Révision de la Constitution. Qu'aurait voté le peuple ?

Redaction

Comme dans un mauvais navet, le scénario de ce qui s’est déroulé aujourd’hui en Algérie était connu d’avance ! A défaut de vivre ad vitam aeternam, notre cher « raïs » vient de se faire offrir une éternité politique par les « élus » d’un peuple léthargique.

Sacrée revanche pour l’acolyte d’un autre « zaïm », non moins mégalomane et pas plus compétent porté aux nues malgré un bilan des plus lamentables eu égard à la conjecture exceptionnelle du dernier lustre.

Pour ceux qui sont déconnectés de la politique algérienne, le parlement vient d’adopter, au club des pins, tout un symbole, le projet de révision constitutionnelle. Au menu, mandats illimités pour le président de la république, promotion de l’écriture et de l’enseignement de l’Histoire (laquelle?), consolidation des symboles de la révolution et, en passant, des droits des moudjahidines et des fils de chouhadas, le tout ornementé par de menues déclarations pour la promotion de la femme.

Les uns crient au viol de la constitution, les autres se taisent et la plupart s’en fout. En soi, cette révision est bien constitutionnelle, le potentat n’ayant nulle besoin de transgresser la loi pour s’offrir la possibilité d’un troisième mandat. Mais cela est bien un nième outrage fait à l’Algérie, embarquée dans une « tournante » depuis la dite indépendance, relation incestueuse qui enfante d’une incohérence congénitale : n’est -ce pas là une injure au symbole le plus important de la révolution, à un élément essentiel de l’histoire de notre jeune nation. Son peuple.

Venons-en à ce peuple justement. Une question que beaucoup semblent éluder me taraude l’esprit depuis quelques jours : qu’aurait voté ce peuple s’il avait été consulté lors d’un référendum sur la révision constitutionnelle ?

L’histoire récente montre que ce peuple a toujours fait les mauvais choix. N’est ce pas le peuple qui vota pour le FIS en 91 ? N’est-ce pas lui qui acquiesça les projets de concorde et de réconciliation nationale ?

N’est ce pas ce même peuple qui est silencieux, capable du meilleur, mais surtout du pire ? Où sont les jeunes d’El Harrach et d’el Hamri qui cassent tout pour un match, mais se font entubés par des politicards dédaigneux ? Ne vont-ils pas finalement voter allègrement pour « essi raïs » ? Danton disait : « après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple ». Terrible arme que la démocratie de forme, sans fond, pour un peuple abêti. La démocratie ne se résume pas à un simple exercice électoral.

Elle suppose l’éveil politique préalable à tout engagement et nécessaire à tout choix réfléchi et objectif. Cela passe par des média libres, une opposition visible et un système éducatif à même de développer l’esprit critique et d’analyse des individus.

Le penseur algérien Malek Bennabi avait forgé le concept de « colonisabilité » pour qualifier l’état d’aliénation dans lequel se trouve un peuple, et qui permet sa colonisation militaire, mais aussi culturelle et intellectuelle. Nul besoin de créer un autre néologisme pour décrire l’état de notre peuple, puisque la langue de Molière, celle de l’ancien colon, dispose déjà d’un mot adéquat : servilité. Le nif algérien tant vanté est tombé depuis longtemps déjà.

Dans la situation supra-orwelienne dans laquelle nous nous trouvons, le peuple de l’Oceania* fait pale figure. Il avait pour lui l’ignorance, certes nourrie par le régime totalitaire de Big Brother, alors qu’aucun de nous ne peut honnêtement affirmer sans rougir : « Makenche alabali !!!  »

« Dieu ne change la situation d’un peuple s’il ne se change pas lui-même ».

Ayrad, un blogeur algérien …

*Pays fictif dans le roman 1984 de George Orwell.

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