C’est ce qu’on peut appeler une véritable démonstration de force. Plus de 3.000 militants, venus de tout le pays, ont déferlé sur Alger ce samedi matin pour assister au premier meeting du FLN, donnant le coup d’envoi de la campagne électorale d’Abdelaziz Bouteflika. Le Président-candidat demeuré aux abonnés absents. Reportage au coeur d’un rassemblement pro-Bouteflika.
Des bus à perte de vue, des embouteillages sur le parking, des difficultés à stationner aux abords du stade 5 juillet et des files interminables de jeunes, habillés d’un T-shirt et d’une casquette blanche, barrés d’un slogan : « Bouteflika reste mon choix ». De Constantine à Chlef en passant par plusieurs wilayas du sud du pays, des milliers de sympathisants du Président-Abdelaziz Bouteflika, qui brigue un 4è mandat consécutif, ont répondu à l’appel de la direction nationale du Front de Libération Nationale (FLN) ce samedi 15 mars.
La campagne officielle ne débutera que le 23 mars prochain, mais, impatient de montrer aux cinq autres candidats de l’élection présidentielle l’ampleur du soutien populaire apporté au Président Abdelaziz Bouteflika, indélogeable depuis son arrivée au pouvoir en 1999, le parti historique a organisé ce samedi son premier meeting de campagne à la Coupole du stade du 5 juillet à Alger. Une salle noire de monde, tous les sièges étant quasiment occupés, notamment par des jeunes, a-t-on constaté sur place. « Ce matin ce n’est pas qu’un rassemblement politique, c’est d’abord une fête pour tous ceux qui aiment le Président », lance Lakhdar Brinis, coordinateur du comité de soutien à Abdelaziz Bouteflika de Bouira, qui fend une fine pluie pour entrer à l’intérieur de la Coupole. « Malgré les averses nous avons tous tenu à être présents aujourd’hui », affirme ce lui qui dit avoir utilisé les fonds du comité de Bouira pour affréter trois bus afin de transporter le maximum de militants à Alger.
« On a besoin de son cerveau, pas de son physique »
D’autres militants ont fait le voyage par leur propre moyen. Venue la veille de Mascara, où elle réside, Djamila el Goutini, membre de l’Assemblée populaire de la wilaya, a fait le déplacement pour voir le Président Abdelaziz Bouteflika. « Je l’ai vu à chaque campagne, en 1999, 2004, 2009 », énumère cette militante du FLN d’une cinquantaine d’années, assise au premier rang, un portrait du chef de l’Etat sur les genoux. A quelques pas de là, Mohamed Saï, un militant du RND de 24 ans, ne se fait pas d’illusion. « Il ne viendra pas. Mais ce n’est pas grave car Abdelmalek Sellal, son directeur de campagne, est présent à sa place », dit-il, tout en rassurant : « Notre Président est peut-être à moitié handicapé mais son cerveau lui ne l’est pas ». « »On a pas besoin de son physique, on a besoin de son cerveau. Seules ses idées peuvent faire avancer l’Algérie », défend Djamila el Goutini.
Mohamed a visé juste, le Président ne fera pas le déplacement jusqu’à la coupole du stade du 5 juillet ce samedi et n’assistera pas au premier meeting, qui lance sa campagne. A la place, les quelques 3.000 militants, remontés à bloc, se contentent des vidéos projettées sur grand écran des anciennes allocutions du chef de l’Etat. L’époque où Abdelaziz Bouteflika, debout devant un pupitre, n’avait aucune peine à clamer son discours. Une époque très éloignée de celle que les Algériens vivent aujourd’hui : au cours des deux dernières années le Président n’est apparu que de rares fois en public. Sa dernière apparition devant les caméras remonte à son passage au siège du Conseil constitutionnel le 3 mars dernier, alors qu’il venait remettre en personne son dossier de candidature. Ce jour là, le chef de l’Etat de 77 ans, victime de 2 AVC, avait trouvé beaucoup de difficultés à s’adresser au Président du Conseil constitutionnel, Mourad Medelci.
« Il était juste enroué. Le Président est en convalescence, il se porte de mieux en mieux », rétorque Lakhdar Brinis. Pour Djamila el Goutini, qui a regardé les images d’Abdelaziz Bouteflika dans le bureau de Mourad Medelci, il ne fait pas de doute qu’il « a récupéré toutes ses facultés mentales et intellectuelles. Il a fait des mouvements complets des membres inférieurs et supérieurs, il a même bougé ses pieds », a observé ce médecin. Assise à ses côtés, Zouliha Bouziane, ex-député du FLN et aujourd’hui membre de l’Assemblée populaire de la wilaya de Mascara, insiste : « Il est le seul de ceux qui se sont présentés au Conseil constitutionnel à avoir évoqué l’article de loi qui rend obligatoire le dépôt des dossiers de candidature par les candidats eux-mêmes. Les autres avaient un discours flou sur la fraude ».
D’el Mouradia à el Alia
Même diminué, Abdelaziz Bouteflika reste, pour ces milliers de sympathisants, la meilleure solution pour l’Algérie. « Nous l’avons supplié pour qu’il se présente parce que l’Algérie a besoin de lui. C’est le seul qui n’est pas manipulé par la main étrangère. Ses adversaires sont tous présentés par leur intérêt personnel », continue Zouliha Bouziane. Debout au fond de la salle, Lamine 23 ans, n’imagine pas l’Algérie sans Bouteflika. « Il mérite du repos, c’est vrai. Mais s’il part notre avenir sera gâché. On ne peut pas compter sur les autres, même pas Ali Benflis. Abdelaziz Bouteflika, lui, a déjà prouvé ce qu’il était capable de nous apporter », confie ce jeune homme, originaire de Sidi Bel Abbès. Et après avoir servi si longtemps son pays, Abdelaziz Bouteflika mérite de « mourir au pouvoir », considère encore Lakhdar Brinis. « Ce serait une preuve de respect de le laisser aller directement d’el Mouradia au cimetière d’el Alia », estime-t-il.
Barakat ! hué
Sur la scène, des cadres du FLN et du RND se succèdent en attendant le premier discours d’Abdelmalek Sellal dans la peau du directeur de campagne d’Abdelaziz Bouteflika. Au micro, l’un des organisateurs fustige le mouvement Barakat !, qui tient au même moment à Alger centre un sit-in. « Barakat ! n’a pas compris que le peuple est avec nous ? », s’exclame-t-il alors que la Coupole se met à vibrer au son des sifflets des milliers de militants, qui huent l’opposition citoyenne. « Ils n’ont qu’à aller dire « Barakat ! » dans les urnes plutôt que de manifester », renchérit-il sous un même tonnerre de sifflets. Mohamed Sai applaudit. Pour lui, les manifestations anti-4è mandat, qui se déroulent en Algérie et à l’étranger, ne sont le fruit que d’une minorité de mécontents. « Je suis allé une fois à un rassemblement place Audin par curiosité pour voir ce que c’est Barakat ! Ils ne sont que des dizaines, nous nous sommes des milliers », sourit-il, en rappelant que la loi algérienne interdit ce genre de rassemblement sur la voie publique.
Midi, Abdelmalek Sellal monte sur la scène. Et les militants sur leur chaise pour mieux voir et photographier le porte-parole du Président-candidat absent. L’ancien Premier ministre fait le show, encouragé par des applaudissements et des youyous. A peine a-t-il conclu son discours que le publique escalade l’estrade et se rue sur le directeur de campagne d’Abdelaziz Bouteflika pour lui parler, le toucher, prendre une photo avec lui. D’autres jeunes, qui ont investi la scène, préfèrent prolonger la fête quelques minutes de plus. Agitant le drapeau algérien et brandissant des pancartes à l’effigie du Président, ils entonnent le refrain : « Bouteflika ! Bouteflika ! »
Sur leur visage, la déception de ne pas avoir vu le Président ne se lit pas. « Il ne peut pas me décevoir. J’étais déçu avant son arrivée au pouvoir quand je voyais les terroristes entrer dans mon école et kidnapper mes professeurs. Là j’étais déçu. Mais depuis 1999 je ne le suis plus grâce à Bouteflika. Depuis 1999 je n’ai plus vu de terroristes, j’ai vu liberté. Son travail parle pour lui, il nous a apporté la paix et la stabilité », confie le président de l’Union nationale de la jeunesse algérienne (UNJA) de Boumerdès, avant de quitter la Coupole.