Élue capitale méditerranéenne de la lutte pour la préservation de l’environnent, Oran s’est transformée en laboratoire pour un projet-pilote de tri sélectif des déchets. À la conception, l’équipe de R20 Med, l’ONG écologique fondée par Arnold Schwarzenegger. Objectif à plus long terme : remédier à l’envahissement des déchets ménagers en Algérie.
Les habitants des quartiers de Haï Akid Lotfi et de la Cité des 1.377 logements AADL d’Oran ne sont pas les pionniers, mais certainement parmi les plus assidus en Algérie. Depuis fin avril dernier, ils prennent la peine de trier leurs déchets : dans les conteneurs verts, les déchets organiques; dans les gris au couvercle jaune, les déchets recyclables. En tout, 70 poubelles collectives ont été installées dans ces deux nouveaux quartiers de la ville d’Oran par l’organisation non-gouvernementale R20 Regions for Climate Action, fondée en 2010 par l’acteur et ex-gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, qui a ouvert son bureau méditerranéen dans la deuxième ville d’Algérie en juin 2013.
Bien qu’il soit prématuré pour évaluer l’impact de ce projet-pilote, l’ONG écologique estime que les premiers résultats sont encourageants. « L’un des indicateurs, qui nous permet de savoir si le projet est en train de réussir, c’est la quantité de déchets relevés dans chaque bac. Dans les poubelles grises, on a pu récolter jusqu’à 90% de déchets recyclables », se réjouit Anes Houari, responsable de la communication de R20 Med, la deuxième équipe la plus importante au monde de l’association créée par Schwarzy. Il rappelle : « R20 Med intervient sur trois thématiques, à savoir, l’économie d’énergie, le développement durable et la valorisation des déchets, qui comprend le recyclage, le compostage et le tri sélectif. Nous sommes encore au stade de l’étude sauf pour le tri sélectif qui notre premier projet ».
L’équipe de R20 Med n’est pas la première à investir ce créneau en Algérie. L’Agence nationale des Déchets (AND), établie par décret exécutif en 2002, sous la tutelle du ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, a cherché à optimiser la collecte des déchets par un système de collecte sélective dans le but de pallier la fermeture des décharges saturées. Entre 2008 et 2014, l’opération a été étendue à cinq villes du pays (Staouéli, Djelfa, Annaba, Ghardaïa et Tlemcen). Des expériences de tri sélectif ont également éclos à Tizi Ouzou, l’an passé.
Pédagogie
À Haï Akid Lotfi et la cité AADL, les consultants de R20 Med ont misé sur une approche globale et pédagogique consistant, en premier lieu, à sensibiliser l’ensemble des maillons de la chaîne sur les vertus du tri sélectif. Premier concerné, le wali d’Oran en personne. « Abdelghani Zaalane, qui est également vice-président de R20 Nord-Afrique a joué un rôle central dans le projet. Avant de lancer l’opération auprès des citoyens algériens, nous avons accompagné le wali à plusieurs visites techniques », souligne Anes Houari.
Le projet-pilote de R20 Med a réellement pris forme durant deux journées d’études en septembre dernier, rassemblant « les acteurs impliqués de près ou de loin ». Comprendre, des représentants de la direction environnementale de la wilaya, des APC, de la gendarmerie, de « Oran propreté », la société de ramassage des ordures ainsi que des gérants des Centres d’enfouissement techniques (CET) de la région. « Au terme de ce workshop, on a décidé d’adopter une approche basée sur la formation de relais sur le terrain tant dans les mosquées, les écoles, les comités de quartiers, les gardiens d’immeuble que les femmes de ménages et les jeunes », révèle le cadre de R20 Med. Près de 140 ambassadeurs du tri sélectif ont, par la suite, arpenté les rues des quartiers Haï Akid Lotfi et la cité AADL afin d’inciter les résidents à adopter de nouveaux réflexes. « Nous avons organisé une campagne de porte-à-porte avant de placer les bacs. Sur le principe, le public était favorable et plutôt réceptif mais dans la pratique ça n’a pas toujours été évident », glisse Anes Houari.
Soutien des pouvoirs publics
Trois mois après les débuts prometteurs du projet-pilote de tri sélectif, R20 Med étend son expérience à de nouveaux quartiers d’Oran. Dans la perspective, d’un « déploiement national, puis régional », affirme notre source. Le système embryonnaire de tri des déchets, initié par R20 Med, sera donc prochainement introduit dans trois nouveaux quartiers d’Oran. Et ces lieux n’ont pas été choisis au hasard, explique la direction de R20 Med, qui ne tient pas encore à divulguer le nom de ces quartiers. « Nous avions à l’esprit de tester le tri sélectif dans des quartiers difficiles », confie Anes Houari, avant de souffler : « Ce sera très difficile et cela va prendre plus de temps et d’efforts ». L’association écologique d’Arnold Schwarzenegger a obtenu un soutien de poids à un moment opportun. Le 11 juin dernier, la wilaya a mis en place le comité de suivi du tri sélectif à Oran. Un peu plus tôt dans l’année, les membres de l’APW d’Oran ont voté un budget de 55 millions de DA, destinés à l’achat de conteneurs collectifs. Cette récente prise de conscience des pouvoirs publics est de bonne augure pour le développement du tri sélectif en dehors de la capitale méditerranéenne de la lutte pour la protection de l’environnement.