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Par un blogeur algérien
Il était une fois un quinquagénaire, père de trois enfants et directeur d’une entreprise nationale algérienne spécialisée dans le bâtiment. Il a des amis haut placés à l’APW (Assemblée Populaire de Wilaya (préfecture)°.
Les week-ends, il organise des beuveries avec d’autres copains fonctionnaires à L’OPGI (Office de Promotion et de Gestion immobilière).
Sa femme est sa cousine germaine. Son père, avant de mourir, l’avait chargé d’une mission humanitaire : veiller sur la fille de son frère aîné, tombé au champ d’honneur pendant la guerre d’Indépendance.
Elle lui obéit au doigt et à l’œil, mais ça fait bien longtemps qu’elle ne le fait plus rêver. Elle est devenue la mère de ses enfants, mais en réalité, n’a jamais été la muse de ses fantasmes secrets. Il faut choisir entre la famille ou l’érotisme: traditions obligent.
«Mon cordon bleu », aime-t-il l’appeler, car il est un grand amateur de la bonne chaire comme presque tout cadre supérieur algérien qui se respecte, car il faut savoir bouffer ou être bouffer; et le meilleur c’est celui qui sait bouffer et faire bouffer. C’est une simple histoire de générosité : du moment que l’argent de la ripaille ne sort pas de sa poche, mais de celle des contribuables, les questions de « qui dépense quoi ? Et pourquoi ? Et pour qui ? Et comment ? » Ne se posent même pas dans un pays que l’on ne respecte pas.
Ce n’est pas de sa faute s’il a des goûts de luxe. Avec 45 000 dinars par mois il ne peut pas vivre toutes ses nouvelles passions. Lui il aime le Danone à la fraise et les jeunes filles en string ; il aime danser tous les jeudis au cabaret et remplir le porte-monnaie des minettes.
Il est fan incontestable de Houari Dauphin (vedette de raï coquin en Algérie) et écoute tous les matins en allant travailler dans sa Daewoo de fonction « Nedi omri lel Scheraton Ou kouleche khalesse aliya… ».
(J’emmène ma chérie à l’hôtel le Scheraton, et je lui paye le séjour)
Il fume des Marlboro et consomme du Viagra français. Sa petite amie, vient de fêter ses 19 ans et d’hériter d’un appartement équipé à Haï-Assabah (un quartier à Oran). Elle, depuis qu’elle l’a connu, elle porte des Diesel et COCO Channel. Lui, depuis qu’il l’a rencontré, il s’est rasé la moustache et mène sa femme à la cravache. Elle, elle a fuit le terrorisme de Tiaret, lui il cherchait son démon de midi à Wahran (Oran).
Sa libido, traitement aidant, devient vorace et sa maîtresse exige la fortune. Son entreprise, mise à la coupe réglée, bat de l’aile : pas facile de faire des bénéfices quand l’on a un million de logements à construire et 350 cousins et cousines à loger…gratuitement.
Ce n’est une fois encore pas de sa faute: il est bon gestionnaire, mais dans sa propre spécialité : dilapidation de deniers publics pour des raisons d’intérêts sexuels et mercantiles.
La clef sous le paillasson, deux mille personnes au chômage : le bâtiment n’est pas sa tasse de thé, Roméo a toujours préféré le Whisky à 11000 dinars la bouteille. Aussi n’avait-il pas toujours ambitionné de faire de la politique.
Une autre beuverie avec ses copains de l’APW, et le voilà caracoler à la tête de liste d’un parti au gouvernement.
A Cinquante trois ans, il réalise un vieux rêve : devenir Des-putes- (au)thé et rejoint le harem en forme d’hémicycle. Ses passions ont fini par payer. Toujours dans le pays qu’il ne respecte pas.