Le docteur Djamel Ould Abbes, secrétaire général du FLN, vient de nous faire une piqure de rappel, pour le cas où la mémoire collective venait à nous faire défaut. A 83 ans, chargé par on ne sait qui, il vient de déclarer solennellement que non seulement il va œuvrer pour obtenir un 5ème mandat pour monsieur Abdelaziz Bouteflika mais qu’il songe – divine trouvaille – à un mandat à vie.
Il est médecin et donc il est certainement plus compétent qu’un journaliste pour juger de l’état de santé de celui qu’on veut maintenir coûte que coûte à la tête du pouvoir. Oui ! Il a bénéficié d’une bourse du FLN pour faire des études de médecine en Allemagne, pendant que les jeunes de son âge, à l’autre bout du pays servaient de chair à canon. Mais ça, c’est de l’histoire. Cela ne plait pas toujours à tout le monde de le rappeler, mais cela fait du bien malgré tout parce que cela sert à fixer les idées, et au moins à limiter les flagorneries. Aux mauvaises langues, on répondra qu’il faut vraiment avoir l’esprit mal tourné pour penser que c’est parce qu’il est de Tlemcen, qu’il veut maintenir Monsieur Bouteflika au pouvoir.
Donc nous en sommes là aujourd’hui et on tient à rappeler pour les esprits chagrins et les soupçonneux que le Secrétaire Général du FLN se démène comme un diable pour organiser au sein de son parti une répartition démocratique des candidatures aux prochaines élections législatives. Il veut tellement bien faire les choses qu’il tient à tout baliser pour faire en sorte de placer l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de toute autre considération, en maintenant donc au sommet de l’Etat, l’homme providentiel pour tout le temps qu’il lui restera à vivre.
Plus sérieusement, ne voyons-nous pas que nous sommes devenus la risée du monde entier et que personne ne comprend toujours pas les raisons de cet acharnement sur la personne d’un homme très gravement diminué ? Dans le même temps, tout le monde sait que ses thuriféraires veulent utiliser sa « légitimité » pour mener jusqu’au bout une stratégie politique de plus en plus évidente. Tant qu’il est en vie et tant qu’on peut renouveler indéfiniment son mandat, on peut continuer à grossir le trésor de guerre et à préparer la relève. L’histoire des pouvoirs politiques est truffée de ce genre de manœuvres. Nous ne sommes pas l’exception.
On peut à la rigueur le déplorer chez les autres, mais on n’a pas le droit de l’accepter chez nous ; dans un pays qui a sacrifié 15% de sa population pour vivre digne. Or ceux qui pensent comme monsieur Ould Abbès ou qui le soutiennent bafouent la dignité de tout un peuple, méprisent sa jeunesse et insultent son intelligence.
C’est l’analyse que l’on entend partout y compris dans les pays et dans les cercles les plus solidaires de l’Algérie, de son histoire, de son peuple, et dans lesquels on se désole de nous voir tomber plus bas que les anciennes colonies dont on se moquait jadis et qu’on appelait avec un culot monstrueux les républiques bananières, et accepter sans ciller de vivre sous un régime monarchique où on se prépare à adouber le frère ou l’allié.
Djamel Ould Abbès est âgé de 83 ans et nous promet avec un culot monstre accompagné d’un bras d’honneur éloquent de, non seulement obtenir un cinquième mandat mais, de proposer un mandat à vie pour le Président actuel. La décence et la bonne éducation nous interdisent de moquer les gens pour leur physique ou leur âge, sauf quand ils nous prennent pour des crétins. Et dans ce cas, il faut appeler les choses par leurs noms. Le Président est définitivement diminué. Il faut le remplacer par la voie démocratique et au grand jour. Il n’y a rien d’avilissant ni d’humiliant. Cela devra se faire dans le respect de nos traditions et dans une démarche démocratique. Cela ne devrait pas poser de problème particulier puisqu’on sait que son entourage plus fervent musulman que nous tous, dépense sans compter pour maintenir une ambiance de recueillement mystique et de ferveur religieuse dont la plus gigantesque illustration restera le chantier de la 3ème plus grande mosquée du monde.
Abdou Semmar