Ali Benouari est l’un des candidats officiellement déclarés pour la présidentielle de 2014. L’ancien ministre du Trésor se (re)lance en politique et espère redresser l’Algérie grâce à ses recettes libérales. Portrait.
Ira-t-il au bout de sa candidature ? Ira-t-il jusqu’à renoncer à sa deuxième nationalité pour pouvoir être candidat à la présidentielle ? C’est là tout le dilemme qui se pose à Ali Benouari, ancien ministre, qui a annoncé se lancer dans la course présidentielle. Chargé du Trésor entre juin 1991 et février 1992, l’homme vit en Suisse depuis une vingtaine d’années. Et dispose de la nationalité helvète en plus des papiers algériens. Or, l’article 73 de la Constitution est formel :
Pour être éligible à la Présidence de la République, le candidat doit jouir uniquement de la nationalité algérienne d’origine.
Ali Benouari n’a donc d’autre choix que de faire une croix sur son passeport suisse s’il veut être élu un jour à El Mouradia. Autre écueil : la récolte de signatures. Il lui en faut 600 d’élus locaux ou nationaux, ou 60.000 parrainages citoyens répartis dans au moins 25 wilayas pour que le Conseil Constitutionnel valide sa candidature. Un sacré pari pour celui qui se revendique du PLR en Suisse. Un Parti Libéral Radical qui n’a que peu d’assise électorale en Algérie.
C’est ce qui rend le combat d’Ali Benouari encore plus intéressant. Le candidat réaffirme encore et encore ses ambitions, en dépit des difficultés et des entraves qui se dressent les unes après les autres sur son chemin. « Si je ne me présentais pas à ce scrutin, je me sentirais coupable de non-assistance à pays en danger » a-t-il coutume de dire. C’est que l’homme a connu l’Algérie des années 90. Il a vécu les années noires aux premières loges.
Le ministère, puis l’exil …
Né en Algérie en 1951, Ali Benouari est titulaire d’un DES en Sciences Économiques et diplômé l’Institut d’Études Politiques d’Alger. Son sésame en poche, il se voit proposer d’enseigner dans ce même IEP. Durant la même période, il est responsable de la trésorerie de changes et des marchés financiers à la Banque Centrale d’Algérie.
En 1981, l’Europe l’appelle : le voici courtisé par le privé ! Ali Benouari se laisse séduire et enchaîne les responsabilités dans les salles des marchés de plusieurs groupes bancaires : Groupe Al Saudi Banque à Paris et à Genève, puis Société Générale à Genève.
Son ascension fulgurante lui ouvre des portes : en 1991, il est propulsé ministre du Trésor dans le gouvernement de Sid Ahmed Ghozali. Au coeur du pouvoir, il vit la démission de Chadli Bendjedid le 11 janvier 1992. Un mois plus tard, lui-même quitte les sphères du pouvoir. Il est remplacé au Trésor par Ahmed Benbitour, autre candidat déclaré à la présidentielle de 2014.
Dès lors, il retourne à Genève où il prend la tête d’Écofinance S.A., une société de conseil et de montage en partenariats industriels et financiers. Une entreprise qu’il dirige toujours.
Une carrière politique déjà bien remplie
En parallèle d’Ecofinance S.A., Ali Benouari multiplie les expériences. Il fait un crochet en Algérie de 1999 à 2004. Son expertise bancaire est reconnue, c’està lui que la Société Générale fait appel pour fonder et présider son conseil de surveillance. C’est à cette époque qu’il acquiert la nationalité suisse, en 2000 plus exactement. Deux ans plus tard, le voilà nommé administrateur de L’Aéroport International de Genève. Il le restera jusqu’en 2006.
La passion de la politique se rappelle à lui. De plus en plus. Il s’engage dans des associations. La Fondation Luc Montagnier à partir de 2008, dont il est secrétaire général et membre du conseil. En 2013, il cumule la présidence de l’Union des Maghrébins de Suisse et de l’Association DiverCité. La même année, il devient président du Parti radical de Cologny, une commune de Genève.
En 13 ans, Ali Benouari se sera présenté à pas moins de trois élections. Après avoir tenté sa chance en Suisse, il veut désormais se présenter en Algérie. Son annonce de candidature est faite le 1er novembre … dans une interview à La Tribune de Genève : « Oui, j’envisage de me porter candidat. » Il résume sa campagne par un slogan :
Une Algérie laïque, parlementaire et libérale.
Que propose Ali Benouari ?
Sur l’Algérie, Ali Benouari est pessimiste. Très pessimiste. A Jeune Afrique, il dit craindre pour l’avenir du pays, « surtout si l’équipe du président Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, devait s’y maintenir » :
Notre pays est en danger. La corruption est généralisée, la situation sociale est explosive, les frontières ne sont plus sûres et l’économie dépend exclusivement des exportations de pétrole et de gaz.
L’homme plaide pour « une deuxième République algérienne » qui verrait la fin du « pouvoir sans partage. » Ce qui inclut selon lui une vaste réforme de l’administration pour réduire les pouvoirs des préfets et des sous-préfets. Aussitôt élu, Ali Benouari dissoudrait aussi l’Assemblée populaire nationale et les partis politiques pour élire de nouveaux députés. Il introduirait le scrutin proportionnel à cette occasion.
Sur le volet économique, Ali Benouari reste fidèle à son école de pensée. Lui président libéraliserait l’économie et privatiserait les entreprises publiques. Le dinar deviendrait une monnaie convertible, ce qui aurait pour effet, selon lui, de supprimer le marché noir de la devise.
Ali Benouari espère aussi unifier l’Afrique du Nord. Du moins une partie. Dans sa déclaration de candidature, il met en cause, «l’incapacité de tirer parti de nos atouts géostratégiques pour bâtir des relations privilégiées avec nos voisins et construire un Maghreb fort. »
A 62 ans, Ali Benouari espère que sa double expérience d’homme politique en Algérie et en Suisse lui permettra de mener à bien son projet. Vaste programme …