Les 9 militants pour le droit au travail, arrêtés fin janvier, ont été condamnés ce mercredi 11 février à Laghouat à 18 mois de prison ferme pour l’un et 6 mois de prison ferme pour les 8 autres, a-t-on appris de son avocat.
Le jugement dans les deux procès impliquant 9 défenseurs des droits des chômeurs algériens a été rendu ce mercredi matin à Laghouat. Dans le premier procès, le juge près la cours de Laghouat a décidé de condamner Khencha Belkacem, Brahimi Belelmi, Mazouzi Benallal, Azzouzi Boubakeur, Korini Belkacem, Bekouider Faouzi, Bensarkha Tahar et Djaballah Abdelkader à 6 mois de prison ferme et 6 mois de prison avec sursis, indique son avocat, Me Nordine Ahmine, contacté par nos soins. Placés sous mandat de dépôt le 28 janvier dernier par le tribunal de Laghouat, ces 8 activistes chevronnés, connus dans leur région natale pour leur engagement pour la défense du droit au travail des Algériens, étaient poursuivis pour « attroupement non armé » et pour avoir exercé une « pression sur les décisions des magistrats ». De son côté, leur ami Mohamed Rag, membre du mouvement des chômeurs de Laghouat, poursuivi pour « violence envers agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions », a été condamné à 18 mois de prison ferme, rapporte son avocat.
Ce dernier dénonce un prononcé du jugement rendu « en catimini ». « Le juge avait tellement peur de la réaction de la rue qu’il a prononcé les verdicts avant 9H ce matin alors que généralement les verdicts sont donnés plus tard », confie Me Nordine Ahmine, qui dit avoir été pris de cours et avoir même raté le début de l’audience. En guise de soutien, une vingtaine de personnes se sont rassemblées sur place publique devant le tribunal de Laghouat, raconte l’avocat des 9 activistes condamnés ce matin en première instance, et n’ont pas été inquiétées par les forces de police, précise la même source.
« On va faire appel »
La suite ? Les 9 militants engagés pour le droit au travail des Algériens ne comptent pas en rester là. Ils pourraient entamer une grève de la faim, confie leur avocat, qui n’a pas pu discuter avec ses clients après le rendu du jugement. « Je vais les voir cette après-midi et on va parler de la possibilité de faire appel. C’est sûr on va faire appel », poursuit-il, « personnellement je suis choqué, je ne m’attendais pas à ce qu’ils soient condamnés aussi sévèrement ».
Pour rappel, les 8 militants du Comité national de défense des droits des chômeurs (CNDDC), condamnés ce matin à 6 mois de prison ferme et 6 mois avec sursis, ont été interpellés le 28 janvier dernier alors qu’ils manifestaient à l’extérieur du palais de justice de Laghouat où se tenait le procès de leur ami Mohammed Rag, embarqué par la police le 22 janvier dernier près de son domicile. Ils étaient poursuivis pour « attroupement non armé ». « Bien que l’état d’urgence ait été levé en 2011, les manifestations non autorisées restent considérées comme des attroupements illégaux. Les participants peuvent donc être poursuivis en justice, et encourent des peines allant de deux mois à trois ans de prison », a rappelé amèrement la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH), qui rassemble plus de 178 associations de défense des Droits de l’Homme à travers le monde, dans un communiqué publié mardi 10 février. Dans ce document, la FIDH demande la « libération immédiate et inconditionnelle » de ces 9 activistes, « arrêtes arbitrairement ». La justice algérienne, s’appuyant sur l’article 147 du code pénal, reprochait également à ces 8 activistes d’avoir essayé d’influencer le juge en organisant ce sit-in de soutien sur le parvis du tribunal.
Leur avocat ne cesse depuis de dénoncer une arrestation arbitraire. « La justice fait ici une mauvaise interprétation du code 97 du code pénal qui punie un attroupement qui perturbe de façon significative l’ordre public. Or, mes clients étaient debout sur le trottoir quand ils ont manifesté en soutien à Mohamed [ndlr Rag], ils ne dérangeaient personne », affirme Me Nordine Ahmine, joint par téléphone ce matin.
De sont côté, Mohamed Rag a été interpellé le 22 janvier dernier près de domicile par des policiers venus sur place « pour arrêter un présumé voleur. Il a été embarqué avec ce dernier pour avoir refusé de répondre à une policière qui lui avait adressé la parole », relate dans son communiqué la FIDH. Sur la base de l’article 148 du code pénal, ce militant du CNDDC est poursuivi pour « violence envers agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions ».
Puni pour avoir soutenir les manifestants anti-gaz de schiste de In Salah ?
Pour des ONG de défense des Droits de l’Homme, les autorités algériennes ont eu peur d’un embrasement du Sud avec le sit-in permanent organisé à In Salah depuis le début de l’année contre l’exploitation des puits-pilotes de gaz de schiste. En effet, les 9 activistes condamnés ce mercredi matin avaient participé à une protestation le 17 janvier en soutien au mouvement anti-gaz de schiste. Ils payent peut-être ce matin le prix de leur solidarité.