Ghardaïa brûle à nouveau. Depuis samedi soir, de nouveaux affrontements ont éclaté dans plusieurs quartiers mozabites et malékites. Les autorités locales reconnaissent cette fois-ci le danger de la situation et révèlent des chiffres qui font froid dans le dos : « 35 personnes dont 17 policiers ont été soignés à l’hôpital de Ghardaïa, depuis la reprise des heurts samedi soir », a fait savoir Abdelbaki Bouhafs, le directeur de la santé de cette wilaya située à plus de 600 Km au sud d’Alger.
Ce haut responsable a reconnu aussi, dans une déclaration à l’AFP, que plus de 400 blessés ont été déplorés depuis le mois de décembre dernier. A ces blessés, il faut ajouter des centaines de maisons et de magasins brûlés dans ce site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. La situation est donc de plus en plus ingérable et préoccupante. A moins de dix jours de l’élection présidentielle du 17 avril prochain, les habitants de la région vivent dans un climat de panique et de peur très palpable. Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Pour Hamou Mesbah, membre de la Cellule de coordination et de suivi des événements de Ghardaïa, une instance créée par des acteurs de la société civile de la vallée du M’zab, la situation à Ghardaïa ne relève plus d’une « crise sociale ». « Ce ne sont pas des revendications sociales qui sont à l’origine des affrontements de Ghardaïa. Aujourd’hui, nous payons clairement la facture de cette guerre de clans qui oppose la Présidence au DRS. Nous payons la facture de cette élection présidentielle qui exploite Ghardaïa pour des fins politiques », confie notre interlocuteur selon qui les événements à Ghardaïa n’auraient jamais pu dégénérer s’il n’y avait pas cette lutte d’influence entre les deux têtes pensantes du régime algérien. Une lutte qui a pris naissance depuis le lancement officieux de la campagne électorale pour l’élection présidentielle.
« Si ces violences étaient provoquées par de simples problèmes sociaux, il aurait été facile de les juguler. Mais là, Ghardaïa est devenue une caserne en état de guerre. A n’importe quel moment, des affrontements peuvent éclater. Depuis que cette guerre des clans est devenue publique dans les médias, Ghardaïa s’est encore enfoncée dans la crise« , explique Hamou Mesbah qui est également le Président du bureau du FFS, un parti de l’opposition, à Ghardaïa.
Ce notable et connaisseur de la vallée du M’zab dénonce également le poids des réseaux mafieux notamment les barons de la drogue et les entrepreneurs qui détournent les projets des infrastructures publiques. « Ces gens-là n’ont pas intérêt à ce que le calme revienne à Ghardaïa. En juillet dernier, dés qu’ils ont entendu parler d’une commission d’enquête dépêchée dans la région, ils ont envoyé leurs troupes pour brûler l’archive de la trésorerie de la wilaya », accuse Hamou Mesbah qui table sur un retour progressif au calme juste après l’élection présidentielle. En attendant, Ghardaïa continuera de servir de ring aux boxeurs des clans en lutte pour le pouvoir en Algérie.
« Si les autorités n’étaient pas réellement divisées par cette guerre clanique, il aurait été facile d’arrêter les coupables impliqués dans le déclenchement des affrontements. On reconnait nettement leurs visages dans les vidéos réalisées par des citoyens à Ghardaïa et diffusées sur internet », assure enfin Hamou Mesbah.