Ces 15 et 16 Novembre a lieu la 10ème édition du « Groupe des 20 », cette année à Ankara en Turquie. Les leaders des principales puissances économiques mondiales sont donc arrivés hier en Turquie, et les enjeux politiques qui font suite aux attentats de Paris sont au centre de toutes les discussions.
Paradoxalement, le sommet, dont les précédentes éditions se focalisaient généralement sur des questions économiques, devait être le lieu pour aborder la crise des réfugiés en Europe, crise qui va être exacerbée par la critique des leaders populistes européens, qui cherchent à mettre en avant la responsabilité de l’immigration dans les actes terroristes que les français ont subi durant toute cette année 2015.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce sommet de deux jours amène toutes ces personnalités politiques à moins de 500 kilomètres de la Syrie, dont le conflit civil, qui dure depuis plus de 4 ans, a eu des conséquences politiques majeures pour l’Europe, que ce soit à travers la crise des réfugiés syriens et le plus grand afflux d’immigrants depuis la seconde guerre mondiale, ou à travers l’expansion de l’Etat Islamique dont on sait depuis quelques temps les capacités de nuisance.
Les attentats de Paris ont donc le maigre avantage de mettre un peu de pression sur ces leaders politiques pour enfin trouver un accord sur une coalition possible contre l’EI. En simplifiant, on peut trouver deux principaux camps, qui doivent trouver un compromis pour qu’une coalition devienne réalisable.
Deux lignes et une coalition?
D’un côté la France et les américains, qui sont sur une ligne anti-Asad, et de l’autre les russes, qui cherchent à maintenir le régime d’Asad tout en limitant quand même un peu l’expansion de l’EI. Alors qu’Asad représente un dictateur violent pour les uns, c’est un président élu et légitime pour les russes, qui aurait donc le droit d’être impliqué dans le processus de transition politique. Comment accorder ces deux lignes ?
Pour le général Dominique Trinquand, interviewé hier soir sur les plateaux de France 24, tout se jouera quand Moscou acceptera que l’Etat syrien se dirige vers un gouvernement de transition. Et pour cela, on peut imaginer que Poutine exigera que Bachar el-Asad fasse parti de celui-ci. Dans cette perspective, Paris et Washington accepteraient qu’Asad ait un rôle dans la transition politique syrienne, et les russes se mettraient à enfin attaquer des cibles concrètes de l’EI.
La stratégie russe est depuis le début du conflit plutôt bien définie. Les alliés de Poutine dans la région sont clairs, Moscou discute sans problème avec Téhéran, soutient Asad et appuie les forces au sol. C’est en revanche beaucoup moins clair du côté de l’autre ligne, même si on sait que les américains soutiennent les peshmerga kurdes, et que les évènements actuels vont mettre un peu de lumière sur les intentions de tous ces acteurs.
D’après les éléments de langage de la Maison Blanche, c’est donc bien vers ce type d’accord que la coalition risque de se diriger. Dimanche, lors d’un aparté en marge du sommet, pendant plus de 30 minutes, les président américains et russes se seraient accordés sur les besoins d’une transition politique dirigée par et pour les syriens, qui seraient dès lors suivies par des négociations encadrées par l’ONU entre l’opposition syrienne et le régime, ainsi que par un cessez-le-feu. Un accord entre différentes puissances occidentales serait donc en cours pour mener un front militaire commun sous l’égide de l’ONU.
Bombardement français, et russes?
Depuis dimanche, la France bombarde les alentours de la ville de Raqqa avec intensité. Entre 20 et 30 frappes auraient été opérées par 10 chasseurs français, même si ces frappes s’inscrivent depuis le début dans le cadre d’une plus large coalition. Le chercheur Romain Caillet, sur twitter, indique qu’aucun civil n’aurait été touché par ces bombardements, d’après les sources des militants anti-EI présents sur place. D’après l’AFP, le premier objectif détruit était utilisé « comme poste de commandement, centre de recrutement jihadiste et dépôt d’armes et de munitions ».
Les appareils seraient partis de bases situées dans les Emirats Arabes Unis et en Jordanie, pays amis des Etats-Unis. Si l’ampleur de ces frappes françaises est jusqu’ici inégalé, marquant la fermeté française après les attentats de Paris, elles s’installent dans la continuité des frappes prenant place contre l’EI depuis Septembre.
Parallèlement à celles-ci, d’autres sources indiquent que des positions de l’EI auraient été frappées par des hélicoptères dans le Qalamoun occidental, près du Liban. Sur twitter, les sources de Romain Caillet et d’AlMayadeenLive indiquent que ces hélicoptères sont certainement russes.
Ces ripostes se feraient dans une atmosphère de « guerre » que certains diplomates regrettent. Dominique de Villepin, l’ancien premier ministre français, qui s’était alors, avec Jacques Chirac, opposé à la guerre en Irak en 2003, refuse d’employer ce terme guerrier qui fait le jeu de l’EI : « c’est le piège qui nous est tendu […] je ne reprends pas l’idée de guerre car je ne veux pas faire le jeu des terroristes », expliqua t-il dimanche au Figaro. Favorable à un accord diplomatique en Syrie, avant d’être militaire, l’ancien ministre des affaires étrangères aimerait que la France retrouve « son rôle de médiation » afin de proposer « une position d’équilibre » pour un accord en Syrie.
Les discussions en cours avec la Russie prêchent pour un certain optimisme à cet égard, et un compromis sera certainement trouvé sur ces questions à l’issue du sommet. En espérant qu’un esprit « diplomatique » maintienne son cap.
Tarek S.W.