Le slogan « sama3 sotek »/ Incompétence criante au ministère de l’Intérieur

Redaction

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S’il y une affaire liée au support publicitaire parrainé par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales en rapport avec les élections législatives du 4 mai prochain, c’est qu’il y a une défaillance dans la stratégie de communication devant accompagner le processus de préparation de cet événement combien important et décisif pour l’Algérie. Comment peut-on ambitionner une forte participation aux élections lorsqu’on y accorde si peu d’importance aux techniques de la communication d’autant que les budgets et les moyens alloués aux élections ont toujours été importants ?

Quand on connait son pays et quand on y réfléchit attentivement, les mauvais scénario sont prévisibles tels les scandales liés aux choix des candidats, les craintes de l’abstention, les dénigrements, les réactions négatives des réseaux sociaux et toute la subversion qui peut en résulter. Pour cela, la question est de savoir si le Ministère de l’Intérieur s’y était bien préparé. Y a-t-il un comité de préparation ? Quelle est la place de la communication dans l’organisation des élections ? Y’a-t-il eu une réflexion en amont initiée par des spécialistes de la communication? Existe-t-il une structure de communication chargée de confectionner une stratégie, un dispositif ou un plan en la matière pour accompagner un événement stratégique?

La manière avec laquelle est conçu le slogan «sama3 sotek» et le mode opératoire exécuté pour réaliser l’affiche de campagne confirment l’absence de toute compétence communicative au sein du département de l’Intérieur.

Examinons le slogan «sama3 sotek» qui veut dire «fais entendre ta voix», une phrase, assez courte, qui a pour but d’être retenu facilement par les citoyens algériens qui le lisent ou qui l’entendent et qui consistent à associer l’acte de voter (objet du slogan) à des images positives qui inciteraient ces  citoyens à participer en masse au scrutin.

Le slogan de campagne est très important dans une communication politique, mais il perd sa force s’il n’est pas accompagné de mots soigneusement choisis. Il n’est pas créé pour être un simple accessoire. Le but est d’attirer l’attention par un ou plusieurs aspects du comportement citoyen. Pour une campagne politique, il fait partie du « jeu » de la séduction ; et dans la séduction, il faut toucher les émotions et l’imagination. Qu’un slogan consiste en 2 mots ou en 10, le plus important est qu’il donne une émotion, peut être devient il mémorable, et suscitera l’adhésion escomptée.

N’est pas créatif qui veut. Et trouver un slogan de campagne peut s’avérer parfois plus difficile qu’on ne le pense. Il ne s’invente ni en famille, ni avec sa fille et encore moins avec l’infographe de l’ami. Le slogan est une formule synthétique et percutante, qui est puisé dans l’imaginaire populaire du moment, résume le message, caractérise le comportement ou l’information. Sa formulation est soigneusement travaillée et répond souvent à des formes de construction techniques et bien identifiées. S‘il se construit au pif et si sa conceptualisation n’est pas confiée aux spécialistes, il porte confusion.

Tout d’abord, ce slogan, «sama3 sotek»,  s’adresse à l’autre. Il y a une séparation entre l’auteur du slogan et son récepteur. On s’adresse à l’électeur comme s’il était différent (opposition toi / moi, nous/vous). «Sama3 sotek» est entonné, ici, comme un ordre émanant d’une autorité s’adressant à un sujet ou comme à un élève assis au fond de son rang n’arrivant pas à répondre à son maître. Or l’autorité ne suscite jamais l’adhésion et le citoyen aurait l’impression d’être sommé à exécuter un acte sensé émaner du libre exercice du droit de vote. Ça porte confusion. « Faisons entendre notre voix » aurait déjà été meilleur.

Par ailleurs, peut-on demander à un algérien de faire entendre sa voix quand il n’a jamais cessé de la crier auprès des pouvoirs publics, face aux décideurs, devant les microphones des médias, dans les stades, lors des émissions télévisées et même quand il vend à la criée dans les ruelles des quartiers populaires? Alors, les algériens sont-ils assez sourds ou parlent ils très forts ? Veut-on que les algériens  deviennent audibles lorsque la surdité de l’auteur du slogan est décriée, durant des décennies,  avec un ton empreint de colère. Ça porte confusion.

Peut-être que l’auteur du slogan aurait voulu séduire non pas l’opinion mais l’auteur d’une autre célèbre expression en le parodiant par une figure de style (ellipse dans le jargon des publicitaires) consistant à omettre « Ya Baa ». Vu le fonctionnement du cerveau et sa réceptivité aux messages subliminaux, le slogan aurait sonné dans l’esprit des citoyens comme «sama3 sotek ya baa». La réponse n’a pas tardé à venir dans les réseaux sociaux et la répartie populaire a été cinglante : « Ebda Brouhek » (commence par toi-même). Ça porte confusion.

L’exemple du spot et du slogan « Chkoun Hna » où Mahrez, après la défaite contre la Tunisie, est parodié sur les réseaux sociaux par certains médias en ligne, qui ont transformé ce message de victoire en message de défaite: « Chkoun hna …lI Dji Yrbahna » (Celui qui vient nous bat en compétition), devait faire réfléchir à deux fois avant de lancer une campagne pour un événement si important pour notre pays.

S’agissant de l’affiche, de sa confection par un infographe, des personnages y figurant et de sa diffusion par l’ANEP, c’est un travail en aval d’un autre processus lourd  de recherche, de création et de production confié à un spécialiste ou une agence spécialisée. Que l’infographe ait puisé ses templates (modèles) dans des banques d’images, cela est compréhensible pour des organisations commerciales mais pas pour une institution gouvernementale dont le rôle est de garantir le bon déroulement des élections et non pas réparer des préjudices ou subir l’anathème des réseaux sociaux. L’Expression dans son édition du 20 mars 2017 a noté : « Au moins quatre des cinq personnes sur les différentes affiches sont des modèles étrangers, travaillant pour des agences basées un peu partout», c’est une véritable honte, voire une humiliation de trop! ».

Le Ministère de l’Intérieur et des collectivités Locales aurait mieux fait d’engager une agence spécialisée dans le casting qui serait chargée de dénicher parmi la population les personnages adéquats selon des critères de beauté, de représentativité et surtout de moralité, sous décharge et autorisation. Beaucoup se seraient rués sans gêne vers les organisateurs et auraient participé volontiers à cette louable action.

Suite au buzz dans les réseaux sociaux concernant l’affaire des affiches et vu les « proportions surdimensionnées à un moment où les efforts sont concentrés sur les préparatifs du prochain scrutin, selon M. Bedoui, celui-ci  a engagé une commission d’enquête pour déterminer les raisons et les mobiles qui ont amené l’agence commerciale qui a conçu le support en question à recourir aux choix des images de personnes qui n’ont aucune appartenance au pays.

Mais à quoi sert une commission d’enquête si l’infographe de l’affiche, qui n’a pas été chargé du casting, n’a reçu des services de l’Intérieur ni charte graphique ni orientation précise ? Que peut-elle déterminer lorsque  la composition graphique, après quelques épreuves numériques, ait été validée par le Ministre lui-même ou par quelques membres de son cabinet et même pas son responsable de communication ? Dans ce métier tout producteur graphique exige une validation afin d’assurer qu’il est conforme aux souhaits du client en termes de colorimétrie, de placement des textes et images et que le document ne comporte ni fautes d’orthographe, ni fautes de typographie. Il fournira donc une épreuve qui servira à une ultime relecture mais aussi de contrat entre le prestataire et le client, c’est le fameux bon à tirer (BAT). Cette commission d’enquête et, donc, ses réponses empêchent la campagne de s’inscrire dans la dynamique collective souhaitée par le Ministre de l’intérieur. Ça rajoute encore une autre confusion.

Si le Ministre estime que la sensibilisation au sujet de l’importance de  ces élections constitue un facteur fondamental et que ces élections constituent une étape importante à l’effet de préserver la sécurité et la stabilité de l’Algérie, il aurait dû baser son dispositif sur une stratégie cohérente pour construire des actions de communication  qui font sens auprès des citoyens algériens et ne pas tomber dans ces erreurs d’amateur énoncées ci haut ; car, en faisant le choix de ne pas intégrer la fonction communication dans son top management et de recruter des journalistes pour seulement quêter une visibilité pour soi dans les primes times de télévision, il s’inscrirait de facto dans le mauvais déroulement des élections législatives.

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