La candidat malheureux à l’élection présidentielle 2004 et 2014, Ali Benflis, a présenté à la presse ce mardi 30 septembre son « Livre blanc sur la fraude », recensant plusieurs cas précis de violation du code électoral en avril dernier. L’ancien chef du gouvernement y détaille les différentes facettes d’un « système organisé » de fraude massive et « généralisée », administré par l’exécutif, avant et pendant le scrutin présidentiel d’avril 2014.
« Plutôt qu’une leçon de démocratie électorale, notre pays a donné au monde « une leçon sur la fraude » ». C’est à cette conclusion que la direction de campagne d’Ali Benflis parvient dans le « Livre blanc sur la fraude ». Ce livre, d’une longueur de 100 pages, disponible en français et en arabe, détaille les différents aspects d’une « opération frauduleuse jamais égalée dans l’État algérien moderne ». L’enquête, menée tout au long du processus électoral d’avril 2014, a finalement été rendue publique ce mardi 30 septembre.
Le lendemain de sa défaite électorale, Ali Benflis, accrédité de 12% des voix par le ministère de l’Intérieur (contre 81,49% pour son adversaire, Abdelaziz Bouteflika, facilement réélu pour un 4è mandat consécutif), avait promis la publication d’un livre blanc sur la fraude. Une parution maintes fois repoussée entre avril et septembre, faute de pouvoir l’imprimer plus tôt. « Nous ne sommes pas dans une démocratie avancée où les imprimeries sont libres », a déclaré ce lundi Ali Benflis, lors de la présentation à la presse de son « Livre blanc ». « Le recueillement de ces témoignages n’a pas été facile car nous sommes dans un régime autoritaire. Par crainte de représailles, on a protégé nos témoins en ne citant pas leur nom. Certains témoignages n’ont même pas été utilisés par mesure de sécurité », affirme l’ex-candidat à l’élection présidentielle.
Bulletins falsifiés
Dans le « Livre blanc sur la fraude », dont nous nous sommes procurés une copie, la direction de campagne de l’ancien candidat à l’élection présidentielle passe en revue les différentes entorses au code électoral, avant et durant le processus électoral d’avril 2014. Le chapitre 7 de ce Livre, qui en compte au total 9, est consacré aux violations du régime électoral le jour du vote présidentiel, le 17 avril dernier. Comme l’équipe de campagne d’Ali Benflis en avait fait part à Algérie-Focus le soir du scrutin du 17 avril dernier, elle évoque dans ce chapitre le cas de plusieurs bureaux de vote, répartis sur pas moins de 12 wilayas, dont Alger, Oran, Constantine et Ouargla, où l’urne n’a pas été scellée. Une obligation citée dans l’article 44 du code électoral, rappelle le staff de campagne d’Ali Benflis à la plage 63 du Livre.
Un peu plus loin, l’ouvrage pointe du doigt la « machination » contre les bulletins de vote du candidat Ali Benflis, dont le directeur de campagne, Lotfi Boumghar avait informé Algérie-Focus le soir du vote. C’est le cas notamment dans la commune de Salah Bey (wilaya de Sétif), « où il a été découvert 346 bulletins dans un centre de vote et 100 dans un autre, portant une caractéristique non réglementaire (étoile) », précise le document.
Par ailleurs, le Livre met en avant des conditions de vote favorables à la fraude. En exemple, le staff de campagne d’Ali Benflis cite les cas du bureaux de vote dans les wilayas de Mila et Bordj Bou Arreridj, notamment, où l’absence d’isoloirs en nombre suffisant n’a pu assurer de façon convenable le secret du vote (page 66).
Un fichier électoral opaque
L’équipe de campagne d’Ali Benflis énumère ensuite les différents moyens de trucage du vote appliqués le 17 avril dernier. « Beaucoup d’électeurs, notamment ceux qui se sont présentés dans les bureaux de vote de l’après-midi, ont constaté que des tiers avaient voté à leur place », peut-on ainsi lire page 67. Pris au dépourvu, des présidents de bureau de vote ont été contraints d’ajouter ces électeurs sur la liste, « commettant ainsi des faux », souligne le document. Autre situation burlesque : des citoyens, pourtant munis de leur carte d’électeur, n’ont pas pu voter car ils se sont rendus compte le jour du vote qu’ils avaient été mystérieusement rayés de la liste électorale. L’épouse du candidat du FNA, Mme Moussa Touati, a connu pareille mésaventure au niveau de son bureau de vote habituel à Mohammadia (Alger), souligne le document à la page 68.
Pour Ali Benflis, tout cela a été rendu possible par la non-publicité du fichier électoral. Tandis qu’ailleurs, le fichier électoral est connu de tous, en Algérie il relève étrangement du « secret d’État », regrette le candidat malheureux à la présidentielle.
La « coalition pour la fraude »
Le but de cet ouvrage : briser l' »omerta », dénoncer ce qu’il qualifie de « crime contre la Nation toute entière » et la volonté du peuple, et surtout lever le voile sur ce qu’il nomme la « coalition pour la fraude », composées des principales « institutions républicaines ». Il cite : « la Présidence de la République, gouvernement, parlement et conseil constitutionnel ». Dans son allocution à la presse, Ali Benflis met également en exergue la responsabilité de « l’administration nationale et locale contrainte de promouvoir et de protéger cette [ndlr celle d’Abdelaziz Bouteflika] candidature », ainsi que celles « des puissances de l’argent douteux » et des « médias publics ». L’objectif de cette « coalition pour la fraude », selon Benflis : assurer la pérennité du système rentier en Algérie, qui ne profite, d’après lui, qu’à quelques-uns.