PORTRAIT. Ahmed Benbitour, le Docteur en économie qui veut soigner l’Algérie

Redaction

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Ahmed Benbitour est l’un des candidats officiellement déclarés pour la présidentielle de 2014. Dans les années 90, il fut ministre du Trésor. Depuis, il vit en Suisse. Portrait.

Sa page Facebook affiche un peu plus de 6400 fans. Son compte Twitter une centaine de followers. Suffisant pour qu’Ahmed Benbitour, premier candidat officiellement déclaré à la présidentielle 2014, y relaye l’actualité de sa campagne démarrée en décembre 2012.

Né le 20 juin 1946 dans la wilaya de Ghardaïa, Ahmed Benbitour passe son baccalauréat mathématiques – algérien et français – en 1966 au lycée Emir Abdelkader à Alger, comme noté sur son CV. Ses études dans la capitale se poursuivent jusqu’en 1976, date à laquelle il décroche son DEA en probabilités et statistiques. Un précieux atout pour se lancer plus tard en politique.

Avant d’épouser la chose publique, Ahmed Benbitour se perfectionne, encore et encore : il s’envole pour Montréal. Un Ph.D en poche – l’équivalent d’un Doctorat d’Etat -, le voilà de retour en Algérie en 1984 comme expert en stratégies financières du développement économique.

Une ascension fulgurante

Son parcours académique lui permet alors de prétendre aux plus hauts postes. Dès 1985, il est propulsé à la tête de l’Entreprise Nationale des Jus et Conserves Alimentaires. Directeur Général, il est en charge de 15 usines et 2 400 employés.

De direction générale en direction générale, Ahmed Benbitour fait un break en 1989 pour se mettre à son compte en tant que consultant. L’administration se rappelle vite à lui : il intègre la Présidence de la République en 1991 en tant que chargé de mission. Un an plus tard, il entre dans le cercle fermé des ministres en tant que chargé du Trésor. Puis le voilà muté au ministère de l’Energie en 1993, au ministère des Finances en 1994.

Evincé du gouvernement en 1996, il retrouve d’anciennes amours et exerce un an comme consultant pour le FMI et la Banque Mondiale. En 1998 sonne l’heure de sa première élection : Ahmed Benbitour entre au Sénat et décroche la très prestigieuse présidence de la Commission Economique et Financière.

C’est véritablement un tremplin puisque l’année suivante, à l’élection d’Abdelaziz Bouteflika, Ahmed Benbitour revient au gouvernement en tant que Premier ministre ! Il remplace Smail Hamdani, mais l’expérience tournera court : huit mois seulement avant d’être remplacé lui-même remplacé par Ali Benflis.

Son retour en 2006 avec un livre choc

Durant les années 2000, Ahmed Benbitour se fait discret en Algérie tandis que son pedigree lui ouvre les portes des plus grandes institutions : il participe ainsi aux réunions annuelles de la Banque Mondiale, du FMI, de la Banque Africaine de Développement et de l’OPEP, il est membre du comité consultatif pour la réalisation d’un rapport du PNUD, anime une conférence au symposium de la Banque Islamique de Développement en 2003. Il est aussi consulté par le Fonds Monétaire Arabe, enseigne en tant que confériencier externe à l’Institut Africain de Développement Economique et de Planification à Dakar.

En novembre 2006, Ahmed Benbitour publie sa « Radioscopie de la gouvernance algérienne » dans laquelle il dissèque le fonctionnement du système politique algérien. La dernière décennie est caractérisée par « la défaillance de l’Etat, la généralisation de la corruption et la perte de la morale collective » écrit-il, pointant du doigt l’incompétence qui sévit dans les plus hautes sphères. D’où cette interrogation relayée dans son livre :

Le fatalisme est-il enraciné au point de faire dériver la prestigieuse Révolution de Novembre vers un régime « patrimonialiste » où sévit un petit cercle de privilégiés autour du chef qui détermine l’allocation des récompenses ?

Dans son ouvrage, Ahmed Benbitour se présente aussi comme un homme du terroir :

Comment se fait-il que quelqu’un venu d’une région lointaine du Sud, qui plus est n’appartient à aucun clan ni à une quelconque clientèle, est-il parvenu au sommet ? Hasard ou déterminisme ? Je dirais que c’est plutôt le fruit de mon seul travail, de l’éducation familiale reçue et des nobles valeurs qu’on m’avait inculquées.

Marié et père de quatre enfants, Ahmed Benbitour aspire aujourd’hui à relever un pays selon lui menacé de déliquescence à l’horizon 2020.

Quel programme pour Ahmed Benbitour ?

Son programme de redressement tient en quatre points. Quatre « refondations ». D’abord, celle de l’Etat via la modernisation de ses institutions (administration, justice, défense). Ensuite, celle de l’école pour former des managers – politiques et économiques – adaptées au nouveau monde numérique.

En parallèle, il faudra se pencher selon lui sur l’agenda économique. Ahmed Benbitour propose notamment de redéfinir la politique énergétique et de créer des pôles de compétitivité spécialisés pour retrouver une croissance forte. A Jeune Afrique, il explique :

Nous comptons, aujourd’hui, une population universitaire de 1,5 million d’étudiants. Le cycle de formation étant en moyenne de cinq ans, cela signifie que nous devons absorber chaque année 300.000 nouveaux diplômés arrivant sur le marché de l’emploi. Or nulle économie ne peut répondre à cette exigence si sa croissance est inférieure à deux chiffres.

Dans la même veine, Ahmed Benbitour propose comme quatrième axe de promouvoir les compétences algériennes, où qu’elles se trouvent dans le monde. Parmi ses autres engagement : l’organisation d’un référendum populaire sur la question de l’officialisation de Tamazight, la lutte contre la corruption – sans opération mains propres -, et la certitude qu’il ne fera qu’un seul mandat.

Pas assez apparemment pour calmer les foudres de ceux qui l’accusent d’avoir profité du système avant de cracher dans la soupe. En juillet dernier, invité par le quotidien Algérie News lors de la soirée « Mille et une news », Ahmed Benbitour s’est vu prendre à parti par un jeune militant des Droits de l’Homme :

Quand vous étiez dans le système vous ne cessez pas de dire que tout va à merveille dans le pays et maintenant qu’on vous a éjecté vous dites que le système est pourri et corrompu.

Passablement agacé, le candidat a répondu qu’il était « au service de l’État et non pas au service du système. J’ai assumé des responsabilités au service de l’Etat. »

Officiellement, Ahmed Benbitour ne sera candidat qu’après la publication début 2014 du décret présidentiel convoquant le corps électoral. Il lui faudra alors obtenir le parrainage de 600 élus locaux ou nationaux, ou celui de 60.000 citoyens répartis dans au moins 25 wilayas. C’est la condition sine qua none pour que sa candidature soit retenue par le Conseil constitutionnel. Lui se dit sûr d’obtenir ses signatures. Et d’aller au bout de son combat. Un beau pari pour celui que Jeune Afrique a surnommé le « Don Quichotte de la vie politique algérienne ».