Que doit faire l’Algérie face à la nouvelle stratégie gazière et énergétique de l’Europe (1)

Redaction

mebtoul1 Comme je l’annonçais début juillet 2009 au niveau national et international, et ayant averti les plus hautes autorités du pays, une nouvelle stratégie gazière et énergétique mondiale se met en place et l’Algérie si elle veut éviter des pertes considérables doit s’y adapter.

En effet, la commission européenne de Bruxelles vient de faire savoir que l’Algérie approvisionnant déjà 10% de l’Europe est déjà un taux élevé et qu’il était souhaitable de ne pas aller au-delà. Et cela n’est pas sans nous rappeler que suite aux décisions du gouvernement algérien courant 2009 de postuler 51 pour cent aux algériens dans tout projet d’investissement et 30 pour cent des parts algériennes dans les sociétés d’import étrangères avec un effet rétroactif , ce qui serait contraire au droit international, la réaction européenne de Catherine ASHTON, commissaire européenne au commerce extérieur qui a demandé dans une correspondance officielle au gouvernement algérien le 12 juin 2009, l’annulation de ces directives récemment dans une correspondance officielle adressée au gouvernement algérien , souhait partagé récemment par les Etats-Unis d’Amérique, invoquant que l’Algérie aurait violé les articles 32, et 37, 39 et 54 de cet Accord, expliquant d’ailleurs le gel de bon nombre d’investissement tant arabes qu’occidentaux, le tout supporté actuellement sur fonds publics, avec une confusion suicidaire entre l’étatisme des années 1970 et l’importance de l’Etat régulateur stratégique en économie de marché. L’argument invoqué est que l’Algérie est dans une instabilité juridique perpétuelle et une faiblesse de la réforme globale allant vers l’économie de marché (l’Algérie venant d’être classée selon les instituts internationaux en juillet 2009 en termes d’ouverture économique la dernière en Afrique) ?

La Coface venant de nous déclasser en termes de risque et que contrairement à ce qui a été rapporté récemment, selon nos informations, la problématique de la dualité du prix du gaz en Algérie n’est pas encore résolu, par l’Europe/USA, qu’il n’y aura pas de révisions des clauses fondamentales de l’Accord et que l’adhésion à l’OMC n’est pas pour demain . Que deviennent donc les projections de Sonatrach qui anticipait plus de 14% horizon 2014 (85 milliards de mètres cubes gazeux) et 20% horizon 2020 en rappelant qu’en 2015 la consommation intérieure sera d’environ 63 milliards de mètres cubes gazeux sur un potentiel de réserves de moins 4500 milliards de mètres cubes gazeux. Mais également ces projets ne limiteraient-elles pas l’influence future de l’Algérie qui a moins de 3% des réserves mondiales malgré les investissements colossaux supportés par l’Algérie, les GNL étant très coûteux, à rentabilité à long terme fonction du vecteur prix trop bas actuellement,( en moyenne 50% par rapport au vecteur prix du pétrole) car on peut découvrir des centaines de gisements gazeux mais non rentables financièrement ( les puits marginaux nécessitant des travaux de canalisation extrêmement coûteux ) car l’important n’est pas la découverte de puits mais l’exploitation à des coûts standards raisonnables et donc quels sont les coûts réels d’exploitation en Algérie ? En effet, le projet Nabucco, vient d’être signé par la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche avec la Turquie (faisant jouer un rôle stratégique à ce pays au niveau des Balkans) le 13 juillet 2009 un accord intergouvernemental, projet destiné à fournir l’Europe en gaz d’Asie centrale et du Moyen-Orient .

D’un coût d’environ de 12 milliards de dollars au cours de juillet 2009, d’une capacité dans une première phase de 31 milliards de mètres cubes gazeux ( 5% de l’approvisionnement de l’Europe) mais pouvant être doublé , voire triplé si des accords sont trouvés pour une connection au réseau principal avec l’Iran (plus de 15% des réserves mondiales supposant la résolution des tensions actuelles qui je le pense sera à l’avenir un allié stratégique de l’Occident ), l’Irak( deuxième exportateur potentiel mondial de pétrole après l’Arabie Saoudite et avec des réserves e gaz importants qui vient de s’ouvrir aux compagnies étrangères), le Qatar ( plus de 10% des réserves mondiales de gaz ) l’Egypte et d’autres pays riverains , devant relier d’ici 2014/2015 la région de la mer Caspienne, le Proche-Orient et l’Egypte à l’Europe en passant par la Turquie sur 3.300km. Ce projet lancé en 2002 avec le soutien de l’UE et des Etats-Unis, répond au souci de l’UE de diversifier ses sources d’approvisionnement énergétique et de réduire sa dépendance envers la Russie , et à celui de Washington de renforcer son influence sur les anciens satellites de l’URSS.

Et pourquoi ne pas imaginer une connection vers l’Asie, la Chine et l’Inde notamment à travers ce réseau sans compter la stratégie de Gazprom si l’Iran et le Qatar notamment jouent le jeu?

II- Une nouvelle politique gazière et énergétique mondiale se dessine horizon 2015/2020

Evitons cette utopie chauviniste des années 1970, et prenons au sérieux ce qui se passe à l’échelle énergétique au niveau mondial horizon 2015/2020 ce qui a un impact sérieux sur notre pays. Certes cette initiative va dans le sens d’amoindrir l’influence russe (25% des approvisionnements de l’Europe 2008/2009 mais est ce que cela sera possible les réserves mondiales de ce pays dépassant les 35%, car à l’opposé de Nabucco, la Russie oppose South Stream, un projet de gazoduc de 900km pour un montant de 6,8 milliards de dollars (4,9 milliards d’euros), soutenu par Gazprom et l’Italien ENI, qui passerait sous la mer Noire pour arriver jusqu’en Bulgarie avant de se diviser pour alimenter les pays européens d’une capacité de 30 milliards de m3.

Comme on ne devra pas oublier les réserves importantes de la Mer Arctique sous réserve des délimitations du territoire. Par ailleurs, le fameux projet de gazoduc Nigeria Europe via Algérie ( Nigal) qui nécessite plus de 10 milliards de dollars toujours en gestion pour le financement au niveau de la commission européenne, du fait des tensions au Nigeria et des pays africains riverains n’est pas pour demain si le géant russe Gazprom voudrait avoir une participation majoritaire, ce qui serait contraire à la nouvelle stratégie européenne. D’ailleurs, le 16 juillet 2009, la commission européenne a affirmé que ce projet n’était pour l’instant plus une priorité. Car dans la pratique des affaires, il n’y a que des intérêts comme le montre les contrats récents signés entre Gazprom et l’Espagne qui voudrait moins dépendre du gaz algérien suite au récent conflit algéro -espagnol, malgré le projet de Medgaz et ayant lancé parallèlement un vaste programme du solaire.

Comme ce rapprochement récent entre la Libye et l’Italie ou plusieurs contrats sont en cours ne rentre t-il pas dans une stratégie pour que l’Italie dépende moins du gaz algérien à travers le gazoduc Galsi ? Ce qui m’amène à poser cette question : les énergies alternatives énergies du futur ? Il semble bien que se met en place progressivement des stratégies alternatives aux hydrocarbures surtout au pétrole, 150 milliards de dollars aux USA, 200 milliards de dollars qui seront débloqués par l’union européenne (sans compter le projet du Sahara de 400 milliards d’euros , soit plus de 550 milliards de dollars ) initié par les allemands (prévision de la couverture de 20% de la demande européenne en électricité ) et ce n’est pas évident que le Sahara algérien soit choisi, du fait d’une absence de stratégie pour le solaire en Algérie alors que le Qatar et certains pays du Moyen Orient mieux doté que l’Algérie en hydrocarbures, viennent de débloquer d’importantes sommes. Car si le coût à court terme est élevé, l’industrialisation (production à grande échelle) réduit à moyen terme les coûts comme cela a été le cas pour les hydrocarbures.

Pour le cours futur du pétrole horizon 2015/2020, il sera fondamentalement déterminé par la nouvelle politique énergétique mondiale dont celles des USA qui sera un gisement important d’investissement et d’emplois , fonction du nouveau défi écologique dont les grands axes seront tracés à la future réunion de Copenhague la fin 2009.

Ainsi, le projet de loi américain pour combattre le réchauffement climatique, activement soutenu par le président Barack Obama, dont le secrétaire d ‘Etat à l’énergie n’est autre que le prix Nobel de physique défenseur des énergies renouvelables,( idem pour l’ex premier ministre polonais qui vient d’être élu en ce mois de juillet 2009 président du parlement européen) a été adopté par les membres de la commission de l’Energie le 20 mai 2009.

Certes, l’Agence internationale de l’énergie évalue dans sa note de mai 2009, à plus de 26.000 milliards de dollars les investissements à réaliser au cours des deux prochaines décennies dans le pétrole et le gaz, ( réserves prouvées à environ 40 ans contre plus de 200 ans pour le charbon dont les techniques du recyclage du CO2 sont mis au point) ) qui devrait assurer 55 % de la demande mondiale d’énergie primaire mais l’AIE raisonnant en termes de modèle de consommation énergétique linéaire, taux qui devrait donc être revu à la baisse en cas d’impacts importants des énergies alternatives.. Il se joue aujourd’hui une partie de bras de fer, (avec le rôle actif des lobbys pétroliers) dont l’issue déterminera à la fois le nouveau modèle de consommation énergétique et les prix de ces matières premières essentielles à l’économie mondiale, pour les années à venir. Mais les investisseurs potentiels à l’instar de l’abandon partiel du charbon pour les hydrocarbures la décennie passée, peuvent anticiper donc sur le nouveau modèle de consommation pouvant assister à un désinvestissement dans ce segment, le pétrole devenant une énergie comme une autre, banalisée, en diminution relative horizon 2020.

En résumé,devant privilégier ses intérêts stratégiques au sein d’un monde en perpétuel mouvement, et dont la crise mondiale actuelle augure de profonds bouleversements géo stratégiques et socio-économiques entre 2015/2020, il appartient donc à l’Algérie d’avoir une vision à moyen et long terme tenant compte des nouvelles mutations mondiales. Sonatrach et Sonelgaz pour ne citer que deux grandes sociétés algériennes doivent se concentrer sur leurs métiers de base en privilégiant le management stratégique en évitant la dispersion, et comme je l’ai recommandé à maintes reprises et de penser à mettre en place un modèle de consommation énergétique. Car il faut éviter l’utopie d’un cours de plus de 100 dollars à l’avenir, car en ce qui concerne le cours réel actuel du pétrole, il faudrait donc déflater par l’inflation mondiale et la dépréciation du dollar, ( idem pour les réserves de change et les bons de trésor libellés en dollars, devant toujours raisonner à prix constants car un cours de 60 dollars en 2009 équivaut à moins de 30 dollars au cours du 01 janvier 2000).

Outre les phénomènes spéculatifs, comme ce fut le cas pour un baril fluctuant entre 120 et 140 dollars, comme valeur refuge comme l’or due à la dépréciation du dollar, bien que n’existe pas une corrélation entre la baisse/hausse du dollar/pétrole à 100%, le cours de 70 dollars en 2009,du fait du ralentissement économique, ne représente pas les fondamentaux et au-delà de 55/60 dollars au cours de 1,28-1,30 dollar l’euro,60/65 dollars pour un cours de 1,39/140 dollar un euro , le cours est du aux tensions géopolitiques au Nigeria, à une reconstitution rapide des stocks aux USA, Europe mais surtout en Chine ce qui a poussé certains traders à accélérer les mouvements spéculatifs. Peut-être en cas de reprise non des valeurs bancaires comme actuellement, mais des valeurs technologiques qui elles seules déterminent la croissance de l’économie mondiale. Pour cette reprise des avis divergents entre deux institutions internationales , le directeur général de l’OMC qui ne voit pas le bout du tunnel avant 2013 si on lève les mesures protectionnistes, et le directeur général du FMI qui pense à une stabilisation en 2010.

Dr Abderrahmane MEBTOUL

(1)- séminaire international sur la politique gazière mondiale réonotypé – Université d’Oran – 2007- « Quelle est la future politique gazière mondiale ? » co-présidé par les experts internationaux en énergie les professeurs Jacques Percebois( conseiller en énergie à la communauté économique européenne et à gaz de France) – France – et Abderrahmane Mebtoul –Algérie-.

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