Macron « en marche » vers le pouvoir/ Une victoire pour l’Algérie ?

Redaction

Il a remporté son pari de se placer au-dessus du clivage gauche-droite et sera peut être dans quelques jours, le futur président de la France. Emanuel Macron ( Mouvement En Marche) passe en second tour de la présidentielle française avec 23,9% des voix contre 21.4% des voix récoltées par le parti d’extrême droite, le Front National (FN). En cas de victoire, il gouvernera sans majorité.

Les français ont voté et ont élu leurs représentants, verdict tombé hier soir, ils ont dérivé leur choix entre E.Macron, 39 ans sans parti politique et Marine Le Pen, candidate du Front National (FN). En commentaire à sa victoire au premier tour, Macron a déclaré qu’il veut être « le président des patriotes face à la menace des nationalistes ». Une fois de plus, le marketing et la force des mots l’emportent.

Au lendemain des résultats, une France divisée apparaît, elle, comme « l’alternative politique ». D’un extrême à un autre, le choix de Sophie qu’auront à faire les habitants de l’hexagone entre « la haine » ou « la finance », commenté par certains. D’autres ont considéré que leurs compatriotes n’ont « rien appris depuis le Fouquet’s » en commentaire au dîner de Macron à la Rotonde avec Jacques Attali parmi les invités.

Mais qu’en pensent les Algériens, les gouverneurs et les gouvernés parmi eux ? Il y a quelques mois, Macron s’est rendu en Algérie, lui qui n’a pas vécu les accords d’Evian, a fait une importante déclaration au micro de Khaled Drareni sur la chaîne Echourouk TV lors de sa visite à Alger en février : « « La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime contre l’humanité », si cette déclaration faite sans ambages a ravi l’Algérie et la diaspora algérienne, elle a à contrario, fait pousser des cris d’orfraie de l’autre côté de la méditerrané. Macron a été sommé de s’excuser.

Mais pourquoi le jeune « sans étiquette » s’est-il rendu en Algérie pendant sa campagne ?

Comme son prédécesseur François Hollande, Macron s’est rendu à Alger lors de sa pré-campagne. Il a été reçu, en février dernier, par Abdelmalek Sellal, Ramtane Lamamra et autres relais du régime qui lui ont donné carte blanche pour étoffer sa stature internationale et marquer davantage son intérêt pour le bassin méditerranéen après des visites en Tunisie et au Liban.

Macron en a profité faire une déclaration plutôt téméraire « La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces geste ».

Et d’ajouter : « Il y a eu des crimes terribles, il y a eu de la torture, il y a eu de la barbarie parce que la colonisation est un acte de domination et de non-reconnaissance de l’autonomie d’un peuple ». Puis de nuancer le propos : « Et en même temps, je ne veux pas qu’on tombe, tout en reconnaissant ce crime, dans la culture de la culpabilisation sur laquelle on ne construit rien. »

 

Et sa déclaration n’est pas passée inaperçue puisque il a dû s’expliquer avec les mélancoliques de la France coloniale. Toutefois, cela n’a pas altéré sa campagne pour autant. En effet, ces propos ont suscité des réactions scandalisées de la droite et de l’extrême droite. «En accusant la France de crime contre l’humanité sur une chaine algérienne, Macron commet une faute politique et historique grave !», a tweeté le député LR Eric Ciotti. «Emmanuel Macron commet une faute politique», a aussi estimé Bruno Retailleau, sénateur LR proche de François Fillon. Cela ne l’a pas empêché pourtant, de braconné nombre de têtes de la gauche et du centre droit.

 

A Alger pourtant, les jeunes s’amusent à « confirmer la légende » selon laquelle tous les candidats qui se sont rendus à Alger durant leur campagne sont devenus présidents. Est-ce une légende ou un rituel politique ?

C’est dire que si les français ont voté, le régime algérien lui, a voté bien avant eux. Il a choisi son candidat favori et l’a accueilli en hôte d’honneur à Alger. Et il ne faut pas avoir un QI de génie pour en comprendre les raisons…

Afortiriori, il ne faut pas s’emballer. Si Macron s’est rendu à Alger, ce n’est pas par amour de la Casbah ou du pays d’un million et demi de martyrs, il a simplement appris sa leçon, se rappelant que l’Algérie est un partenaire économique capital de la France, un fournisseur historique en gaz et pétrole sans oublier les plusieurs millions d’Algériens en France de 1ère à 4 ème ou 5 ème génération. Il défendra donc avant tout, avec ferveur, les intérêts de son pays et ceux de son continent et non les nôtres.

 

« Il est évident que compte tenu du rôle que joue l’Algérie dans notre histoire, dans notre pays, dans notre avenir et dans celui du Maghreb, il est indispensable durant une campagne présidentielle de venir faire une telle visite. Pour mesurer à chaque instant le poids du passé et avoir un discours volontariste sur l’importance de l’avenir », déclarait-il, en marge de sa visite.

Et d’ajouter « J’appartiens à une génération qui n’a pas connu la Guerre d’Algérie (1954-1962, ndlr) mais (…) qui ne peut pas vivre sans. Cela fait partie de notre viatique. Il faut donner encore plus de densité au partenariat entre la France et l’Algérie ».

Force est d’admettre pourtant, que sur les onze candidats le « mondialiste assumé » selon les dires de JMP, qui représente pour la presse algérienne « un mélange de Hollande et Sarkozy », Macron est le seul en mesure d’accepter le jeu des transactions. En d’autres termes, il ne semble pas avoir comme projet de soutenir le « printemps arabe » et ne défend pas non plus les « dictateurs », il se place au juste milieu et évite de se prononcer sur la question, d’une part.

Macron est le candidat de l’UE et cela ne peut que servir les intérêts d’Alger qui traite essentiellement avec l’ensemble de l’organisation pour ses échanges commerciaux et son équilibre économique. D’autre part, le candidat n’affiche aucune « haine » ou xénophobie, la condition des Algériens de France est donc conservée.

 

Qui d’autre que Macron pourra mieux protéger les intérêts du régime algérien en France et en Algérie ? Certainement pas une Marine Le Pen dont la position anti-Algérie est claire, ni un Fillon fragilisé.

Qui d’autre que Macron pourra mieux fermer les yeux sur les dépassements du régime algérien pour garantir ses propres intérêts ?

En effet, les prisonniers politiques, les atteintes à la liberté d’expression, les poursuites sans jugement ne gênent pas le jeune Macron qui se soucie du chômage, des réserves en devise et de la sécurité des français. Ce qui compte réellement pour lui c’est le poids de la balance commerciale entre les deux pays.

Il a donc le profil idéal pour séduire les grosses têtes du régime d’Alger et le club d’Al Mouradia. Lui qui veut transformer la France en startup géante se verra agir en vrai businessman pour qui les « sentiments », « les valeurs », et les « moralités » comptent peu. Et cela ne peut qu’arranger Alger. Plus encore, il est le seul candidat qui pourrait lui garantir le soutien nécessaire à sa « légitimité ».

Et c’est la réédition du scénario Hollande qui est en train de se produire. Le régime algérien est en cours d’entretenir d’excellents rapports avec Macron qui qui lui garantira un retour d’ascenseur salutaire. Hollande n’avait-il pas été « à la hauteur » lorsque les doutes quant aux capacités du président Bouteflika avaient commencé à se faire entendre ?

 

 

Mounira ELBOUTI

 

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