C’est un autre projet gigantesque qui va coûter à l’Algérie plus de 500 millions de dollars. Un projet qui devait offrir à l’Algérie un nouveau Palais des Nations pour abriter des manifestations internationales. Ceci dit, ce projet gigantesque comporte de nombreuses zones d’ombre. Son budget paraît nettement exagéré d’autant que ce futur centre abritera de nombreux équipements et bâtiments dont l’utilité et la rentabilité ne sont guère garanties.
Ce grand projet soulève effectivement de nombreuses questions. Alors qu’il devait être réceptionné le 30 novembre 2013, les travaux ne sont toujours pas finis même s’il ne reste que les dernières retouches à terminer d’après plusieurs sources concordantes. Mais le plus étrange est que ce nouveau Centre International des Conférences de Club des Pins affiche un luxe déconcertant. Jugez-en par vous même : une immense superficie de 270 000m², un bâtiment principal (120.000m²), un bâtiment de service (27.000m²) et une salle auditorium avec une capacité d’accueil de 6.000 places, une autre salle de conférences regroupant un espace assemblée (705 places), un autre pour les conférences (270 places) et une dernière pour les banquets (450 places). Le projet compte également une salle de conférence polyvalente (705 places), un salon d’honneur, bâti sur 2.900m², une zone pour les chefs d’Etat (1.900 m2), et une autre pour les délégations (15.000m²). Il est notamment prévu dans ce projet un espace spécial pour la presse, bâti sur 1050m². Il a une capacité de 110 places et comprend 2 salons, 4 studios de radios et 4 studios de télévision. En plus de tout cela, ce nouveau centre des Conférence comportera un espace exposition, bâti sur 15.000m², une Fondation du centre comportant une bibliothèque et des salles multimédias et de recherches ainsi qu’une salle de banquet de 2.500 places et des restaurants d’une capacité de 3.400 places.
Un véritable méga-projet d’après le descriptif dont l’étude a été réalisée par une entreprise italienne « Fabrice et partenaires ARCHITETTI ». Mais toute cette grandeur et tout cet étalage de luxe sont-ils réellement justifiés ? Fallait-il dépenser 500 millions de dollars, une somme considérable, dans un projet dont on ignore encore l’impact économique et politique sur le développement du pays ? Ces questions se posent avec acuité surtout lorsque nous avons appris que les ingénieurs étrangers qui ont travaillé sur ce projet ont exprimé leur grand étonnement face à la majesté d’un tel chantier. les cadres expatriés qui ont travaillé sur ce projet avec des entreprises françaises ou italiennes ont expliqué à Algérie-Focus que de nombreux aménagements et équipements commandés sont un luxe dont l’Algérie pourrait se passer. A titre d’exemple, les 4 studios de radios et 4 studios de télévision installés dans l’espace presse de ce centre des conférences risquent de ne jamais être utilisés à 100 % de leur capacité. Aucune étude préalable n’a été réalisée pour expliquer la nécessité de doter l’espace presse de plusieurs studios.
Des montants considérables, atteignant facilement les 4 millions d’euros, ont été accordés aussi pour s’offrir des systèmes de production vidéo. Ainsi, l’entreprise italienne Mediacom Digital Evolution »s’est adjugée la commande relative au projet et de fourniture comme sub-contractors du CIC Centro Congressi Internazionale d’Alger, d’une valeur considérable », explique-t-elle sur son site internet.
« Dans le CIC ont été prévues des installations de production vidéo de standard broadcast hd pour garantir la plus haute qualité du signal possible. Egalement le work-flow de chaque salle du centre, de la plus petite à la plus grande, a été projeté comme un studio de télévision. L’infrastructure du CIC est en fibre optique à étoile avec tout point salle/studio conjoint et avec un master control room pour la gestion et le contrôle des signaux du centre tout entier », nous explique encore cette société. Combien de fois seront utilisés tous ces systèmes sophistiqués ? Combien d’événements internationaux va abriter Alger dans ce centre des Conférences pour amortir l’investissement débloqué pour tous ces équipements ? Plusieurs salles, de nombreux bâtiments, des espaces différents, plusieurs sources proches de ce dossier, contactées par nos soins, expriment aussi leur inquiétude et s’interrogent : « les montants de ce projet sont réellement exagérés par rapport aux besoins de cet édifice ». Dans ce contexte, aucune de nos sources n’écarte des soupçons de corruption ou des manoeuvres de surfacturation qui permettent de toucher des pots-de-vin. D’autant plus qu’aucun contrôle de la Cour des Comptes ni celui d’une commission parlementaire n’explique le bien-fondé de toutes ces dépenses.
D’ailleurs, à l’étranger, pour des sommes beaucoup moins importantes, des pays se sont offerts des Palais de Congrès impressionnants et modernes. A titre de comparaison, en France, à Rennes, il a suffi d’un budget de 74,9 millions d’euros pour construire un Centre des Congrès qui va accueillir 400 manifestations professionnelles. Avec un budget dix fois inférieur à celui de notre Centre des Conférences à Alger, Rennes s’offre un Palais hyper-moderne qui donne « l’impression que le couvent est en suspension au-dessus du sol » !
A Metz, une autre ville dynamique en France, un nouveau Palais des Congrès est aussi en cours de construction. Des auditoriums, des halls d’exposition, des salles de conférences, restaurants et tout le reste, ce futur Palais devra accueillir au moins 200 événements par an. Et le budget du futur Centre des Congrès de Metz s’élève à peine à 70 millions d’euros et englobe tous les frais, dont l’acquisition du terrain. Chez nos voisins, des Palais de Congrès élégants ont été construits aussi avec beaucoup moins d’argent. Pour preuve, au Maroc, dans la très touristique Marrakech devenue un lieu d’affaires en Afrique du nord, 120 millions d’euros ont suffi pour construire le Mogador Palace Conference & Exhibition Center. Ce palais conforme aux standards internationaux est doté lui aussi « des dernières technologies de pointe en matière de sons et lumières ».
Pourquoi l’Algérie a donc dépensé beaucoup plus d’argent que de nombreuses agglomérations en France et le Maroc pour construire un Centre des Conférences qui risque de n’accueillir qu’une dizaine d’événements internationaux, voire moins ? N’y-a-t-il donc pas anguille sous roche ?