Portrait. Une Algérienne présidente, le rêve impossible de Louisa Hanoune ?

Redaction

La force de caractère de Louisa Hanoune la menera-t-elle vers El Mouradia ? La candidate déclarée depuis peu, était attendue dans cette course à la présidence après ses deux premières candidatures à la présidentielle. Opposante mais proche du pouvoir, Louisa Hanoune sera-t-elle réellement la candidate qu’il faut craindre ? Portrait.

Rien ne prédestinait cette algérienne originaire des montagnes de Chefka dans la wilaya de Jijel à embrasser une carrière politique et surtout à être le symbole d’une opposition. Louisa Hanoune est née le 7 avril 1954 à  Chefka.  Fille d’un père boulanger et d’une mère au foyer, sa famille vient des montagnes de Jijel. Elle grandit dans un milieu peu instruite et conservatrice, dans laquelle la femme n’est pas née pour suivre des études. Pourtant elle défie sa famille et devient la première femme dans son cercle familial à faire des études supérieures après l’obtention de son bac. Elle entame des études de droit à l’Université de Annaba, et y décroche une licence de droit. Ce sont ces mêmes études qui la mèneront vers un parcours militant alors que l’Algérie vit ses premières années post-indépendance.

Elle va suivre les différents courants militants des années 1970, à commencer par  l’Organisation socialiste des travailleurs (OST), un groupe clandestin de la mouvance trostskiste. Elle fonde également l’Association pour l’égalité devant la loi entre les femmes et les hommes en 1989 et en devient la présidente. Son premier combat sera la lutte contre les dispositions injustes du Code de la famille. Toutefois son passé militant lui a valu des expériences difficiles, notamment des peines de prison puisque elle est arrêtée en 1983 et passe six mois en prison pour son appartenance à l’OST.

Femme politique : un style est né

Aguerrie, Louisa Hanoune ne recule pas dans son engagement, au contraire, mais elle s’engage encore plus dans le militantisme et décide de devenir actrice plutôt que dénonciatrice. Elle s’engage alors en politique et devient l’un des fondateurs du Parti des Travailleurs en 1989, dès que le pluralisme politique devient officiel en Algérie. Louisa Hanoune est alors dans un premier temps le porte-parole de ce nouveau parti, avant d’en devenir la secrétaire générale. Ses talents d’oratrices, sa verve sans détours et son courage font d’elle la figure de proue du Parti des Travailleurs (PT) qui deviendra alors l’un des partis de l’opposition les plus importants.  Elle est alors à l’époque la seule femme du monde arabe à diriger un parti politique.

Louisa Hanoune obtiendra sa première fonction politique en 1999 lorsqu’elle est élue députée. Elle briguera à nouveau un mandat de députée en 2007. La carrière politique de « Louisa El Djazaria », comme l’appellent ses militants, prend une autre dimension lorsqu’elle décide de se présenter à l’élection présidentielle. Une petite révolution dans la politique algérienne car elle est la première femme qui candidate à une présidentielle en 2004. Lors de ce scrutin elle obtient 1% des voix, et se lance à nouveau le défi en 2009, une présidentielle où elle recueille 4,22% des voix. Elle avait déjà tenté de se présenter en 1999 mais le Conseil Constitutionnel avait rejeté sa demande à l’époque. Malgré ses échecs en 2004 et en 2009, Louisa Hanoune marque ces élections en allant jusqu’au bout de ce scrutin et en optant pour un discours direct et populaire, dans lequel elle ne mâche pas ses mots. L’islamiste Ali Benhadj dira même d’elle, qu’elle est le « seul homme politique en Algérie. » Abdelaziz Bouteflika, quant à lui, la saluera pour la campagne électorale qu’elle a menée face à lui.

Cette année elle se relance dans la course à la présidence. Après un bref suspense, la patronne du PT a été désignée comme la candidate officielle. Lors de l’annonce de sa candidature, elle a tenu à insister sur les thèmes de prédilection du PT : « Nous défendons jusqu’à la mort les nationalisations, le 49/51%, la préférence nationale et le droit de préemption », a déclaré Louisa Hanoune, ajoutant : “Il faut renforcer l’article 17 de la Constitution sur la propriété collective des Algériens ». Ou encore : « Il faut une véritable réforme agraire, geler l’accord d’association avec l’Union européenne, arrêter le processus d’intégration à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et sortir de la zone arabe de libre échange ».  Dans son nouveau programme, elle met également l’accent sur son combat pour la cause palestinienne, une bataille qui lui tient à cœur depuis ses début en politique.

Louisa Hanoune a toutefois un côté pile et un côté face. Elle fait également parler d’elle avec ses grandes théories du complot, ou ses propositions parfois irréalisables, comme sa volonté de remonter le SMIC à 50.000 dinars, au lieu de 18.000 dinars ou encore son obsession d’une intervention étrangère dans la politique algérienne.

Indépendante mais pas trop

Son expérience politique lui apprend toutefois que défoncer les portes ne lui assureront pas une voie royale dans la politique, Louisa Hanoune opte pour une alternance de style, un discours virulent mais qui ne faune main de fer dans un gant de velours. Ce même style lui a été reproché, car beaucoup d’acteurs politiques estiment toutefois qu’elle a cultivé pendant des années un double discours. Plusieurs observateurs politiques la disent proches du pouvoir, même si la patronne du PT ne cesse de marteler qu’elle est le symbole même de l’opposition en Algérie. Ses participations aux élections sont perçues comme des candidatures pour prouver pluralité d’apparence. Pourtant il y a quelques semaines encore Louisa Hanoune interpellait le président Abdelaziz Bouteflika au sujet de sa participation ou non-participation à l’élection d’avril 2014, en l’exortant de parler aux Algériens. Fausse provocation ?