Nouvelle Constitution/ L’Algérie encore et toujours prisonnière du culte du « zaïm »

Redaction

C’est un chantier qui a duré plus de quatre ans. Ce projet, dont les enjeux sont plus que jamais déterminants pour l’avenir du pays, intervient au moment où l’Algérie amorce un virage stratégique dans son histoire, en raison de la crise financière qui martyrise le pays. Et ce n’est encore que le début. 

Une nouvelle constitution pour débloquer le pays, redonner de l’espoir à ses jeunes qui le fuient massivement depuis des années, et remobiliser ses forces vives afin de sortir de l’ornière, tel était l’alternative qu’attendaient les Algériens et les Algériennes. Cet espoir est désormais contrarié ce mardi 5 janvier 2016, le régime algérien ayant réaffirmé sa volonté de ne pas changer. Il a juste concédé quelques ouvertures symboliques pour imposer sa pérennité. Ainsi, après tant de luttes et de sacrifices, la langue Tamazight, notre langue millénaire, symbole de notre identité ancestrale, est enfin reconnue comme langue officielle. C’est indéniablement une avancée considérable. Mais, soyons clairs : un pays ne vit pas que de son histoire et de la langue de ses ancêtres. Il a besoin d’un mode de gouvernance moderne, une vie politique saine et d’institutions solides. Là-dessus, le texte de la nouvelle constitution est décevant. Et il s’agit là, d’un doux euphémisme.

Décevant, parce qu’il ne va pas propulser l’Algérie sur la voie de la démocratisation qu’exige la modernité. Le système politique demeurera un système fortement présidentiel avec quelques retouches cosmétiques. Le président de la République sera encore et toujours celui qui désignera le premier ministre. La majorité parlementaire, élue théoriquement par le peuple, n’a le droit qu’à une simple consultation. Elle peut, certes, selon les dispositions de cette nouvelle constitution, bloquer le plan d’action du premier ministre qui devra, suite à cela, présenter sa démission au Président. C’est une nouveauté. Cependant, elle ne suffit guère pour démocratiser notre pays puisque le Chef de l’Etat peut dissoudre le Parlement, si ce dernier bloque le plan d’action d’un second premier ministre. La sentence est sans appel : « Le zaïm, c’est moi ! »

Des prérogatives ont été accordées aux députés. Mais les mécanismes de leur mise en oeuvre demeurent vagues, ce qui ne favorise aucunement l’instauration de la transparence politique en Algérie. Et pourtant, après 15 ans de corruption, de détournements de deniers publics et d’un programme de développement raté, l’Algérie en a grandement besoin.

Les besoins réels du pays comptent pour du beurre aux yeux du régime. Le plus important semble être le confortement du « pouvoir du Zaïm ». Le Chef de l’Etat désignera encore et toujours l’essentiel de la composante du Conseil Constitutionnel. Ce dernier est doté « d’une autonomie financière et administrative », tout comme le Conseil de la magistrature. Que signifie tout cela ? Aucun mécanisme n’instaure clairement l’indépendance de la justice et celle du Conseil constitutionnel. Les juges demeurent sous la coupe du politique. Les plus optimistes affirment que de nouvelles modalités seront prochainement définies par des décrets exécutifs. Il demeure difficile de partager, néanmoins, cet optimisme au regard de la place centrale qu’occupe encore le chef de l’Etat.

Au final, le zaïm se contente juste de limiter sa capacité à légiférer par ordonnances. En contrepartie, il restera le seul maître à bord. Le seul capitaine qui doit conduire le navire là où bon lui semble, y compris vers l’abîme comme c’est le cas actuellement. Décidément, l’Algérie demeure encore et toujours prisonnière du culte du Zaïm.