C’est un scandale qui fait couler beaucoup d’encre. À Tébessa, ville située à l’extrême est du pays, à plus de 500 Km d’Alger, des militants de lutte contre la corruption sont montés au créneau pour dénoncer un député de la wilaya élu sur les listes du Front de libération nationale (FLN) lors des élections législatives de mai 2012.
Un député qui s’apprête à utiliser de l’argent sale pour acheter un siège au comité central du FLN. Le collectif citoyen la Marche nationale de la jeunesse libre pour la dénonciation des cas de corruption à Tébessa accuse le député Djemaï Mohamed de faire pression sur des élus et des responsables politiques de différentes formations (FLN, RND, MSP et TAJ) et de traiter, en plus, avec des trafiquants et des contrebandiers pour leur soustraire la modique somme de 14 milliards de centimes. La somme collectée devrait lui servir à acheter un siège au comité central du FLN (secrétariat national du parti historique). Selon nos interlocuteurs membres de ce collectif citoyen, c’est à l’occasion du prochain congrès du FLN que le député originaire de Tébessa envisage de verser ces pots-de-vin pour s’offrir une nouvelle fonction honorifique, dont le prix s’élèverait à pas moins de 50 milliards de centime, indiquent encore nos sources.
Des pots-de-vin qui proviennent de l’argent sale des trafiquants d’armes qui pullulent au niveau de la région frontalière de la wilaya de Tébessa. Dans une longue lettre adressée à la Présidence de la République, les membres de ce collectif qui milite clandestinement à Tébessa ont révélé également tous les noms des anciens et actuels sénateurs, députés, narcotrafiquants et contrebandiers qui auraient payé des sommes allant de 200 millions à 2 milliards de centimes pour corrompre des responsables locaux ou truquer les urnes lors des élections législatives.
Selon le même document, dont nous détenons une copie, l’actuel député FLN de cette wilaya prélèverait une dîme sur chacun de ses services rendus. « Mohamed Djemaï impose cet impôt à tout individu qu’il avait aidé à occuper un poste de responsabilité », affirment les militants de la lutte contre la corruption. Pour illustrer leur propos, ils citent, à titre d’exemple, « la nomination » d’une certaine M.Z. à la tête du bureau communal de TAJ (parti politique d’Amar Ghoul, actuel ministre des transports) ainsi que plusieurs autres cadres du MSP et du RND qui travaillent tous sous les commandes de ce cacique du FLN. Mohamed Djemaï serait même un baron de la contrebande qui sévit au niveau de la frontière algéro-tunisienne, accusent ses détracteurs. Le collectif affirme aussi que le « député corrompu » se prévaut de liens qu’il aurait entretenus avec de « hauts responsables du FLN et des puissants personnages de l’État » pour asseoir son influence à Tébessa. Ainsi, il aurait avoué à ses proches qu’un festin à l’honneur de ces personnalités d’ « en haut » lui coûte 800 millions de centimes ». «Il leur aurait même juré être en contact direct avec le frère cadet et conseiller du président, Saïd Bouteflika », dénonce un membre de la Marche nationale de la jeunesse libre pour la dénonciation des cas de corruption à Tébessa.
Contacté à ce sujet, le chargé de la communication au FLN, Saïd Bouhadja, affirme que la direction du parti n’a jamais été saisie à propos de ces accusations qui sont considérées par cet interlocuteur comme nulles et non avenues. « Ces accusations ne sont pas fondées. Nous n’avons pas été saisis, la justice non plus. Encore moins le SG ou le président de l’APN », se défend-t-il.
Contacté à son tour, un activiste membre du collectif à l’origine de ces révélations fracassantes, dénonce, sous le sceau de l’anonymat, les pressions et les menaces que lui et ses compagnons subissent depuis qu’ils ont osé porter sur la place publique ces informations sensibles. Quant aux autorités civiles et sécuritaires locales, nos interlocuteurs militants en faveur de la lutte contre la corruption estiment qu’elles «protègent ces puissants criminels ». Ils en veulent pour preuve « le kidnapping de leur camarade Messaoud Zoghlami le 7 mai dernier, et sa séquestration pendant 6h, voire jusqu’à 10h». Contacté par nos soins, Messaoud Zoghlami a confirmé cette information. Il explique qu’ « on a refusé d’enregistrer ma plainte contre X au niveau du commissariat (la 1re) de la ville de Tébessa, malgré les efforts de certains agents honnêtes qui m’ont affiché leur soutien ». Ainsi, les activistes de Tébessa lancent un véritable SOS à l’adresse des pouvoirs publics, des organisations de défense des droits de l’Homme et de tous les militants de la démocratie afin de les soutenir et de leur assurer une protection. Ils se disent « prêts à témoigner devant la justice si on nous assure notre sécurité et celle de nos familles ».
Soulignons enfin que nous avons tenté à maintes reprises de joindre le député Djemaîï Mohamed. Ce dernier était injoignable durant toute la journée d’hier.
Abdou Semmar et Yacine Omar