Le vrai/faux du bilan des 3 mandats de Bouteflika

Redaction

Alors que les incertitudes sur la candidature de Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat consécutif persistent, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal joue, de son côté, les VRP pour  le Président en exercice, sillonnant le pays pour défendre son bilan. Un bilan positif « grâce une politique clairvoyante », a-t-il ainsi affirmé, lors de sa visite dans la wilaya de Bordj Bou Arreridj, le 22 janvier. Quelle est la part de réalité ? Qu’est-ce qui relève du fantasme ? Algérie-Focus vous propose de démêler le vrai du faux du discours électoraliste du Premier ministre. Décryptage.

FAUX ET VRAI. « Le taux d’inflation a été maîtrisé »

Sur la première moitié du troisième mandat de Bouteflika, les prix à la consommation ont été maîtrisés dans l’ensemble : entre 2009 et 2011, le taux d’inflation a effectivement reculé de 5,7% à 4,5%, selon les estimations du Fonds monétaires international (FMI). En revanche, l’année 2012 a été fatale au porte-feuille des Algériens puisque les prix ont connu une véritable flambée, avec un taux d’inflation grimpant à 8,9%. Sur la fin du troisième mandat, ce taux retrouve les proportions du début du quinquennat. Dans son discours, donné le 22 janvier à l’université de Bordj Bou Arreridj, le Premier ministre Abdelmalek Sellal cite le taux de 4,5%. D’après les perspectives de l’économie mondiale du FMI, rendues publiques en novembre, l’Algérie atteindra effectivement un taux d’inflation de 4,5% en 2014.

Taux d'inflation des prix à la consommation en pourcentage annuel, selon l'indicateur de la Banque mondiale.
Taux d’inflation des prix à la consommation en pourcentage annuel, selon l’indicateur de la Banque mondiale.

Data from World Bank

 

VRAI, MAIS… « Le taux de chômage a régressé à 9,8% fin 2013 »

 En s’appuyant sur les statistiques du FMI pour l’année 2013, le Premier ministre Sellal a raison en affirmant que le taux de chômage total a baissé en Algérie au cours de l’année écoulée à 9,8%. Mais, dans le détail la courbe du chômage n’a pas diminué autant que le gouvernement le prétend. Certes, sous l’ère de Bouteflika, la courbe du chômage a été inversée et l’Algérie compte moins de demandeurs d’emploi. En revanche, si le taux de chômage a fondu comme neige au cours du 2ème mandat du Président Bouteflika, les gouvernements successifs parvenant même à diviser par deux ce taux entre 2004 et 2009, pour atteindre les 10% au moment de sa réélection, la lutte pour la création de postes a été moins efficace durant le 3ème mandat à en juger par les données du FMI. En effet, au cours du dernier mandat de Abdelaziz Bouteflika, le taux de chômage s’est stabilisé à 10% et devrait légèrement baissé, à 9,8%, en 2014, comme l’a annoncé le Premier ministre lors de son déplacement le 22 janvier. Notons par ailleurs que le chômage touche plus fortement les femmes que les hommes. La proportion des femmes en âge de travailler reste élevée. Selon les statistiques de la Banque mondiale, 17% des femmes étaient encore à la recherche d’un emploi en 2011. Soit le double que le taux du chômage des hommes, de l’ordre de 8% en 2011, toujours selon la Banque mondiale.

 

Taux de chômage chez les femmes en âge de travailler en pourcentage annuel, selon l'indicateur de la Banque mondiale.
Taux de chômage chez les femmes en âge de travailler en pourcentage annuel, selon l’indicateur de la Banque mondiale.

 

Data from World Bank

 

 

Le taux de chômage total en Algérie en pourcentage annuel, selon les estimations de la Banque mondiale et du FMI.
Le taux de chômage total en Algérie en pourcentage annuel, selon les estimations de la Banque mondiale et du FMI.

 

Data from World Bank

VRAI. « L’Algérie n’est plus endettée »

Le Premier ministre Abdelmalek Sellal n’a pas menti. L’Algérie compte bien parmi les rares pays au monde à avoir essuyé quasiment l’intégralité de sa dette extérieure publique. En 2012, le FMI a même classé l’Algérie parmi les pays le moins endetté des 20 Etats de la région MENA, ainsi que le deuxième plus gros détenteur de réserves officielles de change après l’Arabie saoudite, avec des prévisions de clôture de l’année 2012 de 205,2 milliards de dollars. Dans un rapport spécial réactualisé sur les perspectives économiques de la région du Moyen-Orient et l’Afrique du nord, rendu public conjointement par le FMI et la Banque mondiale, en 2012, le Fonds a indiqué que la dette extérieure brute de l’Algérie ne représentait alors que 2,4% du PIB. Depuis 2010, l’Algérie s’est offert le luxe d’effacer les dettesd’un montant global supérieur à 902 millions de dollars, qu’elle détenait sur quatorze pays membres de l’Union africaine.

FAUX. L’Algérie « pionnière » dans la réalisation des Objectifs du millénaire

Abdelmalek Sellal s’est avancé en soutenant, devant des représentants de la société civile de Bordj Bou Arreridj, le 22 janvier dernier, que l’Algérie fait partie des « pionnières » en matière de réalisation des Objectifs du millénaire. Certes, le pays a respecté une partie de ses engagements, notamment en ce qui concerne sa politique d’éradication de l’extrême pauvreté. Mais jusqu’à présent, l’Algérie a failli à réduire la mortalité infantile, dans les proportions dans lesquelles elle s’était engagée (Objectifs numéro 4). Le taux de mortalité infantile, un paramètre des composantes de l’Indice de développement humain, a baissé significativement sous l’ère de Bouteflika passant reculant de 36,9 pour mille en 2000 à 15,6 en 2015 selon les projections du Programme des nations unies pour le développement (Pnud). Mais cette baisse provient essentiellement du recul de la mortalité post-natale (entre 01 et 12 mois) alors que la mortalité néonatale (moins d’un mois) continue d’être préoccupante », souligne le rapport du Pnud sur les objectifs du millénaire pour l’Algérie, qui note, par ailleurs, une inégalité  régionale, le taux de mortalité infantile étant beaucoup « moins élevé » en milieu urbain. « A l’horizon 2015, une projection des tendances observées montre que l’objectif de réduction de 2/3 des taux de mortalité pourrait ne pas être atteint », peut-on lire dans ce rapport. En signant l’objectif numéro 6, l’Algérie s’est engagé à enrayer la propagation du virus du sida. Or, entre 1999 et 2004, soit le premier mandat de Abdelaziz Bouteflika, le nombre de personnes porteuse du VIH a augmenté de 1.316 cas à 2.363 individus contaminés en 2004, indique le rapport du Pnud.

Autre objectif, sur lequel l’Algérie est en retard : le développement des nouvelles technologies de l’information afin qu’elles deviennent « à la portée de tous ». Mais, encore en 2013, le taux de pénétration d’internet en Algérie, de l’ordre de 14% de la population globale, reste dérisoire, comparativement aux pays émergents. L’Algérie, qui s’est engagée à résorber « la fracture numérique », a tardé à mettre à la disposition des habitants un accès la téléphonie mobile de 3ème génération. En service depuis seulement décembre dernier, la 3G n’est accessible que dans certaines wilayas. Une discrimination territoriale au dépends, une fois n’est pas coutume, des régions du Sud. En définitive, si l’Algérie est sur la bonne voie pour réaliser les 8 Objectifs du millénaire, le chemin reste encore long.