Qu’est-ce qui fait courir Ali Benflis ? Dix ans après une première tentative infructueuse, l’homme récidive en concourant à l’élection présidentielle algérienne du 17 avril. Ancien ministre de la justice, premier ministre, chef du Front de libération nationale (FLN), le parti au pouvoir depuis l’indépendance, directeur de campagne du président Abdelaziz Bouteflika, Ali Benflis, 69 ans, connaît tout des rouages politiques algériens. Il sait aussi que depuis l’instauration du suffrage universel en 1962, jamais un second tour n’a été nécessaire.
Vrai concurrent ou faux lièvre, comme l’accusent ses détracteurs qui lui reprochent de crédibiliser par sa présence un scrutin « joué d’avance », il se prépare à affronter, une nouvelle fois, comme le principal compétiteur parmi quatre autres, le président sortant Abdelaziz Bouteflika, 77 ans, malade, candidat à sa succession pour un 4e mandat. Le premier duel, en 2004, l’avait laissé exsangue, avec 6,4 % des voix.
« Rien n’est joué, assure Ali Benflis au Monde, mais il faudra faire très attention. » « En 2004, accuse-t-il, le vainqueur, c’était la fraude. A nouveau, on a préparé l’outil de la fraude massive mais la société algérienne a évolué et cette fois, je me suis préparé pour y résister. » L’ancien premier ministre, limogé en 2003 et brouillé depuis lors avec l’actuel chef de l’Etat, affirme qu’il disposera le jour du scrutin d’un observateur dans chacun des 60 000 bureaux de vote. « On va mêmeorganiser des séminaires pour les former », ajoute-t-il.
Cette fois aussi, le candidat « indépendant » doté d’une haute silhouette et d’un soupçon de moustache, qui aime se présenter comme « l’homme du changement », dispose de solides moyens. Depuis l’ouverture de la campagne officielle le 23 mars, il sillonne toutes les régions à bord d’un avion loué pour l’occasion, entraînant dans son sillage, « 70 journalistes qui accompagnent ».
Le tout financé, selon l’intéressé, par « les dons de quelques particuliers que je ne connais même pas » et « un chèque de l’Etat de 15 millions de dinars remis à chaque candidat ». « Je dispose également du soutien de 23 partis politiques, et de 213 associations nationales ou régionales, sans compter tous les comités de soutien », précise Ali Benflis entre deux meetings, mardi 1er avril.
En Algérie, certains le voient aussi comme le candidat officieux du puissant Département du renseignement et de la sécurité. « Autrefois, la Sécurité militaire était le parti politique de l’armée. Aujourd’hui, l’armée a des partis », relevait le 29 mars l’historien Mohammed Harbi, fin connaisseur de l’Etat algérien, lors d’un colloque à Paris.
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