la maison commune confondent l’individuel et le collectif, la cassette personnelle et les caisses de l’Etat, emportés par l’ivresse du somptuaire et la brutale abondance. Peu leur importe qu’ils accumulent villas, limousines et comptes offshore. Ou qu’on marie le petit dernier aux frais de la nation puisque on se marie entre soi et que tout le gotha se mouille et  se tient solidement par la barbichette. Et dire qu’on s’est moqué allègrement de nos voisins.

Et la justice dans tout cela ? Et le sang des chouhadas ? Et les vertus de l’islam, direz-vous ? Il faudra interroger ceux qui nous gouvernent. Leur demander s’ils n’ont pas de problèmes avec leurs consciences, s’ils ignorent qu’ils dépensent un argent qui ne leur appartient pas. S’ils dorment tranquilles après avoir volé dans les caisses de l’Etat et placé leur butin dehors. S’ils font le Ramadhan et s’ils vont à la mosquée sans avoir trop honte. S’ils n’ont pas conscience d’avoir détroussé des millions d’enfants, de les avoir laissés sur le bord du chemin et s’ils ne savent pas que tout cela aura une fin et qu’il faudra bien rendre des comptes ici dans l’au-delà.

Nous n’avons d’autre choix que de nous en remettre à deux sortes de justice : celle des hommes pour tout de suite et celle de Dieu pour plus tard. Un mot à propos de la justice des hommes pour dire qu’elle sera toujours à leur image et qu’il n’y a rien à attendre d’un régime gangrené par la corruption ; sauf à imaginer une explosion sociale, une révolte généralisée et la montée des fourches à l’assaut des citadelles. Autant dire un beau rêve pour amateurs de nostalgies et révolutionnaires en chambre. Il faudra beaucoup de temps pour renverser l’ordre des choses et surtout beaucoup de conviction.

C’est Paul Eluard, je crois qui a écrit dans un fameux poème, pour s’en prendre à ce genre de criminels :

« Ne vous étonnez pas d’entendre craquer vos billards,

le jour où les éléphants viendront reprendre leur ivoire ».

Ce jour-là, nos « califes » ne diront pas qu’ils ne savaient pas qu’ils volaient l’argent des Algériens et qu’ils encouraient la justice divine, à défaut de craindre celle des hommes. Peut-être ne savent-ils pas que Le Prophète (Asws) avait vécu modestement, que le calife Othman Ibn Affan, était très riche mais qu’il avait vécu modestement après remis toute sa fortune entre les mains du Prophète ? Ils ne savent probablement pas non plus, que le calife Omar Idn Al Khattab avait un tel souci de la condition de ses administrés qu’il avait dit: « Si une bête trébuchait à cause du mauvais état de la route Dieu m’aurait reproché de ne pas l’avoir réparée ».

Et puis, quand bien même manqueraient-ils de culture religieuse, ne savent-ils pas qu’il y a une morale universelle et que les notions de bien et de mal n’appartiennent à aucune religion en particulier. Et pourquoi nos imams et nos sommités religieuses ne les rappellent pas à l’ordre au lieu de guetter une espèce de denier du culte qui leur fait oublier les fondements même de l’islam. L’honnêteté, la modestie et l’humilité en sont quelques unes des valeurs cardinales.

« Les serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur la terre ; ceux qui répondent avec douceur aux ignorants qui les interpellent ». Coran 25 / 63

« Ne marche pas avec faste sur la terre, car jamais tu ne sauras la fendre ni te hausser au niveau des montagnes ». Coran 17 / 37

« Allah m’a révélé de vous ordonner l’humilité afin que nul ne méprise un autre et que nul ne soit injuste envers un autre ».  Hadith.

Le Prophète (Asws) répétait souvent dans ses prières : «  Dieu ! Fais-moi vivre pauvre et mourir pauvre, et fais lier mon destin à celui des pauvres » Hadith.

Modestie et humilité vont de pair avec honnêteté et justice. Ceux qui ont choisi de décider pour nous et de penser pour nous sont supposés être les meilleurs d’entre nous. Le sont-ils vraiment ?

Aziz Benyahia