L’ancien ministre de la Défense nationale, le général à la retraite, Khaled Nezzar a lancé un défi à la justice et à ses détracteurs. Il s’est dit prêt à rendre des comptes et affronter un tribunal pour s’expliquer sur la crise des années 90.
Khaled Nezzar a affirmé tout haut qu’il n’avait rien à se reprocher et a disculpé les généraux de toute responsabilité dans les violences des années 90. Il a également minimisé le bilan des victimes de la décennie noire. L’homme a parlé sur un ton franc et n’avait donc pas peur de la vérité. Or, qui détient cette vérité ? Aucun procès n’a pu être organisé en Algérie pour comprendre les véritables dessous de cette décennie dont les traumatismes ne se sont toujours pas estompés dans la société. Aucun travail de mémoire n’a non plus été entamé.
Le défi de Khaled Nezzar constitue donc une précieuse opportunité pour exiger des explications aux protagonistes de cette crise. Ceci dit, si l’ex ministre de la Défense nationale parle si sereinement de son implication et de son rôle controversé pendant cette décennie, c’est pour la simple raison qu’il se cache derrière le fameux article 45 du 6e chapitre de la réconciliation nationale.
Cet article indique clairement qu' »aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la Nation et de la préservation des institutions de la République algérienne démocratique et populaire. Toute dénonciation ou plainte doit être déclarée irrecevable par l’autorité judiciaire compétente. »
En clair, personne en Algérie ne peut déposer plainte contre Khaled Nezzar, ou un autre haut gradé de l’armée algérienne de l’époque. Personne ne peut traîner devant les tribunaux ces décideurs militaires qui commencent, pourtant, aujourd’hui à parler ouvertement et à révéler des vérités. Ces confessions suscitent des frustrations puisque la justice demeure paralysée et ne peut ouvrir ce chapitre comme cela fut le cas en Espagne, par exemple, où les tribunaux se sont emparés des tragédies de la période franquiste. En dépit de toutes les difficultés d’ordre juridique et politique, des juges espagnols ont pu déclencher des enquêtes concernant les personnes disparues et ensevelies dans des fosses communes pendant la guerre civile (1936-1939).
Une telle initiative ne serait possible en Algérie que si l’article 45 de la charte pour la réconciliation est abrogé. Le Chef de l’Etat devrait mettre ce levier juridique à la disposition des magistrats pour leur permettre d’organiser des procès au cours desquels le général Khaled Nezzar et consorts pourraient rendre compte de leur action dans les années 90. Mais malheureusement, au sommet de la pyramide, personne ne veut enclencher ce levier. La vérité dérange toujours en Algérie. Et les victimes des années 90 devront encore prendre leur mal en patience.