Pour la première fois depuis quinze ans, Saïd Bouteflika, le frère cadet du président de la République, sort de son silence. Le conseiller spécial du chef de l’Etat réagit à une lettre que lui a envoyée Hichem Aboud, ancien agent des services secrets, le DRS. Ce dernier interroge Saïd Bouteflika à propos de ses tendances sexuelles et de supposées affaires de corruption.
Dans une déclaration au site «Tout sur l’Algérie », le frère du chef de l’Etat juge « inacceptables » les accusations que porte cette lettre. « Les accusations portées dans cette lettre sont tellement graves qu’elles ne touchent plus uniquement à ma personne, mais portent atteinte à tout un peuple qui n’accepterait pas que le frère du Président puisse avoir de tels comportements ». « Je ne vais pas me taire et je vais porter plainte contre Hicham Aboud que j’ai jamais eu à connaître ». « Je n’ai pas à lui répondre et je considère qu’il est comptable devant le peuple algérien », a-t-il dit.
Au-delà de ces déclarations, la sortie de Saïd Bouteflika constitue, en elle-même, une première. Car, en plus d’être civilement frère du chef de l’Etat, Saïd Bouteflika est le conseiller spécial du président de la République ; une fonction qui n’a jamais été officiellement notifiée. Saïd Bouteflika a été désigné par un décret non publiable. De par cette fonction, le frère du chef de l’Etat a réussi à acquérir une influence incroyable sur les appareils de l’Etat. Cette influence s’est accrue depuis la maladie de son frère, d’abord en 2005, puis plus récemment.
Ce qui est étrange, c’est que l’homme, ancien syndicaliste à l’Université de Beb-Ezzouar, n’a jamais pris de position publiquement. Pourtant, les accusations ne manquent pas. Et la vox populi prête à l’homme un pouvoir de faiseur de rois dans le pays. Qu’est-ce qui a changé donc cette fois-ci ? L’élection présidentielle qui est prévue le 17 avril prochain est-elle une donne qui a amené le frère du Président à rompre avec sa discrétion légendaire ? Cherche-t-il à exploiter politiquement ses graves accusations pour les retourner en sa faveur ? A toutes ces questions, Said Bouteflika ne fournit aucune réponse précise.
Mais sa sortie médiatique a eu le mérite de nous éclairer davantage sur le clash qui oppose la Présidence de la République et une partie des officers du DRS. Indirectement, Saïd Bouteflika a réussi à se faire passer pour la victime contre laquelle des anciens du DRS s’acharnent. Une victime qui tente de protéger son honneur et sa dignité en prenant les Algéries à témoin dans cette sale guerre. En réclamant justice, Saïd Bouteflika a rendu public les complots qui se trament dans les coulisses du régime algérien. Tel un chevalier des temps modernes qui prend la « démilitarisation » de l’Algérie à bras le corps, voici l’image que veut nous donner Saïd Bouteflika du clan présidentiel à deux mois de l’élection présidentielle. Est-ce pour cette raison qu’il a accepté de rendre public ces graves allégations de dépravation sexuelle et de corruption ? C’est fort probable. Notons enfin que toutes nos tentatives de contacter le concerné pour le faire réagir et recueillir ses explications se sont avérées vaines.
Avec Essaïd Wakli