La destruction fin décembre du mausolée d’un érudit, père de l’intégration des arabes dans la communauté berbère de Ghardaïa, au sud d’Alger, a attisé les tensions qui risquent de se transformer en un conflit communautaire aux conséquences lourdes pour le pays.
Ghardaïa, chef-lieu de la province éponyme construit au 11e siècle, est située à 600 km au sud d’Alger. Ses 400.000 habitants, dont près de 300.000 berbères, vivent depuis plusieurs semaines au rythme des heurts devenus récurrents, destruction de biens, fermeture d’écoles et magasins.
«La crainte si Ghardaïa est déstabilisée est que toute la région se retrouve dans une situation précaire», analyse le politologue Rachid Tlemçani. La ville se trouve à proximité des zones pétrolières et des grandes villes du sud algérien, frontalières des pays du Sahel.
La cohabitation plusieurs fois centenaire entre communautés mozabite (berbère) et chaamba (arabe) est menacée, et le calme revenu reste précaire dans cette ville aux portes du Sahara, où trois personnes ont déjà été tuées ce mois-ci. Selon M. Tlemçani, «seule une démocratie participative (…) peut éliminer le risque du communautarisme», dans ce pays où les différentes communautés arabes et berbères cohabitent habituellement en harmonie.
Mais à Ghardaïa, les autorités locales semblent impuissantes à régler le phénomène. «Je resterai blessé toute ma vie, cela ne s’effacera jamais», lance amèrement le mozabite Nourredine Daddi Nounou, évoquant la destruction du mausolée de Ammi Moussa.
Ammi Moussa, mort en 1617, est le symbole de l’intégration dans cette région. Il «fut celui qui prit la responsabilité d’intégrer les nomades (arabes) dans la ville (mozabite) en 1586», explique Mohamed Hadj Said, chercheur.
La destruction de son mausolée, classé patrimoine mondial par l’Unesco, et la profanation du cimetière où il se trouve, le 26 décembre 2013, ont été très mal vécues par la population. Des vidéos montrant des casseurs, dont des jeunes identifiables en train d’y détruire des biens mozabites, sans que les policiers présents ne réagissent, circulent sur le net et sont montrées aux journalistes qui arrivent sur place.