Jamais, depuis l’indépendance du pays en 1962, le débat sur le rôle de l’armée n’a été autant dépassionné. Et ce qui était considéré, jusque-là comme un discours propre à l’opposition gagne désormais les partis du pouvoir.
Les déclarations tenues dimanche par Amar Saidani dans une interview accordée au site TSA, ont de quoi étonner. Car, si l’opposition a souvent demandé d’éloigner l’armée, notamment le DRS, du jeu politique, c’est la première fois qu’un chef de parti au pouvoir – et quel parti ! – fait une telle demande. Amar Saidani, qui connait trop bien les arcanes du système, s’est donc lancé dans une diatribe pour le moins étonnante : le secrétaire général du FLN s’attaque, de manière absolument inhabituelle, au DRS. Il estime que les services de renseignement ne sont même pas une institution. Le DRS n’est qu’un «service qui dépend du ministère de la Défense », dit-il. De point de vue strictement institutionnel, Amar Saidani n’a pas tort. Mais les faits prouvent le contraire. C’est ce que Saidani veut justement éviter au pays.
Saidani n’est pas le seul responsable du pouvoir à s’attaquer à l’armée. Le président de l’APN, Mohamed-Larbi Ould-Khelifa est allé, lui aussi, à demander « une réforme su service national ». Il est vrai que l’ancien président de l’Académie de la langue arabe n’est pas allé plus loin que le secrétaire général du FLN, mais le fait d’aborder ce sujet est en soi un message en direction d’une institution qui est à la fois aimée, crainte et, parfois, décriée.
Cela fait des décennies que des pans entiers de l’opposition réclament la dissolution de « la police politique » ou tout au moins réduire l’impact du DRS sur la vie publique. Car, selon plusieurs partis de l’opposition, les agents des services secrets sont partout : dans les assemblées, les partis politiques, les associations et même dans les amphithéâtres des universités. Mythe ou réalité ? Certains estiment en effet que les opposants exagèrent le rôle du DRS. Mais Saidani vient de confirmer que « des agents du DRS se trouvent dans les communes » et que ce sont eux qui font des enquêtes d’habilitation en lieu et place de la justice. Selon lui, le chef de l’Etat œuvre dans le sens de « fonder un Etat civil » où l’armée ne sera qu’une institution parmi tant d’autres. Bouteflika ira-t-il jusqu’au bout de sa logique ?
Essaïd Wakli